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La neige reporte à 2010 la crise dans les stations

Grâce à l'abondance de neige, la station de Zermatt ne connaît pas la crise. Olivier Grivat.

Pas de soupe à la grimace sur les pistes cet hiver. Grâce à la neige abondante, la saison s'annonce très bonne, analysent des spécialistes du tourisme réunis à Zermatt. Mais les retombées de la crise risquent de se faire sentir la saison prochaine.

Hormis quelques domaines comme l’alimentation, la santé et l’énergie, tous les secteurs de l’économie semblent touchés par le «tsunami financier» qui frappe la planète.

En montagne, la tempête économique paraît cependant avoir épargné les remontées mécaniques et leurs pistes de ski.

«Grâce à un important manteau neigeux à toutes altitudes, la saison 2008-2009 se déroule très bien», avoue avec le sourire Laurent Reynaud, le directeur du Syndicat national des téléphériques de France.

Au pied du Cervin

Les skieurs ont-ils exorcisé la crise? «A long terme, nul ne sait! Le grand danger pour les Alpes françaises est la parité de l’euro avec la livre.»

Même constat pour le Suisse Fulvio Sartori, sous-directeur des Remontées mécaniques suisses, à Berne (650 entreprises): «La saison marche très bien et l’on sait qu’il en ira ainsi jusqu’à Pâques, vu l’état des réservations.»

C’est au pied du Cervin, dans la station haut-valaisanne de Zermatt, qu’une centaine d’experts européens et américains du tourisme hivernal ont tiré le bilan à l’occasion du 11e Symposium International du Tourisme.

L’état de la neige serait-il plus important que la crise aux yeux des skieurs ? L’économiste Oliver Fritz, de l’Institut autrichien de recherches économiques WIFO estime que les stations subiront certainement un sérieux impact l’hiver prochain.

En Amérique du nord, la fréquentation cette saison est en hausse de 10% à cause de la neige. Les effets de la crise vont sans doute favoriser les stations de ski de proximité, celles qui se trouvent les moins éloignées des grands centres, comme au Québec, estime le professeur Michel Archambault, de l’Université du Québec, à Montréal.

Aux Etats-Unis, les spécialistes pensent que la récession touchera davantage les sites fréquentés par la classe moyenne dans un pays où l’abonnement journalier dépasse parfois cent dollars.

1700 stations de ski dans le monde

Le ski sur neige concerne 80 pays dans le monde avec 1700 stations totalisant 6 millions de lits. Le principal marché mondial est celui des Alpes (42%) devant l’Amérique du nord (22%) et l’Asie, principalement le Japon, qui ne réalise que 10% des affaires au même titre que les pays européens non-alpins.

Pays par pays, ce sont les Etats-Unis qui comptabilisent le plus grand nombre de stations (481, mais seulement 7 grandes) devant la France (360, dont 14 importantes), l’Autriche (260 dont 12 grandes), le Canada et la Suisse (240 chacun, mais 7 grandes stations helvétiques pour une seule canadienne).

«La principale différence des stations américaines, c’est qu’elles ne sont généralement pas situées près des grands centres urbains et que les touristes doivent obligatoirement y séjourner pour pratiquer leur sport», relate David Riley, CEO de la station de ski (et de golf) de Telluride (Colorado).

C’est aux USA et son énorme marché intérieur que l’on compte le moins de skieurs étrangers (6%), alors que l’Autriche peut compter sur 66% d’étrangers, notamment dans l’est du pays avec les Hongrois et les Slovaques. La Suisse n’est pas trop mal lotie avec 50% de skieurs venus d’ailleurs, mieux que la France et ses 28%. Et nettement mieux que l’Italie et ses 18%…

Préparer la relève

Dans un cas comme dans l’autre, les remèdes contre la crise ne sont pas les mêmes: «Il faut songer à préparer sérieusement la relève», conseille le Français Laurent Reynaud. Actuellement, c’est grâce aux skieurs du baby-boom – les «baby-boomers» des années 60 qui ont atteint l’âge de la quarantaine – que la pratique marche assez fort.

Mais, avec le vieillissement de la population, il reste une douzaine d’années avant que la courbe ne dévale la pente. «Il faut fidéliser les débutants», recommandent les experts américains.

Au Canada, on initie la pratique du ski très tôt en faisant dévaler aux très jeunes enfants de petites pentes dans le préau des écoles. La règle est plus compliquée aux Etats-Unis où l’augmentation de la population est essentiellement due aux émigrés noirs ou hispaniques, celle qui n’est pas familiarisée avec les sports d’hiver: «Nous devons apprendre à travailler avec la diversité», assure David Riley.

Low-cost pas un modèle

L’évolution démographique est aussi au cœur du problème des Alpes suisses: «Mais les chiffres ne sont pas clairs et nous ne connaissons pas bien nos clients», admet Fulvio Sartori, de l’Association des remontées mécaniques suisses.

La branche devrait investir plus de 100 millions l’an prochain. La Suisse a connu une certaine stabilisation de son chiffre d’affaires hivernal ces dernières années, alors que Français et Autrichiens ont légèrement remonté la pente.

«On ne croit pas au low-cost dans ce domaine. Ce n’est pas un modèle de développement à nos yeux», avoue Laurent Reynaud qui dirige les remontées mécaniques françaises. En fin de compte, la majorité des participants du symposium zermattois estiment que la meilleure recette pour résister à la crise est de miser sur la qualité.

swissinfo, Olivier Grivat à Zermatt

Distinction. Pour saluer ses réussites qui touchent aussi bien les stations en France, en Italie et en Suisse que les parcs de loisirs, le président de Valais Tourisme Jérémie Robyr et le président du Symposium Gérald Imfeld ont remis à Jean-Pierre Sonois, créateur de la Compagnie des Alpes présente également dans des domaines suisses comme Verbier et Saas Fee, le «Crystal Tourism Award 2008».

Clés du succès? «Il faut une seule société de remontées mécaniques par station. Les charges de personnel ne doivent pas dépasser la moitié du chiffre d’affaires et ne pas compter plus de 70% de lits froids. Il faut aussi mettre de l’ordre dans les tarifs et éviter que les remontées mécaniques se mêlent de restauration», selon Jean-Pierre Sonois, 62 ans.

Enigme. «Il n’y a rien de plus obscur que de chercher à savoir ce que consomme un skieur. Nous avons 850 produits vendus à 850 tarifs différents», ajoute-t-il.

Diversification. Le patron de la Compagnie des Alpes avoue avoir été chahuté par le «tsunami financier» (l’action a chuté de 37 à 24 euros): les parcs de loisirs – elle en possède 21 dont Aquaparc au Bouveret (VS) – sont plus rémunérateurs que les stations de ski. Les investissements y sont moins élevés.

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