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La maigre bouffée d’oxygène de Berlusconi

Un sourire plus ironique que triomphant? Keystone

La presse suisse constate que Silvio Berlusconi s’en est tiré sur le fil du rasoir, grâce à des méthodes pour le moins discutables, et que sa position est désormais fragilisée. Sur l’avenir, les avis divergent, sinon sur un point: le malaise italien est bien là.

«Bouffée d’oxygène», c’est l’expression employée par le quotidien romand Le Matin pour définir cette petite victoire à trois voix remportée par Silvio Berlusconi à la Chambre des députés – après celle plus évidente du Sénat – qui lui permet d’échapper à une motion de censure.

Le commentateur du quotidien zurichois TagesAnzeiger va plus loin en soulignant que cette victoire est à considérer comme une «amère défaite». «Berlusconi est maintenant dans la situation de son prédécesseur, Romano Prodi, situation précaire dont il s’était tant moqué. Il est aussi désormais une ‘mauviette politique’», écrit-il.

Une victoire de la politique de Silvio Berlusconi? Le Temps en doute également. Car pour le quotidien romand, la politique est censée servir un projet de société. «Or depuis qu’il est revenu au pouvoir au printemps 2008, le Cavaliere semble avoir pour seul projet celui d’utiliser les institutions pour défendre ses propres intérêts et échapper à l’étau de la justice, qui le menace de suites pénales, dans plusieurs affaires», souligne Stéphane Bussard.

Quant à La Regione Ticino, elle fait dans l’humour: «La gravité de la crise italienne est telle que, peut-être, seul un anthropologue, un spécialiste en psychologie ou une analyse de l’Histoire à long terme pourraient dire quelque chose de nouveau et d’important». Pour le journal italophone, «un gouvernement suspendu à trois voix devra faire appel «à tous les saints à sa disposition», non pas pour agir, mais simplement pour survivre.

Lourds soupçons

«Le scrutin démontre une fois de plus la capacité du ‘Cavaliere’ à renverser tous les pronostics. Il y a en effet seulement quinze jours, le décompte des députés fidèles à Berlusconi s’arrêtait à 308 alors que la majorité est à 316 voix», écrit de Rome Dominique Dunglas, pour le quotidien vaudois 24 Heures.

«Le sauvetage in extremis (…) de Silvio Berlusconi n’ajoutera rien à sa gloire», note quant à lui Pascal Baeriswyl dans le quotidien fribourgeois La Liberté. Qui insiste sur les circonstances qui ont précédé le vote, «entachées du lourd soupçon de manœuvre contraires à l’éthique, voire à la légitimité démocratique».

Jacques Girard, dans L’Express, va dans le même sens: «L’empire financier de Berlusconi, en particulier sa mainmise sur la presse, interfère constamment avec le débat politique, engendrant clientélisme et népotisme. Pire, l’achat direct des voix est de notoriété publique».

Et le quotidien neuchâtelois de citer les propos de l’italo-neuchâtelois Claudio Micheloni, sénateur italien, membre du Parti démocrate, très remonté contre un autre député italien «de Suisse», Antonio Razzi, qui a changé de camp quelques jours avant la votation. «Antonio Razzi ‘a complètement trahi et insulté les Italiens de l’étranger», a déclaré Claudio Micheléoni, peut-on lire dans L’Express, qui cite une dépêche de l’ATS.

Une solution nommée Berlusconi?

Quelle que soit la maigre qualité de la victoire, Silvio Berlusconi est désormais le seul à pouvoir agir, selon le journal tessinois Giornale del popolo (GdP). A lui donc «de prendre une initiative politique forte en annonçant la mise en œuvre d’un programme gouvernemental visant à une rénovation vraiment radicale» dont il ne s’est jamais vraiment occupé pour le moment.

Le Corriere del Ticino (CDT) émet des vœux assez semblables. Au lieu de «vivre tranquillement, Berlusconi devra créer un gouvernement plus fort, en qualité et en quantité». En termes de qualité, le Cavaliere (étonnant de constater à quel point la presse aime ce qualificatif) «devra mener un programme de réformes susceptibles de stimuler la société italienne et l’économie». Pour ce faire, il faudra construire une force politique en mesure d’attribuer à la majorité «la capacité de gouverner». Pour atteindre ces objectifs, Berlusconi a «une carte qu’il veut jouer, l’appel à l’unité des modérés».

Moins d’espoirs du côté de la Basler Zeitung, où la victoire de Silvio Berlusconi «ne peut masquer le fait que son étoile a pâli» et que sa descente est irrémédiable.

