Des perspectives suisses en 10 langues

La loi sur les langues est toujours à l’ordre du jour

Réservation des places lors du débat sur les langues en Suisse, à Berne, en décembre dernier. Keystone

Le gouvernement l'avait glissée dans un tiroir, mais la Chambre basse du Parlement l'y a repêchée. Après deux renvois, la loi fédérale sur les langues devrait finalement être discutée par les députés.

Le projet a pour but de revaloriser le patrimoine linguistique suisse et de favoriser la compréhension réciproque. Mais il est contesté notamment quant à la répartition des compétences, aux coûts et à l’enseignement de l’anglais.

Au total, vingt ans de discussions auront été nécessaires pour élaborer un projet portant sur les langues nationales. Les dix premières années ayant abouti à l’article constitutionnel sur les langues, approuvé par le peuple en 1996, il en a encore fallu dix autres pour préparer la loi.

Et l’issue de cette véritable Odyssée est loin d’être assurée. Ulysse lui, après dix ans à Troie et dix ans de pérégrination à travers la Méditerranée, est finalement rentré à bon port. La loi sur les langues quant à elle pourrait très bien ne jamais arriver à quai.

Les vents ne semblent en effet pas particulièrement propices. Il y a de cela quelques années, alors que la socialiste Ruth Dreifuss était ministre de l’Intérieur, l’approbation de la loi semblait être une pure formalité.

Son poste a cependant été repris par le radical (droite) Pascal Couchepin et, avec la nouvelle législature en 2003, la sensibilité politique et linguistique du Parlement a changé. Résultat: en 2004, le gouvernement a tenté de couler la loi, qui était pourtant prête, en décidant de ne pas la soumettre au Parlement.

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Initiative parlementaire

Ce contenu a été publié sur L’initiative parlementaire permet à un député ou à un sénateur de déposer devant le Parlement un projet d’article constitutionnel, de loi ou encore d’arrêté. Ce projet peut être entièrement rédigé ou formulé en termes généraux. La commission de la Chambre où l’initiative a été déposée décide s’il y a lieu d’y donner suite. Par exemple,…

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Courants contraires

La réaction est venue du député socialiste Christian Levrat, qui a ressuscité le texte par le biais d’une initiative parlementaire. Le Conseil national (Chambre basse) aurait déjà dû se pencher sur la question l’automne dernier. Mais un agenda trop chargé a entraîné un report de session en session. La date du 20 juin devrait par contre être la bonnne.

Et ceci même si la droite conservatrice tentera de bloquer l’entrée en matière. «Nous nous y opposerons», a déclaré à swissinfo le député de l’Union démocratique du centre (UDC, droite populiste) Oskar Freysinger, membre de la commission qui a préparé la loi. «Un soutien financier aux échanges s’avèrerait utile, mais pas une loi qui créerait des structures stériles et augmenterait la bureaucratie.»

La députée démocrate chrétienne Thérèse Meyer, qui a signé l’initiative Levrat, est d’un tout autre avis. «La cohésion de la Suisse passe aussi par la connaissance des langues du pays. Avoir quatre langues nationales est une richesse et il est nécessaire de faire quelque chose pour la conserver. Il faut promouvoir le plurilinguisme au niveau individuel afin que l’on se comprenne mieux entre régions, entre langues et entre cultures.»

La troisième section du projet de loi va dans ce sens. Il s’agit cependant de la partie la plus contestée.

D’une part, parce qu’elle prévoit des mesures concrètes, donc des dépenses chiffrées. Et de l’autre, parce qu’elle se situe à la frontière des compétences fédérales et cantonales. «Quelques parlementaires disent que cela coûte trop cher, mais que seraient 16 millions de francs en regard d’une tâche aussi importante?», commente Thérèse Meyer.

L’écueil de l’anglais

En fait, même si Oskar Freysinger parle de «gouffre sans fond», la véritable pierre d’achoppement du projet de loi n’est pas la question financière, mais celle des compétences. La Confédération ne peut agir que sur le plan fédéral. Or les domaines concernés par le plurilinguisme, à commencer par l’école, sont de la compétence des cantons.

Les étincelles risquent tout particulièrement de fuser lors de la discussion sur l’article 15. Celui-ci prévoit que la première langue étrangère enseignée à l’école doit être une langue nationale. Une proposition qui prend le contrepied du modèle de la Conférence des directeurs cantonaux de l’instruction publique.

Dans ses recommandations datant de 2004, celle-ci préconise l’enseignement de deux langues étrangères à l’école primaire mais laisse à chaque canton le choix quant à la langue qu’il souhaite introduire en premier. De nombreux cantons alémaniques ont alors donné la priorité à l’anglais avant une seconde langue nationale.

Cette divergence de vues pourrait constituer un écueil insurmontable pour le projet de loi sur les langues. Thérèse Meyer est, elle, convaincue qu’il «est primordial d’apprendre une langue nationale avant l’anglais». Et elle n’est pas prête à céder sur ce point.

Sa position pourrait prévaloir au Conseil national. Mais si la loi devait être traitée par la Chambre haute, où siègent les représentants des cantons, la question de l’anglais «pourrait faire capoter tout le projet», comme le souligne Oskar Freysinger, à qui l’idée ne semble pas déplaire.

swissinfo, Doris Lucini
(Traduction de l’italien: Carole Wälti)

La loi fédérale sur les langues nationales et la compréhension entre les communautés linguistiques réglemente les points contenus dans l’article 70 de la Constitution fédérale.

L’objectif est le renforcement du quadrilinguisme suisse et la consolidation de la cohésion interne du pays.

Le projet de loi prévoit, entre autres, l’enseignement d’une langue nationale comme première langue étrangère à l’école et le soutien financier aux cantons pour la création d’un Institut scientifique pour la promotion du plurilinguisme.

De plus, la Confédération devra contribuer au financement des associations qui organisent, à tous les niveaux scolaires, des échanges d’élèves et d’enseignants entre les communautés linguistiques.

En 1996, le peuple a approuvé l’introduction d’un article sur les langues dans la Constitution fédérale. Trois ans plus tard, avec la révision de la Constitution, un pas supplémentaire a été franchi. Aujourd’hui, la question linguistique est traitée dans plusieurs articles constitutionnels: article 4 (langues nationales), article 18 (liberté de la langue) et article 70 (langues).

L’article 70 indique quelles sont les langues officielles de la Confédération, à savoir l’allemand, le français et l’italien. Le romanche est aussi langue officielle pour les rapports que la Confédération entretient avec les personnes de langue romanche.

Selon cet article, la Confédération et les cantons sont invités à promouvoir les échanges entre les communautés linguistiques.

Les cantons sont aussi appelés à respecter les minorités linguistiques autochtones. Quant à la Confédération, elle a le devoir de soutenir les cantons plurilingues dans l’accomplissement de leurs devoirs particuliers.

Enfin, l’article 70 prévoit que la Confédération soutient les mesures prises par les cantons des Grisons et du Tessin pour sauvegarder et promouvoir le romanche et l’italien.

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