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La mort annoncée du Centre européen de la culture

Le Centre européen de la culture. http://www.ceculture.org/

Passé l'an 2002, l'État de Genève ne continuera pas de soutenir le Centre européen de la culture fondé en 1950 par Denis de Rougemont. La nouvelle n'étonne pas: la dernière missive de son président intérimaire avait des accents de chronique d'une mort annoncée.

«Nous ne financerons plus le Centre européen de la culture mais nous assurons pour l’année prochaine la possibilité qu’il puisse fermer dans de bonnes conditions. Il ne sert à rien de faire entrer dans cette structure des projets divers et éparpillés sous prétexte de faire vivre le Centre en tant que tel.»

Difficile de parler plus clairement que ne le fait Martine Brunschwig-Graf, cheffe du Département genevois de l’instruction publique. Elle nous dit par ailleurs avoir pour sa décision reçu l’aval des autres membres du gouvernement cantonal.

Sauver ce qui peut être sauvé

«Cela fait plusieurs années, explique-t-elle, que nous nous posons des questions au sujet du Centre, de sa mission, de son mandat et de son état financier. Aujourd’hui on nous demande de doubler notre subvention et de passer à 900 000 francs par année.»

Non seulement la réponse sera donc négative, le projet présenté ayant été jugé flou. Mais la subvention prévue pour 2002 conformément aux montants des années précédentes ne sera accordée que sur la base d’un budget de liquidation.

A lire la lettre que le président intérimaire du Centre européen de la culture (CEC) adressait à ses membres en date du 19 juillet, le moins qu’on puisse dire est que l’heure est véritablement à l’examen de conscience et aux remises en causes fondamentales.

Appel au dialogue

«Pendant son histoire, écrit Me Michael Schneider, le Centre a traversé des crises financières et personnelles ainsi que des controverses relatives à sa mission et son activité. Il en subit une autre aujourd’hui.» Plus loin, on apprend que l’objet du débat interne actuel inclut aussi l’éventualité d’une fermeture du Centre.

«L’attitude de l’État est correcte, nous dit l’avocat genevois réagissant à la décision de Martine Brunschwig-Graf». Il ne la conteste pas et précise que sa préoccupation, aujourd’hui, est de faire en sorte que le Centre puisse sauver tout ce qu’il compte de disponibilités et d’énergies personnelles.

Sa lettre était un appel au dialogue de tous les membres du Centre et à un maximum de transparence des points de vue et des propositions. Il ne tient pas à ce que l’Assemblée générale décisive fixée au 20 septembre prochain soit mise «devant des faits accomplis ou des surprises».

Le site Internet du Centre relaie cette invitation au partage des idées et des propositions, mais il n’a encore enregistré qu’une seule et unique contribution. Me Schneider dit cependant avoir eu des contacts informels, mais reconnaît que pour le moment – on est en plein mois d’août – les réflexions ne paraissent ni très nombreuses ni très avancées.

L’héritage de Denis de Rougemont

A ce Centre fondé en 1950, Denis de Rougemont avait donné pour vocation de développer «un esprit de coopération se substituant à l’esprit de rivalité et une vision européenne dépassant les intérêts locaux tout en les servant».

En cinquante ans, le paysage européen a certes énormément changé et le Centre ainsi que bien d’autres institutions ont fait progresser et réalisé nombre des idées émises déjà en pleine guerre froide.

Me Schneider rappelle certains des projets internationaux lancés par le Centre européen de la culture en particulier en ce qui concerne les minorités. Ou encore les «euro-ateliers» et toute la réflexion menée autour d’un thème porteur, celui de la citoyenneté et de l’éducation civique.

Repartir sur d’autres projets

Tout cela l’amène à croire que celles et ceux qui en Suisse participent à la construction européenne pourraient s’intéresser de plus près à l’avenir du CEC: «il y a là, dit-il, un potentiel d’activités qui mérite d’être poursuivi, sous sa forme actuelle ou sous une autre».

Le diagnostic de Martine Brunschwig-Graf semble plus sévère: «le Centre a rempli sa mission, il vaut mieux fermer une institution et le cas échéant repartir sur d’autres projets plutôt que de financer pour financer».

La direction et les membres du Centre européen de la culture n’ont plus qu’un mois pour relever le pari, définir des priorités aussi claires que convaincantes et trouver les moyens financiers de leur réalisation. C’est beaucoup à la fois. Peut-être même beaucoup trop.

Bernard Weissbrodt, Genève

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