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La Suisse, base arrière de la guérilla albanaise

Manifestation des Albanais le 24 mars à Genève. Elle aurait notamment permis de récolter des fonds au profit de l'UCK. Keystone Archive

Terre d'asile d'une importante communauté albanophone, la Suisse voit transiter des sommes d'argent en faveur de la guérilla qui se bat actuellement en Macédoine. Des Macédoniens auraient également rejoint la rébellion depuis la Suisse. Mais Berne, qui condamne ce soulèvement, ne bouge pas.

La Confédération n’a toujours pas pris de position officielle sur la crise macédonienne. Mais le département des Affaires étrangères (DFAE) a tout de même tenu à faire connaître son point de vue en écrivant une lettre au ministre macédonien des Affaires étrangères.

Selon Daniela Stoffel, porte-parole du DFAE, la Suisse a fait savoir qu’elle partageait la préoccupation de la communauté internationale, qu’elle soutenait le gouvernement macédonien et sa souveraineté territoriale.

Dans cette même lettre, Berne a condamné «les violences des extrémistes armés», autrement dit l’offensive des rebelles albanais. Comment, dès lors, expliquer l’apparente passivité des autorités fédérales face aux activités de cette guérilla en Suisse?

C’est, en effet, en Suisse que réside le responsable du mouvement de soutien à l’étranger de l’UCK macédonienne, Fazli Veliu. C’est lui qui a organisé la manifestation de soutien aux rebelles macédoniens de samedi dernier devant le Palais des Nations à Genève.

Une manifestation qui a rassemblé quelque 4000 personnes. Et qui aurait permis de récolter quelque 40 000 francs, selon Nefail Maliqi. Basé à Genève, ce journaliste albanais précise que c’est la première récolte de fonds organisée en Suisse depuis le début de l’offensive de l’UCK macédonienne.

Ueli Leuenberger, directeur de l’Université populaire albanaise à Genève, ne peut confirmer un tel chiffre. Mais il précise que des récoltes de fonds ont bel bien lieu en Suisse.

Toujours selon Nefail Maliqi, près de 500 Macédoniens albanophones auraient également rejoint les rebelles albanais. Un chiffre contesté par Ueli Leuenberger.

Quoi qu’il en soit, la Suisse représente un important vivier pour l’UCK macédonienne, puisqu’elle abrite l’une des plus importantes communautés macédoniennes albanophones à l’étranger, estimée à 50 000 personnes.

Donc, plus la guerre dure, plus la communauté albanophone de Suisse risque d’être mise à contribution. Pourtant les autorités suisses n’exercent pas la moindre surveillance sur les activités de soutien à une guérilla qu’elles condamnent.

Danièle Bersier, porte-parole de l’Office fédéral de la police, estime que ce type d’activité ne représente aucun danger pour la Suisse. Quant aux sommes récoltées en faveur de la guérilla, il est quasi impossible de les bloquer.

«Il faut en effet apporter la preuve que cet argent finance directement la guérilla et ses besoins en armes, précise Danièle Bersier. Or ces preuves sont très difficiles à trouver».

Reste qu’un début de preuve pourrait sans doute apparaître, si la police fédérale exerçait une activité de surveillance à l’égard des relais en Suisse de l’UCK macédonienne.

En ce qui concerne le risque d’un éventuel afflux de réfugiés, «Berne considère que cette crise est géographiquement limitée», précise Daniela Stoffel.

Une appréciation qui n’est pas confirmée sur le terrain. En effet, lundi des réfugiés ont franchi la frontière du Kosovo, d’autres sont arrivés dans la vallée de Tetovo. On ignore encore leur nombre exact. Mais, selon le Haut Commissariat de l’ONU aux réfugiés, ils seraient plusieurs centaines déjà.

Tous les fronts ouverts ces dernières vingt-quatre heures par l’UCK, sur les montagnes qui séparent la Macédoine du Kosovo, sont silencieux. L’armée macédonienne, elle, occupe toujours ses positions. Elle barre les routes d’accès aux villages qui avaient abrité des repaires de l’UCK, de sorte que l’on ignore ce qu’il s’y passe.

Finalement, l’enjeu de ces affrontements, ce n’est peut-être pas uniquement le statut des Albanais de Macédoine. Une communauté d’ailleurs soutenue par la communauté internationale et dont les droits font actuellement l’objet d’un débat à l’Assemblée nationale macédonienne. Non, l’enjeu de cette nouvelle guerre pourrait aussi bien être le contrôle du trafic de femmes, d’armes et de drogue de l’ex-URSS vers l’Europe, via le Kosovo et la Macédoine.

Frédéric Burnand avec Angélique Kourounis à Tetovo

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