La Suisse accusée de partialité
Face à la dégradation de la situation au Proche-Orient, Berne durcit le ton envers l'Etat hébreu. Et elle irrite tant les Israéliens que les juifs de Suisse.
C'est ce que l'on appelle un signal politique. Un vrai. Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) a fait savoir mercredi qu'il était en train de réévaluer ses relations avec l'Etat hébreu, entre autres dans les domaines économique et militaire.
Pire, la Suisse a réclamé le retrait des forces israéliennes des zones dites «réoccupées» et la restitution à Yasser Arafat de sa liberté de mouvement. Tout en annonçant qu'elle allouait un million de francs supplémentaires en faveur de la population palestinienne.
Deux sons de cloches
Un message d'une rare clarté, pour la diplomatie helvétique en tous cas. Qui satisfait, bien sûr, les Palestiniens. Recteur de l'Université al-Quds et délégué de l'Autorité palestinienne à Jérusalem-Est, Sari Nusseibeh, le confirme à swissinfo: «La Suisse se montre clairement solidaire du peuple palestinien dans ces moments dramatiques».
Tout autre son de cloche en Israël. Où le ministère des affaires étrangères se montre très discret sinon embarrassé. Visiblement, le gouvernement israélien cherche à apaiser cette brusque tension entre les deux pays.
«La mauvaise humeur de Berne n'est peut-être que passagère, dit un proche conseiller de Shimon Peres qui tient à garder l'anonymat: De toute manière, il est hors de question de commencer à polémiquer avec la Suisse sur l'application du droit humanitaire ou les opérations militaires israéliennes en Cisjordanie.»
Un manquement à la neutralité
Eytan Liraz, lui, est beaucoup plus loquace. «L'attitude de Berne indique avant tout où vont ses sympathies», lance le président de la Chambre de commerce Israël-Suisse.
Et d'ajouter: «Cette attitude est totalement injustifiée. La Suisse est un pays qui se voulait neutre, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui».
Cela dit, Eytan Liraz estime que les retombées de sanctions éventuelles auront peu d'effets en Israël. D'autant que le marché privé ne sera pas touché.
«Nestlé continuera à contrôler la plus importante industrie agroalimentaire du pays, précise-t-il, de même les pharmaceutiques y développeront encore leurs investissements.»
Une prise de position unilatérale
Réaction critique également dans la communauté juive de Suisse. «Cette prise de position est par trop unilatérale et mal réfléchie, déclare Sigi Feigel, le président d'honneur de la Communauté israélite de Zurich. On ne fait ainsi qu'alimenter le conflit. L'Etat d'Israël se sent, à tort, attaqué. Et les Palestiniens, à tort, encouragés.»
Dans une première réaction, la Fédération suisse des communautés israélites met, elle aussi, en évidence l'aspect unilatéral de la déclaration helvétique. «On aurait au moins pu mentionner le fait qu'il y a encore eu de nombreuses victimes des attaques terroristes, ces derniers jours en Israël», dit Thomas Lyssy, vice-président de la fédération.
«Une telle mise en demeure est justifiée si elle s'adresse aux deux parties, avec le même poids, mais pas si elle se contente de condamner Israël», ajoute Sigi Feigel. Qui n'est pourtant généralement pas avare de critiques à l'égard du gouvernement israélien.
Pour preuve, le président d'honneur de la Communauté israélite de Zurich vient d'envoyer une lettre ouverte à Ariel Sharon. Un texte dans lequel il demande au Premier ministre israélien de se justifier.
swissinfo/Serge Ronen à Jérusalem et Pierre Gobet à Zurich

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