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La politique helvétique à la cadence féminine

Les trois ministres suisses, Doris Leuthard, Micheline Calmy-Rey et Eveline Widmer-Schlumpf (de g à d). Keystone

Lente mais continue, la progression des femmes élues au sein du Parlement suisse ne devrait pas connaître d'interruption au cours des années à venir. La polarisation de l'échiquier politique pourrait jouer en leur faveur.

Avec une proportion de 29,5% de femmes élues au Conseil national (Chambre basse), la Suisse occupe le 26ème rang du classement mondial établi par l’Union interparlementaire, qui compare les situations de 188 pays. La Confédération trône ainsi parmi les nations qui dominent la moyenne internationale de 18,4%.

A niveau européen, la Suisse tient la 11e position sur un total de 36 pays. Comparée aux Etats limitrophes, son résultat est inférieur à l’Autriche (32,8%) et à l’Allemagne (31,6%), mais elle dépasse le Liechtenstein (24,0%), l’Italie (21,1%) et la France (18,2%).

Le tournant des 30%

A la lumière de ces résultats, l’égalité des sexes au Parlement suisse apparaît encore lointaine, mais la nouvelle progression de 3,5% engrangée par les édiles féminines lors des dernières élections fédérales d’octobre rapproche cependant le camp des femmes de la barre des 30%.

A en croire les analystes, c’est à partir de ce seuil qu’un groupe serait en mesure d’exercer un pouvoir politique réel.

A ce jour, seuls 22 pays comptent un nombre d’élues supérieur à 30%. Et seuls une demi-douzaine de parlements nationaux – dont celui de la Suisse – affichent un pourcentage de fauteuils occupés par des femmes avoisinant les 30%.

Perspectives et avancées

Contrairement à la majorité des pays européens, qui ont enregistré une stagnation de la présence des femmes parmi leurs édiles, en Suisse, la croissance s’est poursuive au-delà de 2000.

Et cette tendance à la hausse devrait perdurer au cours des années à venir. C’est en tout cas ce que prévoit le chef de la section «Politique, culture et médias» auprès de l’Office fédéral de la statistique, Werner Seitz. Il est l’auteur de plusieurs études sur la présence des femmes au sein des institutions politiques helvétiques et internationales.

«La polarisation politique que connaît actuellement la Confédération devrait jouer en faveur des femmes. Concrètement, les partis de gauche et les Verts n’entendent pas perdre leur avantage en matière de représentation féminine; alors qu’en face, le camp bourgeois veut à son tour compenser son retard dans ce domaine», explique l’expert à swissinfo.

«Des indices dans ce sens sont apparus lors des dernières élections fédérales d’octobre 2007, puisque ce sont les femmes du PDC (Parti démocrate-chrétien / centre droit) qui ont engrangé le meilleur résultat. Alors qu’en 2003, elles avaient déjà progressé de 9%, en 2007, elles étaient parvenues à s’arroger 7 points supplémentaires. Ainsi, la présence féminine au sein de la députation du PDC est passée à 39%», souligne Werner Seitz.

Le spécialiste signale par ailleurs que, pour la première fois depuis plusieurs années, les femmes de l’Union démocratique du centre (UDC / droite nationaliste), profitent à leur tour de l’avancée de leur parti. Sur sept sièges gagnés par la droite nationaliste, cinq ont été remportés par des femmes.

Record de ministres

A cela s’ajoute que les édiles ne se sont pas contentées du seul Conseil national (Chambre basse). Les femmes ont également pris de l’avance au Gouvernement, lors du renouvellement du Conseil fédéral en décembre dernier.

Pour la première fois de l’histoire du pays, trois membres de l’Exécutif suisse sur sept sont des femmes. Avec un taux de 42,8% de ministres, la Suisse se hisse ainsi au 8e rang du classement mondial de 2008. Parmi les pays voisins, seule la France fait mieux avec 46,7% d’élues à la tête du pays.