Même ambiance à la Neue Zürcher Zeitung, pour laquelle Silvio Berlusconi est le «mauvais homme» à la mauvaise place: «L’Italie a besoin d’une personnalité sérieuse au poste de Premier ministre, qui s’attaque aux vrais problèmes du pays plutôt que de faire des promesses vides. Quelqu’un qui propose des solutions, même si elles sont douloureuses. Que Silvio Berlusconi soit l’homme de la situation est absolument à exclure».

Recompositions

«Gianfranco Fini est le grand perdant du scrutin d’hier», constate Dominique Dunglas dans 24 Heures. Car au-delà de la démission de Fini de la présidence de l’assemblée, c’est la dislocation de son parti que Berlusconi viserait. «Le ‘Cavaliere’ veut l’anéantissement de son rival et de ses troupes», écrit Dominique Dunglas.

Pour Stéphane Bussard du Temps, le «grand bénéficiaire de la dramaturgie parlementaire de mardi pourrait être la populiste Ligue du Nord, tactiquement dans le flot de la majorité actuelle, mais… pour combien de temps encore?»

«Silvio Berlusconi va devoir composer. Probablement avec les centristes qui bénéficient du soutien de l’Eglise dont l’influence n’est pas à négliger en Italie. Et les petits partis qui ne veulent pas rester dans les marécages de l’opposition jusqu’à la fin de la législature en 2013», écrit Ariel F. Dumont dans Le Matin. Mais une chose est sûre: «une coupure définitive avec les traîtres».

La stagnation italienne frappe Pascal Beariswyl dans La Liberté. «C’est une absence dramatique d’alternative qui ressort de ce médiocre bonus accordé au recordman de longévité à la tête du gouvernement depuis 1945. Depuis quinze ans à droite, le même trio (Berlusconi, Fini, Bossi) joue l’éternelle scène des faux amis et vrais «traîtres» en recomposition permanente. A gauche, à contrario, les leaders se succèdent sans parvenir à s’imposer aux autres, ni à une population italienne plus désemparée que jamais», écrit-il.

Alors que le parlement italien apportait sa minçolette bénédiction à Berlusconi, les rues de Rome s’enflammaient et sentaient fort les gaz lacrymogènes. «Une odeur de fin de règne», selon Le Temps.

Sénat. La motion de défiance a été rejetée mardi par le Sénat (162 votes contre 135 et 11 abstentions).

Chambre des députés. Puis, quelques heures plus tard, la Chambre des députés a à son tour assuré Silvio Berlusconi de son soutien. La majorité s’est imposée avec 314 voix contre 311 et deux abstentions.

République parlementaire depuis 1947, l’Italie est divisée en 20 régions (15 à statut ordinaire,5 autonomes), dotées chacune d’un conseil régional et d’un gouvernement local.

Le parlement est composé d’une Chambre des députés (630 membres élus au suffrage universel pour 5 ans) et d’un Sénat (315 membres élus au suffrage universel à vie, auxquels s’ajoutent au plus 5 sénateurs nommés à vie par le président).

Le président de la République est élu pour 7 ans par le Parlement et les 58 délégués régionaux. Cette fonction est actuellement exercée par Giorgio Napolitano.

Il revient au président de nommer le Premier ministre, véritable chef d’Etat dans le système politique italien. Dès sa nomination, le Premier ministre propose au président de la République les ministres avec lequel il va former le Conseil des ministres.

Le gouvernement dépend de la confiance des deux Chambres du parlement. Il a le pouvoir d’émettre des décrets législatifs qui doivent être votés par le Parlement dans un laps de temps de 60 jours.

Les Italiens forment la plus importante communauté étrangère en Suisse. Ils sont plus d’un demi-million à posséder la nationalité suisse ou la double nationalité.

En Italie réside la quatrième plus grande communauté des Suisses de l’étranger, après la France, l’Allemagne et les Etats-Unis. A fin 2009, 48’638 citoyens suisses étaient recensés en Italie.

Les deux tiers vivent dans le nord du pays. A la suite de la fermeture du consulat général de Gênes, la circonscription de Milan comprendra – outre les 5 régions actuelles – également le Piémont, la Ligurie et le Val d’Aoste, pour un total de près de 33’000 expatriés suisses.

Avec une quote-part de 9,5% du commerce extérieur suisse, l’Italie est le deuxième partenaire économique de la Suisse, derrière l’Allemagne. Les échanges entre les deux pays se montent à près de 40 milliards de francs par année.

L’Italie est le deuxième plus important fournisseur (11% des importations suisses) et constitue le troisième plus grand marché d’exportation (9% des exportations suisses).

La Suisse est le 6e investisseur étranger en Italie (27 milliards de francs à fin 2008) et les entreprises suisses fournissent du travail à près de 78’000 personnes dans la Péninsule.

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