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La réforme de la fiscalité agricole est enterrée

Guy Parmelin avait fait les gros titres pour avoir vendu une parcelle à son frère et préconisé parallèlement une réforme de la fiscalité agricole. Ce projet de loi a désormais été abandonné par le Parlement (archives). KEYSTONE/JEAN-CHRISTOPHE BOTT sda-ats

(Keystone-ATS) Les problèmes que rencontrent les agriculteurs en cas de ventes de terrains ne déboucheront pas sur une exonération fiscale globale. Le National a décidé mercredi par 112 voix contre 63 de jeter l’éponge. Les partisans du projet comptent sur d’autres mesures.

Jusqu’en 2011, les bénéfices provenant de la vente d’immeubles agricoles et sylvicoles étaient exonérés de l’impôt fédéral direct. Un arrêt du Tribunal fédéral a limité ce privilège aux immeubles soumis à la loi sur le droit foncier rural.

Les bénéfices provenant de la vente de réserves de terrains à bâtir faisant partie d’exploitations agricoles et sylvicoles sont donc complètement imposables. Devant l’insistance du Parlement, le Conseil fédéral avait remis un projet de réforme à contrecoeur.

Cette révision de loi instaurait le retour à l’ancienne pratique fiscale. Le Conseil national avait même été jusqu’à prévoir une clause rétroactive, l’exonération devant s’appliquer à toutes les taxations en suspens.

De nombreux paysans, en voyant leur immeuble transféré de fortune commerciale à fortune privée, se retrouvent à payer des impôts très importants. Certains doivent hypothéquer leur terrain ou quitter leur maison, avaient fait valoir les partisans du projet. Autre problème: entre deux héritiers, l’agriculteur serait prétérité.

Critiques

De nombreuses voix se sont élevées contre cette réforme, qui ne profiterait qu’aux paysans qui disposent de terrains à bâtir dans des régions où ils peuvent les vendre à prix fort. La réglementation proposée créerait non seulement une inégalité de traitement à l’égard des PME mais ne respecterait en outre pas le principe de l’imposition selon la capacité économique.

A cela s’ajoutent les coûts de l’opération. Changer la pratique entraînerait des pertes de quelque 200 millions de francs par an pour l’impôt fédéral direct, dont environ un cinquième à charge des cantons. Faute de cotisations, les recettes pour l’AVS, l’AI et l’APG pourraient en outre diminuer d’environ 200 millions, selon les calculs de l’administration fédérale.

Le Conseil des Etats a refusé d’entrer en matière. Selon les sénateurs, il faut se contenter de régler les cas difficiles. Ils misent sur la possibilité qu’ont les cantons de reporter l’imposition ou d’accorder une remise d’impôt. Les directives fédérales seront en outre adaptées pour unifier la pratique.

Le poing dans la poche

Faute d’accord en vue, les partisans du projet, majoritaires au National, ont laissé tomber. L’agriculteur UDC vaudois Jean-Pierre Grin a tenté un dernier baroud d’honneur. Il n’a pas ratissé beaucoup plus large que les rangs de son parti.

Les tenants d’un changement de système espèrent qu’une solution sera trouvée en abordant plus largement et pour tous les indépendants la question de l’imposition des immeubles qui font partie de la fortune commerciale. Un postulat en ce sens a été déposé. La gauche s’y opposera.

Les Vaudois, partisans de la réforme, semblent de leur côté s’être fait une raison. Le Grand Conseil a demandé au Conseil d’Etat de se servir de sa marge de manoeuvre pour régler le problème au niveau cantonal. Dans l’attente d’une solution fédérale, plus de 200 dossiers ont été gelés depuis 2011 dans le canton de Vaud.

Affaire Parmelin

Le ministre de la défense Guy Parmelin avait défrayé la chronique à cause de cette proposition d’exonération fiscale. Le quotidien alémanique Blick avait révélé début mai 2016 que le conseiller fédéral s’était engagé au sein du gouvernement en faveur du projet. Il était alors encore copropriétaire, avec son frère, d’une parcelle de vigne sur le domaine des Parmelin.

Guy Parmelin l’a ensuite revendue à son frère avec effet rétroactif au 1er janvier 2016. Après avoir invoqué une histoire de calendrier et de hasard, le ministre de la défense a reconnu une “faute politique”.

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