Néanmoins, les faits démontrent qu’il n’existe aucune garantie de pérennité ou de poursuite de la progression des femmes. De fait, le danger d’un recul représente même une menace quasi permanente.

Un tel scénario s’était d’ailleurs vérifié à la Chambre Haute (Conseil des Etats ou Chambre des cantons) en octobre dernier. Le camp féminin perdait une élue, et les sénatrices, qui se retrouvaient au nombre de 10, voyaient leur quote-part chuter de 23,9% à 21,7%.

Ce phénomène frappe aussi les gouvernements cantonaux. Après avoir atteint un seuil de 23,4% de femmes élues en 2004, la représentation féminine dans ces exécutifs avait reculé. Trois ans plus tard, en 2007, le pourcentage avait même glissé en-dessous de la barre des 20% (19,2%).

Vigilance de mise

«Ténacité et persévérance sont des ingrédients indispensables au succès des femmes en politique. Il est évident qu’un nombre élevé de candidates sur la liste d’un parti joue un rôle symbolique important pour l’image relayée auprès des électeurs. Mais, ce qui compte le plus, c’est la qualité», affirme encore Werner Seitz.

«Il est fondamental de ne pas attendre le lancement de la campagne électorale. La promotion des candidates doit débuter au minimum deux ou trois ans avant», suggère encore l’expert.

Selon lui, le système de démocratie directe que connaît la Suisse se prête parfaitement à cet exercice. Les partis doivent œuvrer dans ce sens à tous les étages institutionnels suisses, communal, cantonal et national. Ils doivent permettre aux femmes de se présenter dans les débats radiophoniques et télévisés et de donner des interviews dans les journaux à l’occasion d’objets portés aux urnes par des référendums et des initiatives populaires.

«Cette démarche permet aux futures candidates de se faire connaître auprès du public. Au moment de glisser leur bulletin dans les urnes, les électeurs et électrices se souviendront d’elles, de leur travail et de leurs compétences», assure Werner Seitz.

L’égalité des sexes sur l’échiquier politique n’est plus un rêve. Mais il n’en demeure pas moins que le chemin vers la parité promet d’être encore long et ardu.

swissinfo, Sonia Fenazzi
(Traduction de l’italien: Nicole della Piertra)

Avec 59 élues sur 200 sièges, la représentation féminine au Conseil national a atteint 29,5%.

Mais dans les faits, seules 57 femmes députées siègent à Berne, puisque deux élues ont renoncé à leur mandat.

Février 1971: le droit de vote est accordé aux femmes

Octobre 1971: 11 femmes sont élues au Parlement fédéral, soit 10 au Conseil national et une au Conseil des Etats.

1977: Elisabeth Blunschy (Parti démocrate-chrétien) est élue à la présidence du Conseil national, la fonction politique la plus élevée du pays.

1983: Le parti socialiste avance la candidature de Lilian Uchtenhagen-Brunner au Conseil fédéral, mais la majorité bourgeoise du Parlement ne veut pas de la représentante du PS.

1984: Elisabeth Kopp (Parti radical démocratique) est élue au Conseil fédéral.

1987: Eva Segmüller est la première femme présidente d’un parti gouvernemental (PDC)

1987: Ursula Mauch reprend la présidence d’un groupe parlementaire, le parti socialiste.

1998: Ruth Dreifuss (PS) devient présidente de la Confédération.

Les quotes-parts de députées élues au Conseil national varient beaucoup d’un parti à l’autre. Parmi les principales formations, les Verts occupent la tête du classement et affichent une parité parfaite avec 50% de femmes dans leurs rangs.

Viennent ensuite le Parti socialiste (42%) et le Parti démocrate-chrétien avec 39%. Les partis libéral radical (PRD) et l’Union démocratique du centre (UDC) arrivent loin derrière avec respectivement 19 et 13% de femmes au sein de leur formation.

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