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La droite conservatrice a-t-elle atteint ses limites?

Le président Toni Brunner veut mener l’UDC à sa sixième victoire consécutive lors des prochaines élections fédérales. Keystone

Les succès électoraux de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice) au cours des 15 dernières années ont bousculé des équilibres qui semblaient immuables. La progression du parti prendra-t-elle fin en 2011 lors des consultations fédérales?

Avant chaque élection au Parlement, adversaires, politologues et sondages prédisent la fin de la spectaculaire progression de l’UDC. En attendant, la formation politique qui incarne la droite conservatrice a obtenu en 2007 son 5e succès électoral consécutif.

Après plus d’un demi-siècle de stabilité, avec un modeste 11-12% des voix au niveau national, l’UDC avait pour la première fois bousculé l’establishment politique en 1992. Seul contre tous, le plus petit des partis gouvernementaux avait alors réussi à réunir une majorité des citoyens contre le projet d’adhésion de la Suisse à l’Espace Economique Européen (EEE).

Depuis, sous la direction du tribun zurichois Christoph Blocher, l’UDC ne s’est plus contentée de son traditionnel rôle de représentante des paysans et de la petite bourgeoisie. Grâce à un habile virage vers la droite, le parti est devenu le défenseur actif de l’identité nationale, le promoteur d’une longue série des campagnes contre l’Europe et les étrangers, le champion du moins d’Etat et de la lutte contre les abus sociaux.

Fruits électoraux

Ce changement de cap, contresigné par une politique d’opposition constante par rapport aux autres trois partis gouvernementaux, s’est révélé payant au niveau électoral. L’UDC a fini par atteindre 28,9% des voix lors des élections fédérales de 2007, en attirant de nouveaux électeurs principalement issus des deux grands partis du centre, le Parti libéral-radical (PLR) et le Parti démocrate-chrétien (PDC).

Les électeurs de l’UDC se rencontrent surtout dans les zones rurales, en particulier parmi les paysans et les petits commerçants, mais aussi dans les couches les plus modestes de la population des villes et des périphéries urbaines. Même en proposant souvent des coupes sociales, le parti de la droite conservatrice a donc attiré, dans les zones urbaines, une partie de l’ancien électorat du Parti socialiste (PS).

Embourgeoisement de la classe ouvrière

«L’UDC a profité d’un certain embourgeoisement de la classe ouvrière, qui a atteint quelques-uns de ces objectifs économiques et qui jouit d’une certaine sécurité grâce à l’Etat social. Pour ces franges moins qualifiées de la population, la question des étrangers et de la concurrence sur le marché du travail reste plus importante que les thèmes sociaux», explique le politologue Michael Hermann, de l’Université de Zurich.

«L’UDC a séduit de nombreux électeurs en jouant la carte de l’identité nationale contre les étrangers, mais aussi contre la globalisation et les changements en cours dans la société, poursuit-il. C’est un phénomène qui se rencontre dans plusieurs autres pays européens, où ont également émergé des partis populistes qui incarnent la résistance contre la globalisation et la modernisation de la société.»

Fortes turbulences

Depuis les élections fédérales de 2007, l’UDC a traversé une période de fortes turbulences qui a débuté avec la décision du Parlement de ne pas reconfirmer son leader Christoph Blocher à son poste de ministre. L’UDC a alors rejeté ses deux ministres Samuel Schmid et Eveline-Widmer Schlumpf. Elle est passée dans l’opposition pendant plus d’un an et a subi la scission de son aile modérée qui a créé le Parti bourgeois démocratique (PBD).

Mais la perte d’une partie de l’électorat, passée dans quelques cantons dans les rangs du PBD, n’inquiète pas le président de l’UDC Toni Brunner. «La naissance de ce parti a surtout affaibli nos adversaires: le PBD se trouve au centre, où existent déjà différentes autres formations politiques, tandis que l’UDC est l’unique force qui se positionne de manière stable à droite», déclare-t-il.

Les sondages réalisés ces dernières années donnent cependant l’UDC en perte de vitesse. «Ces sondages ne nous intéressent pas, répond Toni Brunner. Seule la réalité nous intéresse. Et la réalité, c’est que nous avons gagné dans pratiquement toutes les élections cantonales, pendant que le PLR, le PDC et le PS en sont sortis presque toujours perdants.»

Réservoir d’électeurs

Pour remporter les prochaines élections fédérales également, le président de l’UDC veut mettre l’accent sur les désormais traditionnels chevaux de bataille du parti: la lutte contre l’immigration des travailleurs étrangers, contre la criminalité des étrangers, contre les abus dans les assurances sociales de la part des étrangers. Et puis aussi, clairement, contre tout projet d’adhésion à l’Union européenne.

«La classe politique à Berne n’en parle pas ouvertement, mais elle n’arrête pas de faire des pas vers l’UE: pensons par exemple à la libre circulation des personnes, à l’accord sur la libéralisation du marché agricole ou à la création d’un groupe de travail destiné à évaluer les possibilités de reprendre automatiquement le droit européen», affirme Toni Brunner.

Mais l’UDC peut-elle encore attirer des électeurs d’autres partis avec ces thèmes? «La progression de l’UDC s’est ralentie au cours des dernières élections, observe Michael Hermann. Mais je crois qu’il reste encore une marge de manœuvre, notamment parce que ce parti dispose d’un bon réservoir de votes protestataires auprès des abstentionnistes. Il sera donc déterminant de voir s’il réussira à mobiliser cet électorat au cours de l’année à venir.»

Née en 1917, l’Union démocratique du centre des devenue le plus grand parti de Suisse au cours de la dernière décennie.

Lors des élections fédérales de 2007, elle a recueilli 28,9% des voix (+ 2,2%).

L’UDC dispose de 66 sièges au Parlement – 60 à la Chambre basse et 6 à la Chambre haute. Elle compte un représentant au sein de gouvernement (Ueli Maurer).

Le parti a renforcé son assise électorale dans 11 des 17 élections cantonales auxquelles il a participé depuis 2007.

1959-2003
La longue période de la «formule magique»: 2 sièges au Parti socialiste (PS), 2 au Parti démocrate-chrétien (PDC / centre droit), 2 au Parti libéral-radical (PLR / droite) et 1 à l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice).

2004-2007
Avec Christoph Blocher, l’UDC ravit un siège au PDC: 2 sièges PS, 2 UDC, 2 PLR, 1 PDC.

Décembre 2007
Le Parlement ne réélit pas Christoph Blocher et le remplace par sa collègue de parti Eveline Widmer-Schlumpf. L’UDC rejette alors ses deux représentants au gouvernement et annonce son passage dans l’opposition.

2008
Les deux ministres UDC quittent le parti et adhèrent au nouveau Parti bourgeois démocratique (PBD): 2 sièges PS, 2 PLR, 1 PDC, 2 PBD.

2009
Après la démission de Samuel Schmid, l’UDC retourne au gouvernement avec Ueli Maurer. La répartition actuelle est donc: 2 sièges PS, 2 PLR, 1 PDC, 1 UDC, 1 PBD.

Traduction de l’italien: Olivier Pauchard

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