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La fin du taux plancher mènera à des délocalisations, dit une étude

(Keystone-ATS) Depuis l’abandon du taux plancher en janvier 2015, des signes annonciateurs de délocalisation d’entreprises suisses ont vu le jour. Des chercheurs de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et de l’Université de Genève le démontrent au travers d’une étude.

Se basant sur les données de 200 sociétés helvétiques cotées en Bourse, et donc contraintes de fournir leurs résultats financiers, les scientifiques confirment que les entreprises exportatrices sont les plus touchées. Produisant en Suisse, elles réalisent leur chiffre d’affaires à l’étranger, pour l’essentiel dans la zone euro, rappellent vendredi les deux institutions dans un communiqué.

Après l’abandon du taux plancher, les effets ne se sont pas fait attendre. Dans les six mois qui ont suivi la décision de la Banque nationale suisse (BNS), le chiffre d’affaires de ce type d’entreprise a baissé en moyenne de 16,3% et le bénéfice net de 20,4%.

« Leurs coûts sont en francs et leurs revenus en euros », explique Rüdiger Fahlenbrach, chercheur au Swiss Finance Institute de l’EPFL et coauteur de l’étude. « Si le franc suisse coûte plus cher, leurs coûts sont plus élevés, leur marge réduite et leur compétitivité internationale entravée. »

Moins d’investissements

Autre effet rapide: une diminution importante (-30%) des investissements de ces sociétés exportatrices qui ont parallèlement augmenté leurs acquisitions à l’étranger, en achetant des sites de production ou des infrastructures. Des opérations souvent annonciatrices de délocalisations, qui trahissent également une certaine urgence, selon Rüdiger Fahlenbrach.

Si le spécialiste reconnaît qu’il est difficile de connaître les motivations et stratégies des entreprises, il n’hésite guère: « l’augmentation globale et rapide des rachats ne laisse que peu de doute sur le fait qu’ils sont pour la plupart corrélés avec l’abandon du taux plancher ».

Du côté des firmes internationales, à l’image de Nestlé ou Novartis, la situation est moins inquiétante puisqu’elles sont mieux protégées des aléas du franc fort. Leurs sièges sont en Suisse mais leur production internationale. Reste que leurs revenus doivent être rapatriés et qu’elles ont donc aussi pâti du taux de change.

PME exposées

Faute de pouvoir obtenir les chiffres de PME, non cotées, les scientifiques n’ont pas pu les analyser de la même manière. Pourtant, les petites et moyennes entreprises (PME) jouent un rôle-clé dans l’économie helvétique puisque deux tiers des emplois en dépendent.

« Sans trop spéculer, on peut avancer que la majorité des PME suisses se situe dans la catégorie la plus exposée, celle des exportateurs », poursuit le chercheur. Et de citer en exemple les firmes actives dans le secteur des machines-outils. « Ces sociétés n’ont pas nécessairement les fonds nécessaires pour délocaliser leur production. »

Risques de licenciements

S’exprimant sur le franc suisse, le chercheur constate que celui-ci a entamé une première tendance à la baisse, mais il ne s’attend pas à une forte dévaluation. « Je crains qu’un certain nombre d’entreprises ne s’en sortent pas sans automatiser la production et licencier », lâche-t-il.

Depuis de nombreuses années, la Suisse a toutefois su s’adapter. Alors qu’un euro s’échangeait contre 1,60 franc en 2009, le pays a ainsi su résister jusqu’à l’abandon du taux plancher.

A la question de savoir si la situation actuelle est due à la brutalité soudaine de l’abandon de ce taux ou si un seuil critique a été atteint, le chercheur se montre peu optimiste: « Nous verrons sur le long terme, mais notre étude ne renvoie pas de signes très positifs. »

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