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La randonnée, une activité qui marche fort

Dans le val d'Engelberg ou ailleurs, la randonnée est un phénomène de société en Suisse. swiss-image

Quête identitaire, culte de l’hygiène de vie et du retour à la nature, ou simplement besoin de s’évader? Les Suisses marchent de plus en plus, pour des raisons multiples. Un constat qui n’a pas échappé à Suisse Tourisme, pour qui 2010 sera l’«année de la randonnée».

«La plus belle manière de découvrir la Suisse, c’est de la parcourir à pied». Fort de ce constat, «Suisse Tourisme», l’organe national de promotion touristique, a lancé fin avril une campagne estivale résolument aérée et musculaire. «Avec 60’000 kilomètres de sentiers balisés, une densité unique au monde, la Suisse est un véritable paradis de la randonnée. La marche permet de faire des découvertes culturelles, de se rapprocher du terroir et des gens. Bref, de découvrir l’authenticité de la Suisse», vante Véronique Kanel, porte-parole de Suisse Tourisme.

Pour séduire de nouveaux adeptes, Suisse Tourisme a choisi de promouvoir trente-deux itinéraires aux quatre coins de la Suisse. Toutes les données (niveau de difficulté, durée, carte détaillée, profil et coordonnées GPS à télécharger) sont accessibles sur le site MySwitzerland.com. Et, progrès oblige, l’application «Swiss Hike», disponible gratuitement en français, allemand, anglais et italien, permettra aux propriétaires d’iPhone de se balader avec une mine d’informations en poche.

«Nous voulons mettre la randonnée à portée de tous. Il s’agit de séduire principalement des ressortissants des pays voisins de la Suisse, mais aussi de pays plus lointains qui découvrent la marche à pied, comme la Corée, ou le Japon, où la pratique est déjà plus installée», soutient Véronique Kanel.

Engouement perceptible

L’initiative de Suisse Tourisme intervient dans un contexte d’essor important de la marche à pied sous toutes ses formes (trekking, hiking, nordic walking, …), en Suisse et à l’étranger. Selon une étude publiée en avril 2009 par Suisse Rando, organisation faîtière de la randonnée suisse, et l’Office fédéral des routes (Ofrou), un tiers de la population suisse pratique régulièrement la randonnée pédestre, ce qui en fait l’activité sportive préférée des Suisses avec le cyclisme. De 2000 à 2008, le nombre d’adeptes de la marche a augmenté de 3,7%, et même de 6,9% si l’on ne prend en considération que la randonnée de montagne.

«Cette hausse a été observée dans plusieurs pays», affirme Fabien Ohl, sociologue du sport à l’université de Lausanne. Les raisons sont multiples: «C’est un phénomène qui intervient dans une période de quête identitaire et des racines, de valorisation des traditions. La randonnée et la marche font clairement partie de la culture suisse.» Les étrangers vivant en Suisse, plus encore les hommes, sont ainsi nettement moins attirés par la marche à pied, révèle l’étude.

Un «processus de patrimonialisation» de l’environnement naturel, lié à la sensibilité écologique et au rapprochement avec la nature, apparaît également. L’essor de la randonnée, selon Fabien Ohl, est lié à un «style de vie ouvert au bien-être, à la détente, aux sociabilités liées au sport». La randonnée, sport de citadins bobos ou écolos? «En France, beaucoup de randonneurs occasionnels sont parisiens. Mais pour la pratique régulière, mieux vaut habiter près des montagnes», constate, pragmatique, le sociologue.

Le randonneur-type

En Suisse, marcheurs des villes et des campagnes se retrouvent à peu près à part égale sur les chemins de randonnée. Activité physique de masse, la marche à pied obéit à certaines règles sociologiques. Le portrait-type du marcheur suisse? Un homme ou une femme, germanophone, âgé (e) de plus de 50 ans et possédant un bon niveau d’éducation.

De la balade dominicale à la grande randonnée de montagne, il existe toutefois une palette de marcheurs aussi variée que les deux millions de pratiquants recensés en Suisse. Au quotidien, Angelica Brunner, présidente de l’association valaisanne de randonnée (Valrando), constate certaines différences culturelles: «Les Valaisans francophones marchent souvent en groupe alors que le Haut-Valaisan, germanophone, préfère randonner seul. Dans notre canton, il y a beaucoup de familles qui pratiquent ce sport. Ma belle-mère, qui devait se rendre sur l’alpage à pied pour le travail, a longtemps trouvé que marcher pour le plaisir était une drôle d’idée».

Pratiquée comme loisir depuis le XIXe siècle marqué par la conquête de la montagne par l’aristocratie anglaise, la marche à pied est aujourd’hui, selon Fabien Ohl, l’activité sportive la plus répandue chez les personnes âgées: «Avec le vieillissement de la population, la randonnée est promise à un bel avenir. Ce sont des personnes qui ont un pouvoir d’achat élevé, d’où la multiplication des magasins et des accessoires spécialisés».

Ce cher franc suisse

L’impact économique de la randonnée sur le tourisme, bien que difficilement chiffrable, est conséquent pour les régions de montagne. «Et le potentiel de développement est important en Valais, estime Angelica Brunner. Les balades à plat à côté des bisses (canaux d’irrigation) sont encore trop méconnues. La campagne de Suisse Tourisme va nous amener des gens de Suisse alémanique et de l’étranger».

La marche à pied, phénomène de société, a un «potentiel de diffusion important à l’étranger», estime lui aussi Fabien Ohl. Du côté de Suisse Tourisme, on espère toutefois que l’euro se décide à remonter un peu la pente face au franc suisse pour attirer les marcheurs européens cet été.

«Les ressortissants de la zone euro représentent le 50% des nuitées totales en Suisse, souligne Véronique Kanel. Avec la météo et la situation économique, le taux de change est l’une des variables déterminantes pour le tourisme. A la fin du mois de mai, nous lancerons une action combinant randonnée, découvertes culturelles et gastronomiques dans la zone euro, à prix fixe. Cela permettra de garantir que la facture finale ne sera pas trop salée».

Samuel Jaberg, swissinfo.ch

Un tiers. Selon une étude publiée en avril 2009 par l’Office fédéral des routes (Ofrou) et Suisse Rando, un tiers de la population suisse pratique régulièrement la randonnée pédestre, ce qui en fait l’activité sportive préférée des Suisses avec le cyclisme. De 2000 à 2008, le nombre de randonneurs a augmenté de 3,7%, et même de 6,9% pour la marche de montagne.

Röstigraben. Un randonneur fait en moyenne 20 randonnées par an, d’une durée moyenne de 3 heures et demie. Les Suisses germanophones (39%) sont davantage attirés par ce sport que les Suisses italophones (22%) et les Suisses francophones (17%).

Clivage. Les randonneurs sont moins nombreux parmi les jeunes, les personnes d’un faible niveau d’étude et parmi la population étrangère. Il n’y a en revanche pas de différence significative entre hommes et femmes ni entre habitants des villes et des campagnes.

Individuel. Seuls 2% des randonneurs s’adonnent à leur activité dans le cadre d’une association et 7% en groupe d’habitués. Une randonnée coûte en moyenne 43 francs par personne (frais de transport, de repas et d’éventuel hébergement).

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