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La Journée des droits de l’homme, occasion d’un examen de conscience

Même moins visible qu'ailleurs, la pauvreté n'en est pas moins présente en Suisse. Keystone / Str

Le 10 décembre est proclamé chaque année Journée internationale des droits de l´homme. Les Suisses se sentent-ils concernés? Même s´ils pensent que leurs libertés fondamentales sont respectées, il y a encore place pour l´autocritique.

Les Suisses auraient-ils inventé les droits de l’homme. En tout cas ils donnent parfois l’impression de croire qu’ils sont «nés avec», qu’ils sont «tombés dans la marmite des libertés» quand ils étaient encore nourrissons et que de ce point de vue, rien de grave ne peut plus leur arriver.

Il est vrai que la Suisse a souscrit à tous les grands traités internationaux en matière de droits de l’homme, qu’elle fait régulièrement ses devoirs onusiens et qu’elle rend aux institutions chargées de surveiller l’application des conventions des rapports qui, hormis quelques avertissements, recueillent généralement l’approbation des examinateurs.

Mais il en va des droits de l’homme comme de beaucoup d’autres choses: l’ouvrage est sans cesse à remettre sur le métier. Les dérapages existent. Certes il n’y a pas dans ce pays de violation majeure des droits fondamentaux. Mais il y a des cas qui méritent toute l’attention des défenseurs des droits de l’homme.

Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants a déjà fait deux inspections en Suisse, il en prévoit une troisième l’an prochain. S’il n’a constaté aucun mauvais traitement physique dans les prisons helvétiques, il a cependant noté des allégations de violences policières et de discrimination raciale lors d’arrestations.

Amnesty International a également montré du doigt certaines méthodes de contrainte utilisées lors d’expulsions de requérants d’asile. Ici et là, on rappelle aussi volontiers à la Suisse son devoir de surseoir à des renvois de réfugiés vers des pays où ils risqueraient de subir des traitements inhumains. Une exigence qui paraît toutefois mieux respectée que par le passé.

Mais il y a d’autres violences quotidiennes, qui ne font pas la une de l’actualité. Vivre en dessous du seuil de pauvreté, c’est aussi être privé de droits humains fondamentaux. Voilà un principe qui concerne la Suisse puisqu’un demi-million de personnes vivraient chez elle dans cette situation.

«Comme d’autres pays industrialisés, constate Eric Sottas, directeur de l’Organisation mondiale contre la torture, la Suisse a tendance à privilégier les droits civils et politiques et à sous-estimer un certain nombre de violations des droits économiques et sociaux.»

Cette semaine encore, la Confédération internationale des syndicats libres épinglait la Suisse pour ses limitations du droit de grève et dénonçait certaines discriminations au travail dont sont victimes à la fois des femmes suisses et des travailleurs migrants.

L’économie moderne, explique encore Eric Sottas, génère une société à deux vitesses, avec ceux qui gagnent et ceux qui restent au bord de la route. «Il y a un lien direct avec la montée du racisme: les marginalisés ont tendance à voir dans l’étranger celui qui est responsable de leur situation.» En d’autres mots: «le non respect des droits économiques, sociaux et culturels conduit presque immanquablement aux violations des droits civils et politiques».

C’est aussi l’une des lectures que l’on peut faire du message lancé à l’occasion de cette journée par Mary Robinson, Haut-Commissaire de l’ONU pour les droits de l’homme, et qui suggère une mesure concrète à la portée de chacun: «accélérer la lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et toutes les formes d’intolérance qui y sont associées».

Il est enfin un domaine – l’éducation – où la Suisse a encore du pain sur la planche, si l’on en croit Jean-Daniel Vigny, qui ne manque pas de points de comparaison puisqu’il participe depuis plusieurs années avec les délégations suisses à la plupart des grandes réunions internationales sur les droits de l’homme.

«Si la Suisse, dit-il, veut sur ce terrain maintenir le niveau qui est aujourd’hui le sien, elle doit en faire plus non seulement dans l’enseignement de ces droits à l’école, mais aussi dans l’information et la formation des policiers (cela se fait déjà), des chefs d’entreprise, des parlementaires et de tous ceux qui ont des responsabilités à tous les niveaux de la société.»

Bernard Weissbrodt




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