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La crise libyenne continue de faire des vagues

Deux ministres au coeur de la tourmente: Hans-Rudolf Merz et Micheline Calmy-Rey. Keystone

Dix jours après le retour du second otage de Libye, l’affaire continue d’agiter les médias et de secouer la classe politique suisse. Allégations et rumeurs se succèdent sur la manière dont le gouvernement a géré la crise. Mais à ce jour, il n’est toujours pas possible de dire quel ministre a fait quelle erreur à quel moment.

Tout a commencé peu après le retour de Max Göldi, rentré au pays en compagnie de la cheffe de la diplomatie Micheline Calmy-Rey.

Se basant sur des fuites de l’administration fédérale, la presse a révélé que par deux fois depuis le début de la crise, des plans avaient été dressés pour envoyer un commando exfiltrer les deux hommes d’affaires retenus à Tripoli.

De plus, ces sources anonymes ont affirmé que tous les membres du Conseil fédéral (gouvernement) n’avaient pas été mis au courant de ces plans.

Lors de sa séance régulière de mercredi, le gouvernement a décidé de déposer une plainte pénale contre inconnu pour ces indiscrétions, qui portent sur une action… qui n’a finalement jamais été menée. Mais ni le porte-parole du Conseil fédéral ni le ministre de la Défense n’ont accepté d’en dire plus, se réfugiant derrière le secret d’Etat.

Accusations, révélations

L’annonce de ce dépôt de plainte survient dans une période de forte turbulences autour du dossier libyen. Les médias et les partis politiques ne cessent de jeter de l’huile sur le feu, en particulier l’UDC (droite conservatrice) qui s’en est pris violemment à la ministre des Affaires étrangères, élue du parti socialiste.

Certains ont demandé que la Libye vienne s’expliquer aux Nations Unies ou soit traduite devant la Cour européenne des Droits de l’homme.

Mais ce que cette affaire a surtout révélé jusqu’ici, c’est la difficulté évidente qu’ont les membres du Conseil fédéral à parler d’une seule voix. Ce qui pourrait traduire à la fois une faiblesse du système de collégialité et des animosités entre les sept membres du Gouvernement.

«La question centrale, c’est de savoir comment un gouvernement peut fonctionner si des sujets importants ne sont même pas mis en discussion», relève Georg Lutz, politologue et historien à l’Université de Lausanne.

Confiance et responsabilité

Selon lui, le fait que l’on lance des accusations contre les ministres individuellement montre en définitive que le système, basé sur la responsabilité commune et la confiance mutuelle, est sérieusement vicié.

Mais le politologue admet aussi que ces escarmouches verbales entre partis peuvent également en partie être motivées par la volonté de se placer au mieux au cas où une place deviendrait soudain à prendre au gouvernement.

Quant à savoir si toute cette agitation ne serait pas simplement une manière pour les médias de remplir leurs colonnes à l’orée du «creux de l’été», où l’actualité sommeille, Georg Lutz ne se prononce pas. Pour lui, ces attaques des partis sont avant tout «tristes et fatigantes».

Déjà en campagne

Dans la même veine, Andreas Ladner, professeur à l’Institut des hautes études en administration publique de Lausanne, estime que ces controverses pourraient continuer à s’étaler sur des semaines et annoncer les début de la campagne en vue des élections législatives, prévues dans 16 mois.

«Mais ce qui est plus important, estime le politologue, c’est que cette affaire met en évidence des problèmes à l’intérieur du Gouvernement et des limites du système politique».

Andreas Ladner admet que les médias jouent un certain rôle dans la dramatisation des conséquences de l’affaire libyenne. Le fait de se focaliser sur des individus et sur leurs insuffisances fait incontestablement de bons titres.

Le professeur ne met pas pour autant ces dissensions apparentes entre hommes politiques sur le dos des journalistes. Pour lui, c’est le Conseil fédéral qui a laissé trop de questions sans réponses, invitant ainsi par inadvertance les médias à creuser et creuser encore pour trouver une «bonne histoire».

Urs Geiser, swissinfo.ch
(Traduction et adaptation de l’anglais: Marc-André Miserez)

Le gouvernement suisse prend ses décisions collectivement, sur la base du principe de collégialité.

Chacun des sept membres, y compris le président, dispose d’une voix et doit se montrer solidaire des décisions prises.

Les ministres sont élus pour quatre ans par le Parlement. La fonction de président échoit à chacun d’entre eux à tour de rôle pour une année.

Les prochaines élections sont prévues pour décembre 2011, dans la foulée des législatives.

La Suisse et la Libye ont désigné leurs représentants au sein du tribunal arbitral qui devra se pencher sur les conditions de l’arrestation d’Hannibal Kadhafi en 2008 à Genève.

Il s’agit de la Britannique Elizabeth Wilmshurst et de l’Indien Sreenivasa Pammaraju Rao, a annoncé jeudi le DFAE.

Ces deux juristes avaient déjà été choisis par les deux parties à l’automne dernier, lors d’une première tentative de constitution d’un tribunal arbitral prévu dans l’accord conclu en août 2009 par le président de la Confédération Hans-Rudolf Merz à Tripoli.

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