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La conférence du désarmement reste dans l’impasse

Le Pakistan, qui a testé l'arme atomique en 1998, refuse de mener des négociations sur les matières fissiles tant qu'elles ne sont pas liées au désarmement. Reuters

Après 16 ans d’impasse, la Conférence du désarmement voit son avenir menacé. Mais de nombreux Etats, y compris les puissances nucléaires, n’ont pas forcément intérêt à sortir de l’impasse la seule instance multilatérale pour négocier le désarmement.

 

Les expressions «profonde déception» et «échec frustrant» ont résonné dans les couloirs du siège européen des Nations Unies à Genève, suite à la première réunion de l’année de la Conférence du désarmement. Et c’est une fois de plus le Pakistan qui a rompu le consensus sur le programme de travail. 

L’ambassadeur du Pakistan Zamir Akram  a mis en avant la situation sécuritaire précaire de son pays  et déclaré: «Dans ces négociations, le Pakistan prend toujours une position qui protège ses intérêts sécuritaires. Ce faisant, il n’agit pas différemment des autres Etats.»

Depuis 2009, le Pakistan a refusé d’entamer des pourparlers au sujet de la production de matières fissiles – dans le cadre d’un traité sur l’arrêt de la production de matières fissiles (FMCT) – sauf s’ils sont liés aux disparités dans les stocks existants.

Les autres thèmes centraux de la Conférence du désarmement incluent la garantie que les armes nucléaires ne seront pas utilisées contre les Etats non-nucléaires et la prévention d’une course aux armements dans l’espace. L’impasse s’est renforcée  avec l’exigence d’établir des liens entre ces questions.

Une impasse inacceptable

Lors d’un sommet de deux jours sur la sécurité nucléaire à Séoul le 27 mars dernier, le Secrétaire général Ban Ki-moon a déclaré que l’impasse dans laquelle était plongée la Conférence du désarmement était «inacceptable».

De fait, le principal forum mondial sur le désarmement nucléaire n’a rien produit de substantiel depuis le traité interdisant les essais nucléaires de 1996.

«La pertinence de la Conférence sur le désarmement est en jeu, a déclaré le secrétaire général. Si l’impasse n’est pas résolue au cours de la session de 2012, la communauté internationale doit explorer des voies alternatives.»

Il faisait allusion à la tentative l’an dernier de l’Autriche, du Mexique et de la Norvège  de créer des groupes de travail sur les questions fondamentales qui relèveraient directement de l’Assemblée générale des Nations Unies. Une proposition qui peut avoir une autre chance quand les questions de désarmement seront discutées en septembre prochain à New York.

Les 65 Etats membres de la conférence sont aujourd’hui partagés entre ceux qui croient encore pouvoir sortir de l’impasse et ceux  qui considèrent la conférence comme obsolète.

L’ambassadeur suisse à la conférence, Alexandre Fasel, partage les frustrations des diplomates, tout en estimant que cet organisme reste une institution importante qui reflète simplement l’état du monde en matière de sécurité.

«Elle correspond à la réalité déterminée par les Etats membres», assure ainsi l’ambassadeur avant de proposer de redynamiser ce forum.

Un forum sans objet

Les militants du désarmement estiment, eux, que ce forum multilatéral est devenu sans objet. «Il faut reconnaître ses réalisations passées, à savoir de nombreux traités très importants. Mais après 15 ans d’impasse, c’est insuffisant pour la maintenir en vie», estime Béatrice Fihn, cheffe de projet de l’ONG Reaching Critical Will.

Et Beatrice Fihn de rappeler qu’en matière de désarmement, il était pourtant possible d’avancer, que ce soit dans le cadre du traité sur le commerce des armes conventionnelles à l’Assemblée générale de l’ONU, dans les négociations entre les Etats-Unis et la Russie ou les pourparlers entre les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, sans oublier l’interdiction des mines anti-personnel et des bombes à sous-munitions négociées en dehors de l’ONU.

«La Conférence du désarmement a bien fonctionné pendant la guerre froide, quand il y avait deux blocs, mais aujourd’hui nous avons un monde complètement différent dans lequel cette institution n’est plus adaptée, assure Beatrice Fihn. C’est particulièrement vrai pour l’Asie du Sud, le Moyen-Orient ou la péninsule coréenne.»

Les observateurs du dossier disent que les États dotés d’armes nucléaires – et le groupe des Etats G 21 – se trouvent maintenant dans une sorte de «zone de confort » sur cette question et qu’ils s’accommodent fort bien du statu quo actuel.

«Personne ne propose de solution alternative, car tout le monde sait qu’elle serait bloquée par le Conseil de sécurité et le droit de veto de ses membres permanents. Pour modifier la règle du consensus, il faudrait un consensus de leur part. C’est kafkaïen», souligne Beatrice Fihn.

La Conférence du désarmement a été constituée en 1979 en tant qu’instance multilatérale pour les négociations dans le domaine du désarmement. La CD est composée actuellement de 65 Etats membres.

Elle est issue de la première session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies consacrée au désarmement, qui s’est tenue en 1978.

Le mandat de la Conférence couvre pratiquement tous les problèmes en matière de limitation des armements et de désarmement sur le plan multilatéral.

La Conférence et les organes qui l’ont précédée ont négocié des accords multilatéraux tels que le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, la Convention sur l’interdiction d’utiliser des techniques de modification de l’environnement à des fins militaires, les traités relatifs au fond des mers, la Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication et du stockage des armes bactériologiques (biologiques) et sur leur destruction, la Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes chimiques et sur leur destruction, ainsi que le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires.

Source: ONU

(Traduction de l’anglais: Frédéric Burnand)

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