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La Manufacture, un pas vers le haut

Jean-Yves Ruf, un directeur sur le départ. SP

Fleuron des arts et métiers de la scène, la Haute école de théâtre de Suisse romande (HETSR) établie à Lausanne est désormais dotée d’un nouveau statut. Entretien avec son directeur Jean-Yves Ruf.

Dans une interview qu’il avait accordée en 2007 à swissinfo.ch, lors de son entrée en fonction à la tête de la Manufacture, Jean-Yves Ruf avouait avoir une priorité: obtenir pour son établissement le statut de Haute Ecole Spécialisée (HES). C’est chose faite. L’occasion d’une mise au point avec celui qui dit avoir réussi là un «projet difficile», et qui quitte son poste de directeur à la fin de cette année.

swissinfo.ch: Le statut HES a été conféré à votre établissement suite à une décision signée par la ministre Doris Leuthard le 8 janvier 2010. En clair, qu’est-ce que cela signifie?

Jean-Yves Ruf: Cela signifie qu’à partir de 2012, nous sommes habilités à décerner – dans le cadre de l’application des accords de Bologne – ce qu’on appelle un Bachelor, soit un diplôme qui clôt les 3 premières années d’études. Nous sommes pour ainsi dire «bolonisés». A préciser que les accords de Bologne permettent une équivalence des formations européennes et encouragent la mobilité des jeunes qui souhaitent compléter leurs études hors de leur pays, dans telle ou telle école supérieure.

swissinfo.ch: Mais alors les élèves déjà issus de votre établissement, qu’ont-ils comme diplômes?

J-Y.R.: Ils ont l’équivalent d’un Bachelor, mais ils jouissent des mêmes droits que ceux qui sortiront de chez nous en 2012. Ce qui change, si vous voulez, c’est l’appellation.

swissinfo.ch: Les trois premières années d’études dont vous parlez correspondent à un premier niveau de formation, orienté vers le «jeu». Vous nous aviez confié en 2007 vouloir mettre sur pied un deuxième niveau de formation, orienté vers «la mise en scène». Qu’en est-il?

J-Y.R : Justement, grâce à notre nouveau statut , nous allons pouvoir ouvrir, à l’automne 2011, un deuxième niveau de formation qu’on appellera «Master de mise en scène et de dramaturgie». Une double orientation donc. Ce Master, c’était ce qui manquait, en matière de théâtre, à la Suisse romande. Je précise que la Suisse italienne et la Suisse alémanique ont déjà leur HES, habilitées à décerner des Masters. Il y a une école à Verscio, une à Berne et une autre à Zurich.

swissinfo.ch: Vous travaillerez avec elles?

J-Y.R : Bien sûr, nos élèves seront autorisés à préparer ou à compléter leur Master dans l’école de leur choix. Car chacune d’elle est spécialisée dans un domaine: Berne, c’est la performance, Verscio, c’est le mouvement…

swissinfo.ch: A plus long terme, votre école ambitionne de proposer aux «milieux professionnels» une formation continue. En quoi consistera-t-elle?

J-Y.R.: Il s’agit là d’un enseignement que l’on dispensera à des personnes déjà formées sur le tas, comme les ingénieurs du son, les éclairagistes… bref, les techniciens. Pour ceux d’entre eux qui veulent parfaire leurs connaissances, il existe un Institut qui s’appelle Artos. Ses locaux se trouvent dans notre bâtiment. Ce que je souhaite donc, c’est créer, en collaboration avec cet Institut, un CFC de technique du spectacle (Certificat fédéral de capacité), afin de couvrir tout le champ de la création théâtrale.

Elargir les contacts ne peut qu’améliorer la qualité du travail artistique. Le but de cette opération étant bien sûr que nos élèves comédiens puissent travailler avec ces élèves techniciens. C’est dans cet esprit que je compte également collaborer avec la Haute Ecole d’Art et de Design de Genève pour mettre sur pied un module de scénographie.

swissinfo.ch: La Manufacture a déjà connu deux directeurs depuis sa création en 2003. Votre prédécesseur, Yves Beaunesne, est parti au bout de quatre ans et vous-même quittez vos fonctions à la fin de cette année. Ces changements ne sont-ils pas mauvais pour l’Ecole?

J-Y.R : Je pense que les autorités locales ont l’intention de changer le profil du futur directeur. Yves Beaunesne était metteur en scène, je le suis également. Lors de la création de la Manufacture, on a voulu que son directeur soit un artiste en activité. Aujourd’hui on s’aperçoit que mener deux fonctions de front est très difficile, surtout lorsqu’on est à la tête d’une institution importante.

Ceci dit, je suis très content du projet de «labellisation» de l’école que j’ai lancé et accompagné jusqu’au bout. Mais bon, j’ai aussi ma vie artistique à suivre, des propositions de mise en scène intéressantes que je ne veux pas sacrifier. J’ai dû donc faire un choix.

swissinfo.ch: Et quel serait le profil idéal du futur directeur selon vous?

J-Y.R.: L’idéal serait de renforcer le poste de responsable pédagogique, occupé à 50%, et de mettre à la tête de l’école un ancien directeur de théâtre, par exemple, ou un ancien chorégraphe, mais surtout pas un pur manager qui ne connaît rien au milieu. Bon… là je spécule. Le plus important, c’est d’avoir quelqu’un qui soit à l’écoute, qui sache incarner une vision et accepte de se consacrer totalement au travail de transmission que nécessite l’école.

Ghania Adamo, swissinfo.ch

Cours Florent. Après une formation de musicien (flûte, hautbois et cor), il s’oriente vers le théâtre et suit pendant deux ans les cours de l’École Florent à Paris.

Strasbourg. En 1993, il entre à l’école du TNS (Théâtre National de Strasbourg) où il rencontre les élèves avec qui il fonde, en 1998, la compagnie du Chat borgne.

Comédien, il a joué sous la direction de Jean-Louis Martinelli, d’Éric Vigner et de Jean-Claude Berutti, entre autres.

Metteur en scène, il a monté plusieurs spectacles joués en France et en Suisse, sur la scène de Vidy-Lausanne notamment.

HETSR. Depuis janvier 2007, il dirige la Haute Ecole de Théâtre de Suisse Romande (Lausanne). Il quittera ses fonctions en décembre 2010.

2003. La Haute école de théâtre de Suisse romande a ouvert ses portes à Lausanne en septembre 2003.

7 cantons. Remplaçant les sections d’art dramatique des Conservatoires de Lausanne et de Genève, elle a été fondée par la Conférence intercantonale de l’Instruction publique des sept cantons francophones ou bilingues.

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