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La petite mouche qui tue le fléau du maïs

Diabrotica virgifera virgifera. Un petit coléoptère capable de gros dégâts. eppo.org

Arrivé des Etats-Unis en Europe il y a dix ans, un coléoptère friand de maïs commence à faire des ravages au Tessin.

Une équipe de chercheurs du CABI à Delémont travaille sur son parasite naturel, alternative verte aux pesticides et autres manipulations génétiques.

Considéré comme le fléau numéro un des immenses champs de maïs d’Amérique du Nord, diabrotica virgifera virgifera coûte chaque année près d’un milliard de dollars aux planteurs états-uniens et canadiens.

Ce petit coléoptère a la mauvaise habitude de pondre au milieu des racines de maïs, garde-manger idéal pour ses larves. Dans certaines parcelles, la récolte peut ainsi être détruite à 80%.

Débarqué par avion

Les premières populations de ces insectes ont été repérées en 1992 près d’un hangar de l’aéroport de Belgrade réservé aux avions de chasse américains. Tout laisse donc à croire que diabrotica est arrivé en Europe par la voie des airs.

Et c’est peut-être grâce au même moyen de transport que le coléoptère a aussi rapidement essaimé dans toute l’Europe du Sud-Est. De là, il a gagné l’Italie, l’Autriche, la France… et la Suisse.

Les Stations fédérales de recherche agronomique ont aussitôt tissé un réseau de pièges dans tout le pays, mais pour l’heure, diabrotica ne semble présent qu’au Tessin et dans les vallées italophones des Grisons.

Un solide instinct de survie

Aux Etats-Unis, on se bat depuis cinquante ans contre ce coléoptère ravageur. Les agriculteurs ont commencé par arroser leurs champs de pesticides, mais la nature a rapidement trouvé la parade.

Par mutation génétique sont apparues de nouvelles générations de ces insectes, de plus en plus résistantes aux moyens de lutte chimique.

On a donc testé une autre méthode, nettement moins dommageable pour l’environnement. En alternant chaque année la culture du maïs avec celle du soja par exemple, on peut priver une génération entière de nourriture, et donc de toute espérance de vie.

C’était compter sans l’instinct de survie de l’espèce. Certaines femelles se sont mises à pondre dans le soja à l’automne, afin que leur descendance naisse dans le maïs au printemps suivant.

Ailleurs, on a même vu des œufs passer deux ou plusieurs hivers dans le sol, pour n’éclore que lorsque le champ serait à nouveau couvert de pousses de maïs.

Solution transgénique…

Face à un telle «rage de vivre», les cultivateurs n’ont plus guère que deux solutions: le génie génétique ou la lutte intégrée.

Sur le premier front, les Américains ont une bonne longueur d’avance. Dès l’année prochaine, au moins deux variétés de maïs transgénique résistant au diabrotica devraient arriver sur le marché.

Mais pour l’heure, ces plantes génétiquement modifiées sont interdites dans la plupart des pays d’Europe. Reste donc la solution qui consiste à trouver la parade dans la nature elle-même.

… et solution naturelle

C’est à cette tâche que s’est attelée l’équipe d’Ulrich Kuhlmann, au centre CABI Bioscience de Delémont.

Les chercheurs ont déniché sur les hauts plateaux du Mexique – terre d’origine du diabrotica – une petite mouche d’un demi-centimètre dont la fréquentation est mortelle pour le coléoptère mangeur de maïs.

La celatoria – c’est son nom – a coutume de pondre ses œufs à l’intérieur du corps du diabrotica. La naissance d’une génération de ces mouches marque donc la mort de la génération de coléoptères hôtes.

Les biologistes du CABI planchent depuis trois ans sur le comportement de cette petite mouche. Ils ont acquis la certitude qu’elle est inoffensive pour les plantes et les animaux supérieurs.

Pas de risque en effet de la voir pondre dans le corps d’un vertébré. Par contre, on ne sait pas encore si elle pourrait le faire dans celui d’un autre insecte que le diabrotica.

Un point qui reste à éclaircir avant de lâcher ce véritable insecticide naturel dans les champs.

swissinfo/Marc-André Miserez

CABI Bioscience à Delémont est le centre de recherche européen de l’institut du même nom, basé en Angleterre et voué à l’agriculture et à la biologie dans une perspective de développement durable.

Pour le projet de lutte contre le diabrotica, CABI est associé à sept universités européennes et soutenu en Suisse par l’Office fédéral de l’éducation et de la science.

CABI est également présent en Afrique, en Asie du Sud et en Amérique latine, où il se voue surtout à l’aide au développement agricole.

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