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La Coupe de l’America doit se reconstruire

Pour la presse, cette édition se résume à un duel entre les milliardaires Larry Ellisson (droite) et Ernesto Bertarelli. Reuters

La 33e Coupe de l’America laisse un goût amer dans la presse suisse. Les commentateurs sont unanimes à regretter que l’argent, la technologie et les actions juridiques aient totalement gommé le caractère sportif de cette prestigieuse compétition.

C’est presque avec soulagement que la presse prend acte du résultat de cette 33e Coupe de l’America à Valence, soit la victoire du bateau américain Oracle et la défaite du suisse Alinghi. Car pour la plupart des commentateurs, le spectacle présenté a été «indigne», ainsi que le souligne le quotidien alémanique Argauer Zeitung.

«La 33e Coupe de l’America, disputée dans l’ombre médiatique des Jeux olympiques, dans la grisaille de la Valence hivernale, n’aura pas fait rêver», juge de son côté le quotidien romand Le Temps.

Une victoire très nette

Les commentateurs ne remettent pas en question la victoire d’Oracle. Le voilier américain a remporté facilement la coupe, avant tout en raison de sa supériorité technique. Ils constatent que le choix d’une voile rigide s’est finalement avéré judicieux.

Plusieurs analystes soulignent également le rôle joué par Russel Coutts dans cette victoire. «Lorsque Russel Coutts participe à la Coupe de l’America, il la gagne: en 1995 et 2000 pour la Nouvelle-Zélande, en 2003 pour Alinghi et en 2010 pour Oracle. Mais à Valence, ce n’est pas comme barreur et skipper qu’il a dominé, mais comme CEO d’Oracle», souligne le quotidien alémanique Neue Zürcher Zeitung.

Mais le résultat final enregistré dimanche est aussi à mettre sur le compte d’Ernesto Bertarelli. Le Suisse a, selon les commentateurs, une grande responsabilité dans sa défaite en raison des erreurs commises.

«Bertarelli a voulu se mettre encore plus en jeu personnellement, en prétendant barrer lui-même Alinghi 5. Ce qui, sans l’ombre d’un doute, est l’une des clefs du défi perdu contre Oracle», remarque ainsi le Corriere del Ticino.

«Le Defender suisse a pitoyablement sombré, c’est indubitable. Insolence, mépris des autres, crânerie exagérée amplifient la violence du soufflet. Insolence. Mépris des autres. Crânerie exagérée. Tiens, tout ça rappelle vaguement notre Suisse qui, par les vents qui courent, fait naufrage dans le théâtre universel», commente pour sa part le grand quotidien populaire romand Le Matin.

Enfin, Ernesto Bertarelli a également commis une erreur technique en ne reprenant pas le concept de voile rigide. «En ne choisissant pas la même option, alors qu’il en avait la possibilité, Alinghi a probablement commis l’une de ses principales erreurs stratégiques», note le quotidien vaudois 24 heures.

Un état catastrophique

Au-delà de ces considérations, les commentateurs déplorent les conditions dans lesquelles s’est déroulée cette 33e édition.

Tout d’abord, l’interminable duel judicaire entre les deux équipes a laissé une très mauvaise impression. «Pendant deux ans et demi, les milliardaires Larry Ellison et Ernesto Bertarelli ont présenté un spectacle lamentable, devant les tribunaux plutôt que sur l’eau», déplore l’Argauer Zeitung.

Quant à la suite du spectacle, elle n’a guère été plus brillante. Grâce à l’intervention de la justice, les deux bateaux se sont affrontés sans ouvrir la compétition à d’autres équipes, dans un duel où ce sont surtout l’argent et la technologie qui ont dominé.

«La Coupe de l’America se trouve dans un état catastrophique. Deux milliardaires se sont livré un duel dans lequel le côté sportif a été relégué au second rang. Ce ne sont pas les navigateurs qui ont décidé du duel, mais l’argent et la technologie», résume ainsi la Luzerner Zeitung.

Le grand quotidien populaire alémanique Blick va même plus loin en résumant cette édition à un duel entre «deux milliardaires remplis de testostérone».

Reste donc maintenant à reconstruire. «La décision claire sur l’eau de Valence est aussi un libération pour la Coupe de l’America, qui a été conduite dans la plus grande crise de son histoire par cette innommable lutte judicaire», note le quotidien bernois Bund.

C’est donc maintenant au défi américain de redonner un peu de lustre à la compétition. «Que va faire l’équipe du Golden Gate Yacht Club de cette victoire? Les donneurs de leçons vont-ils vraiment appliquer la démocratie qu’ils n’ont cessé de prôner dans cette monarchie qu’est par essence la Coupe de l’America et son Defender tout-puissant? Pas sûr», conclut Le Temps.

Olivier Pauchard, swissinfo.ch

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