Des perspectives suisses en 10 langues

La Cinquième Suisse vote encore trop peu

Le vote électronique pour les expatriés? Pas avant 2010. Keystone

La participation des Suisses de l’étranger aux votations et élections atteint 18%. Ce chiffre augmente mais reste à moins de la moitié de la moyenne suisse.

Malgré le vote par correspondance, cela reste plus compliqué de le faire de l’étranger.

«Je ne vote pas mais je lis la presse suisse.» Etabli au Québec depuis 1968, Gérard Bochud ne voit pas l’utilité d’exercer ses droits civiques. Par contre s’il y avait un problème, il serait «le premier à monter aux barricades».

Pour René Weiss, depuis 1981 au Burkina Fasso, c’est le contraire: «Je m’intéresse beaucoup à la politique et je participe toujours. Sauf lors de l’élection fédérale d’octobre dernier, parce que j’ai reçu le matériel de vote en… décembre. Mais le problème vient de Suisse, pas du Burkina.»

La poste peut être un problème. Comme ça l’a été en Amérique du Sud pour Jean-François Salberg: «Avec le mauvais fonctionnement de la poste colombienne, il m’était pratiquement impossible de renvoyer mon enveloppe de vote à temps. Je vis maintenant en Equateur, où je n’ai plus de problème.»

Un droit récemment acquis

Depuis le 1er juillet 1992, les expatriés suisses ont la possibilité de voter par correspondance sur le plan fédéral – dans certains cantons il est même possible de le faire au plan cantonal et communal. Auparavant, il leur fallait rentrer dans leur commune de domicile pour exercer leurs droits civiques.

Aujourd’hui, sur quelque 600’000 Suisses de l’étranger (les trois-quarts sont binationaux), ils sont 82’700 à exercer leurs droits politiques au niveau fédéral.

Georg Stucky, président de l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE) et ancien conseiller national, estime que «cela correspond à une moyenne de 18,2% des personnes autorisées à voter».

Difficultés pratiques

Le taux de participation varie fortement selon le pays de résidence et les thèmes sur lesquels les citoyens sont appelés à se prononcer.

Ainsi, en 2002, la participation a atteint en moyenne 30,1% chez les Suisses d’Italie, 22,6% chez ceux d’Allemagne et 18,9% chez ceux de France.

Gabrielle Keller, responsable de l’information à l’OSE, commente: «Plus les expatriés sont proches de la Suisse, et plus ils sont actifs politiquement.»

D’autres régions, comme l’Amérique latine, comptent beaucoup de binationaux de la 2 ou 3e génération, qui ne parlent plus nos langues. «Ils sont donc peu actifs, avec une participation qui se situe entre 5 et 11% selon les pays», ajoute Mme Keller.

Des thèmes plus ou moins faciles

Les Internationaux s’intéressent tout naturellement à des thèmes tels que les assurances sociales ou les relations avec l’Europe et le monde. Par contre, les sujets plus techniques ou domestiques ne sont pas très mobilisateurs. Comme en Suisse, du reste.

«Nous votons rarement, explique Jean-François Salberg en Equateur. Quand il s’agit d’une votation, les sujets sont souvent trop techniques ou trop limite. Pour une élection, notre niveau d’information sur les candidats est insuffisant. Pour choisir, il faut se limiter à un parti et c’est frustrant.»

Mais ces citoyens de l’extérieur doivent faire preuve d’une grande motivation puisqu’ils doivent demander eux-mêmes le matériel de vote, ce qui constitue un obstacle supplémentaire.

Et pourquoi ne pas envoyer cette documentation systématiquement à tous les Suisses de l’étranger pour les inciter à voter? «Cela coûterait trop cher, répond Gabrielle Keller. En l’état actuel, les envois postaux coûtent déjà un million de franc environ.»

La participation augmente

Mais la participation augmente. Elle a gagné près de 16’000 votants depuis 1999. «Nous espérons atteindre bientôt les 100’000 inscrits sur les registres électoraux», poursuit Georg Stucky. Autrement dit, le seuil nécessaire pour lancer une initiative populaire.

L’année dernière, l’OSE a lancé une campagne pour «augmenter le poids politique de la Cinquième Suisse». Elle utilise le relais des clubs et autres associations d’expatriés.

De leur côté, les autorités ont fait un geste. Les communes sont maintenant autorisées à envoyer plus tôt le matériel de vote aux expatriés. Soit entre 5 et 6 semaines au lieu des 3 à 4 semaines qui sont la règle dans les communes de Suisse.

Vivement le vote électronique

En outre, l’OSE réclame l’introduction du vote électronique. Mais il faudrait pour cela établir un registre unique des électeurs expatriés. Et c’est impossible pour cause de fédéralisme.

Tout ce qui relève des droits politiques étant de la compétence des cantons, la confédération ne peut exiger l’établissement de registres cantonaux, et encore moins communaux.

«Le problème est aussi technique: il serait très compliqué de réunir les données émanant des quelque 3600 circonscriptions que compte la Suisse», explique Gabriella Brodbeck, juriste au Service des Suisses de l’étranger.

Pour ce qui est du «e-voting», des expériences ont été menées dans les cantons de Genève, Neuchâtel et Zurich. Mais l’introduction du vote électronique en Suisse n’est pas d’actualité avant… 2010, estime-t-on à la Chancellerie fédérale. Patience donc.

Cela dit, le problème de la participation ne sera pas résolu pour autant, car l’accès à Internet n’est pas garanti dans tous les pays.

«Mon sentiment est que la 5e Suisse est aussi la 5e roue du char et, franchement, je ne sais pas si cela peut changer», conclut Jean-François Salberg avec philosophie.

swissinfo, Isabelle Eichenberger

Les Suisses de l’étranger votent, soit en se rendant dans leur commune, soit, depuis 1992, par correspondance.
Pour voter, ils doivent être inscrits dans une commune, que ce soit leur commune d’origine ou un de leurs domiciles antérieurs.

– 600’000 Suisses vivent à l’étranger, soit 10% de la population totale.

– Environ 75% d’entre eux sont binationaux.

– En 1999, ils étaient 67’000 à voter.

– En 2003, ils étaient 82’700, soit l’équivalent du canton de Neuchâtel.

– Cela représente 18,2% des personnes autorisées à voter.

– La participation moyenne des Suisses aux dernières élections fédérales d’octobre 2003 a légèrement dépassé les 45%.

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision