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La justice genevoise refuse de répondre à Raul Salinas

La lettre de Raul Salinas de Gortari au juge Perraudin. swissinfo.ch

Incarcéré pour meurtre au Mexique, Raul Salinas accuse la justice genevoise d'incompétence. Le parquet de Genève hausse les épaules.

Dans sa prison d’Almoloya de Juarez, au Mexique, Raul Salinas de Gortari (le frère de Carlos, l’ancien président du Mexique) jouit d’une certaine liberté. Il lui arrive fréquemment d’appeler sur son téléphone portable des personnes en Suisse qui suivent son dossier, ou de leur adresser du courrier électronique.

Mais, cette fois, Raul Salinas, qui dénonce le séquestre en Suisse de 130 millions de dollars depuis 1995, a envoyé une lettre de cinq pages au juge Paul Perraudin pour lui dire tout le mal qu’il pensait de son enquête contenue dans 300 classeurs fédéraux.

Selon Raul Salinas, le magistrat genevois se serait livré à un travail déficient («deficiente trabajo»). «Les propos de ce Monsieur ne sont tout simplement pas sérieux, commente le procureur Jean-Bernard Schmid. Il n’y a rien à lui répondre.»

Et l’adjoint du procureur général de Genève Bernard Bertossa d’ajouter: «Je constate que certaines personnes bénéficient de plus de libertés en prison que d’autres.»

Le frère de l’ancien président du Mexique n’est pourtant pas emprisonné pour des faits mineurs. Il purge en effet une peine de prison de 27 années. Motif? Il aurait commandité en 1994 le meurtre de son beau-frère, Francisco Ruiz Massieu, candidat à l’élection présidentielle.

De la cocaïne colombienne

Le juge Paul Perraudin, qui a inculpé Raul Salinas en juillet 2001 pour «blanchiment d’argent», a suivi la piste des narcotrafiquants. Et la pêche a été bonne.

D’après son enquête, Raul Salinas aurait aidé les producteurs de cocaïne de Colombie à commercialiser leur drogue aux Etats-Unis en passant par le Mexique. L’armée, la police et la douane mexicaines fermaient les yeux sur certains convois.

Seulement voilà, la justice mexicaine, elle, n’entend pas poursuivre dans cette voie. Elle accuse maintenant Raul Salinas d’avoir aidé son frère (président du Mexique de 1988 à 1994) à piller les caisses de l’Etat. Et les 130 millions de dollars séquestrés en Suisse proviendraient de détournements de fonds.

Raul Salinas s’appuie sur ce différent suisso-mexicain pour accabler le juge Perraudin. Il affirme ainsi que la section locale d’Interpol l’a blanchi, lui et sa famille, n’ayant jamais trouvé de «relations directes ou indirectes avec des narcotrafiquants». D’ailleurs, les marchands de mort eux-mêmes innocenteraient le frère de l’ancien président.

Effectivement, la justice mexicaine n’a toujours pas inculpé Raul Salinas dans ce dossier. Et, encore une fois, la justice helvétique se retrouve confrontée au même dilemme. En clair, le crime n’a pas été commis sur son territoire, mais au Mexique.

Un brave gestionnaire de fortune

C’est donc au Mexique de régler ses problèmes. Paul Perraudin a demandé à Bernard Bertossa, procureur général de Genève, d’expédier la procédure à Mexico.

Pour justifier la présence d’autant d’argent sur ses comptes en Suisse, Raul Salinas (qui n’était qu’un modeste fonctionnaire) explique qu’il ne s’agit, en fait, que de fonds prêtés par de riches hommes d’affaires pour les faire fructifier.

Il cite notamment le nom de Carlos Penalta, ancien patron d’Iusacell, la compagnie de téléphone mobile mexicaine, qui lui aurait «passé» 47,5 millions de dollars!…

Raul Salinas ne serait finalement qu’un brave gestionnaire de fortune! «Qui peut croire à une telle fable? Pourquoi ces gens lui auraient-ils prêté de l’argent?», lance le procureur Jean-Bernard Schmid en haussant les épaules.

swissinfo/Ian Hamel avec Enrique Dietiker

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