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La coopération suisse critique la loi sur l’asile

Il est illusoire de vouloir stopper le flux de migrants, estime l'Organisation internationale pour les migrations. Keystone

L’agence suisse de coopération (DDC) juge superflues et inappropriées certaines mesures contenues dans le projet de loi sur l’asile.

Entériné par la Chambre du peuple, le texte doit encore passer la rampe du Conseil des Etats.

Mercredi, les députés du Conseil national (Chambre du peuple) ont durci le ton à l’égard des réfugiés en adoptant la révision de la loi sur l’asile.

Au centre de ce durcissement: la suppression de tout ou partie de l’aide au développement pour les pays qualifiés de non-coopératifs. Autrement dit, les Etats qui rechignent à reprendre leurs ressortissants déboutés par la Suisse.

Directement concernée, la DDC rétorque en premier lieu que la Confédération a déjà les outils nécessaires pour faire pression sur les Etats récalcitrants.

«Si le parlement tient absolument à mentionner des moyens de pression, il serait plus efficace d’utiliser les accords économiques ou les visas accordés à des membres d’un gouvernement», précise Markus Reisle, responsable de la division prévention des conflits à la DDC.

«Les programmes de coopération, poursuit le haut fonctionnaire, soutiennent, dans la majorité des cas, des ONG locales. Ils ne passent donc pas par les gouvernements. »

A coté de la cible

La DDC souligne également que les pays d’où viennent la grande majorité des demandeurs d’asile changent régulièrement. «Ces pays ne bénéficient pas forcément de notre aide au développement», souligne Markus Reisle.

De fait, en 2003, les demandeurs d’asile venaient principalement de Serbie, de Turquie, d’Irak, d’Algérie et de Géorgie. Aucun de ces pays ne figure sur la liste des destinations prioritaires de l’aide helvétique.

Même constat pour la Russie, d’où provient un nombre croissant de demande d’asile, selon Dominique Boillat, de l’Office fédéral des réfugiés (ODR).

Pour autant, la DDC ne se désintéresse pas de la problématique des réfugiés. Elle contribue ainsi au financement du HCR, le Haut commissariat de l’ONU pour les réfugiés, dont l’un des objectifs est d’assurer le retour des réfugiés dans leur pays d’origine.

«Nous collaborons également avec l’ODR dans le cadre de programmes d’aide au retour», rappelle aussi Markus Reisle.

Un phénomène croissant

Cela dit, il est illusoire de vouloir stopper, voir freiner le flux des migrants, qu’ils soient réfugiés ou non. C’est en tous cas l’avis de l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM).

«Il faut donc que les Etats apprennent à gérer ce phénomène en constante augmentation», souligne Jean-Philippe Chauzy.

Le porte-parole de l’OIM remarque au passage que les sommes versées par les migrants à leur famille restées au pays (250 milliards de dollars par année) dépassent largement l’ensemble des budgets de coopération (65 milliards de dollars).

Geler l’aide au développement, comme le préconise la nouvelle loi sur l’asile, n’aura donc guère d’effet dissuasif pour les migrants.

«En développant des politiques concertées, l’ensemble des pays de la planète peut tirer profit de ces flux migratoire et mieux lutter contre leurs effets pervers, comme le trafic d’être humains», ajoute Jean-Philippe Chauzy.

C’est d’ailleurs l’objectif visé par l’initiative de Berne. Lancé par la Suisse en 2001, ce projet cherche à mettre en place un système de gestion des migrations aux niveaux régional et mondial.

Une conférence internationale se tiendra en décembre à Berne pour faire le point sur le sujet.

swissinfo, Frédéric Burnand à Genève

– Le Conseil national (chambre du peuple) a adopté la révision de la loi sur l’asile par 98 voix contre 49 et 30 abstentions.

– Le texte doit encore passer devant le Conseil des Etats (chambre des Cantons).

– Le projet de loi est également menacé par des referendum issus de la droite comme de la gauche de l’échiquier politique suisse.

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