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La mélancolie joyeuse de Christoph Marthaler

Quand le chanteur Michael von der Heide se plie au théâtre de Marthaler en compagnie de Katja Kolm. Keystone

Invité enfin en Suisse romande, le célèbre metteur en scène alémanique a présenté, dans le cadre de La Bâtie-Festival de Genève, «O.T. Eine Ersatzpassion».

Humour abrasif et mélodies nostalgiques se mêlent dans ce spectacle musical qui ressemble à son créateur.

Une salle comble et un public enchanté qui tape des pieds et applaudit à tout rompre lorsque le rideau tombe. Christoph Marthaler n’a pas raté son entrée sur la scène genevoise où il a présenté, dans le cadre de La Bâtie, son spectacle musical «O.T.Eine Ersatzpassion»

Deux soirées auront donc suffi au metteur en scène alémanique (ex-directeur du Schauspielhaus de Zurich, où il fut récemment éjecté) pour conquérir le cœur des Romands.

Car si l’on excepte un tout petit spectacle de Marthaler («Le voyage de Lina Boëgli») donné il y a quelques années à Lausanne dans l’indifférence générale, on peut dire que c’est la première fois que le metteur en scène est sérieusement invité en Suisse romande. Il était temps, pour celui que s’arrachent les plus prestigieuses scènes européennes.

Exercice de cruauté

Donc «O.T.Eine Ersatzpassion». Voici un spectacle que Marthaler a signé en mars 2004, juste avant sa sortie du Schauspielhaus. A l’époque, on y avait détecté des pointes affûtées à l’adresse des autorités zurichoises, responsables de son limogeage.

On y avait décelé aussi une suite désespérée à «La mort de Danton», pièce de Georg Büchner sur l’échec de la Révolution française que Marthaler a monté au Schauspielhaus également.

Mais il n’est pas interdit de voir dans «O.T. Eine Ersatzpassion» tout à fait autre chose. D’y lire, par exemple, une caricature géante de nos illusions de réussite. Et d’y suivre un magistral exercice de cruauté où une dizaine d’acteurs tentent piteusement de donner un sens à leurs faits et gestes.

Cette lecture entrerait alors dans le droit fil d’une pensée chère à Marthaler. Il y a quelque temps, le metteur en scène nous confiait lors d’un entretien que, pour lui, «la vie est comme une roue qui tourne à toute vitesse et laisse tomber ceux qui ne savent pas s’y accrocher».

Bach et Abba



Ce sont ces gens-là justement qui l’intéressent: ceux qui chutent. Ce sont eux – les laissés-pour-compte – qu’il met presque toujours en scène. Sans compassion néanmoins, sans jugement non plus. Juste un humour abrasif qui dénude les personnages, mettant en évidence leur vulnérabilité, c’est à dire leur humanité.

«O.T.Eine Ersatzpassion» est à l’image d’un moment anthologique où l’on voit l’actrice et chanteuse Rosemarie Hardy tenter de redresser, à intervalles réguliers, un sapin de Noël qui n’en finit pas de piquer du nez.

Prouesse vouée à l’échec, comme d’ailleurs le reste des actes entrepris dans ce spectacle: dérouler un tapis rebelle, arranger un fusible qui s’entête à sauter…

Actes dont on ignore la finalité. Ils sont menés de façon désaccordée par les acteurs qui ne trouvent le bon accord que dans le chant, saluant au passage Satie, Bach, les Beatles ou Abba. Comme si la musique était la seule échappatoire à ce monde qui souffre cruellement de déséquilibre.

swissinfo, Ghania Adamo

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