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La révision du droit des brevets est favorable aux pharmas

Une séquence génétique de ce type pourra désormais être brevetée. imagepoint

Après la Chambre basse, la Chambre haute du Parlement a adopté une révision du droit des brevets qui offre une meilleure protection des inventions biotechnologiques.

Ainsi, il sera désormais possible de faire breveter une séquence de gènes. Innovation controversée, mais qui va dans le sens de ce que demandait l’industrie pharmaceutique.

Le projet de loi est «le résultat d’un compromis entre les intérêts de la recherche et ceux de l’industrie pharmaceutique», a argumenté le ministre de la Justice en charge du dossier Christoph Blocher.

Suivant en tous points le Conseil national (Chambre basse), le Conseil des Etats (Chambre haute) a adopté lundi à l’unanimité la révision du droit des brevets telle que proposée par le Conseil fédéral (gouvernement). Celle-ci vise à encourager les biotechnologies et va dans la direction souhaitée par l’industrie pharmaceutique.

Il sera ainsi possible en Suisse de breveter des éléments du corps humain à certaines conditions. A cet égard, Christoph Blocher a précisé que la loi révisée «limite le pouvoir des pharmas par rapport à la situation actuelle».

Exceptions à la brevetabilité

Le projet de loi prévoit en effet une série d’exceptions à la brevetabilité. Le clonage d’êtres humains, l’utilisation d’embryons humains à des fins non médicales et celle de cellules souches d’embryons humains non modifiés en font partie. C’est également le cas des manipulations génétiques d’animaux si elles sont de nature à provoquer des souffrances injustifiées.

Les variétés végétales et les races animales ne pourront pas non plus être brevetées, à moins d’être le résultat de manipulations biotechniques. Au nom du «privilège de la recherche», des dispositions sont prévues pour favoriser cette dernière, ainsi que l’enseignement.

La loi révisée contient également des dispositions pour lutter contre la piraterie, favoriser l’arrivée de médicaments génériques et permettre l’accès aux médicaments des pays les plus pauvres. En cela, elle s’aligne sur le droit international.

Porte ouverte aux brevets spéculatifs

Plusieurs points de la révision ont suscité de vives discussions. Une minorité composée de députés de gauche, d’une partie du parti démocrate chrétien (PDC, centre droit) et de conseillers aux Etats proches des assureurs maladie ont émis une série de réserves qui n’ont finalement pas été prises en compte.

Leur alliance de circonstance a en effet échoué à renvoyer la question du brevetage d’une séquence de gènes en commission afin d’approfondir la question.

La minorité voulait par ailleurs limiter le brevet à la fonction découverte d’une séquence de gène. «L’étendre aux fonctions découvertes ultérieurement revient à ouvrir la voie aux brevets spéculatifs, avec le risque d’instaurer un monopole et d’empêcher les chercheurs d’avoir accès à la séquence brevetée», a argumenté en vain le démocrate-chrétien Hansruedi Stadler.

Et la socialiste Simonetta Sommaruga de rappeler le cas de la firme américaine Myriad, qui, après sa découverte du gène de la prédisposition au cancer du sein, s’est assurée par le biais d’un brevet le monopole sur l’utilisation de ce gène.

Les coûts des tests et autres médicaments dans lesquels ce gène entrait ont dès lors été multipliés par dix. Quant au chercheur qui a découvert que ce gène jouait aussi un rôle dans les cancers de l’intestin, il n’a aucune garantie de pouvoir breveter sa découverte, le droit de brevet appartenant à Myriad.

Savoir traditionnel pas protégé

Les mises en garde contre le risque de renchérissement des coûts de la santé n’ont pas non plus fait le poids face à l’argument de l’avenir de l’industrie biotechnologique de la Suisse. La minorité a également échoué concernant la protection du savoir traditionnel, notamment issu des pays du sud. «La loi introduit un devoir de transparence», a plaidé Christoph Blocher.

Enfin, les tentatives de la gauche et d’une partie des démocrate-chrétiens de renforcer la protection des droits des donneurs de matériel génétique n’ont pas eu davantage de succès. La loi révisée est donc prête pour la votation finale.

swissinfo et les agences

Un brevet sert à protéger une invention.

Il confère à son détenteur le droit exclusif d’utiliser professionnellement son invention durant vingt ans.

Avec un brevet, il est possible d’interdire à des tiers (personne privée ou entreprise) la fabrication, la commercialisation, l’utilisation, la vente et l’importation du produit.

Le détenteur peut transmettre son brevet à des tiers, le vendre ou le céder sous licence.

Le brevet n’est valable que dans les pays dans lesquels il a été enregistré et délivré.

Un gène est un segment d’acide désoxyribonucléique (= ADN, substance chimique dont sont composés les gènes). Les spécialistes estiment qu’un être humain possède entre 25’000 et 40’000 gènes. Chaque gène n’a pas le même nombre d’éléments constitutifs.

Un gène peut posséder entre 500 (gène court) et plusieurs centaines de milliers d’éléments constitutifs (gène long).

La chaîne des éléments constitutifs d’un gène peut être comparée à une phrase qui décrit comment la cellule doit produire une protéine. Un gène contient donc un ‘plan de fabrication’ pour les protéines.

Les séquences d’ADN dans leur environnement naturel originel ne sont pas brevetables. Elles le deviennent cependant lorsque leur fonction et leur application possibles sont mises à jour au moyen d’un procédé inventif.

L’étendue de la protection à accorder par l’entremise des brevets dans le domaine de la génétique est sujette à controverse. Un brevet sur une séquence permet en effet de protéger toutes les informations et fonctions qu’elle contient, y compris celles qui ne sont pas encore connues au moment de la déposition du brevet.

Certains estiment que la protection devrait se limiter aux seules informations et fonctions spécifiquement découvertes par le détenteur du brevet afin de ne pas entraver les recherches ultérieures.

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