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La Suisse appelée à peser sur la réforme de l’ONU

Le Conseil de sécurité de l'ONU a un urgent besoin de réformes. Keystone

La Confédération pourrait bénéficier d'un siège au Conseil de sécurité des Nations Unies, selon Colin Keating, ancien président néo-zélandais de cet organe.

Dans l’interview qu’il a accordée à swissinfo lors d’une récente visite en Suisse, Colin Keating affirme que la réforme de l’organisation est toujours d’actualité, malgré la lenteur des progrès effectués depuis 1992.

Cet ancien diplomate néo-zélandais et expert de l’ONU dirige une organisation indépendante à but non lucratif, Security Council Report. Il a félicité la Suisse de sa capacité à jouer les médiatrices et à établir des relations de confiance, que ce soit pour les questions bilatérales ou multilatérales.

Il estime que la tradition de neutralité de la Confédération lui confère une crédibilité particulière et que son engagement pour le respect des valeurs morales et des droits humains est largement reconnu. L’attitude claire et franche de ses diplomates est une qualité spécifique, ajoute-t-il.

swissinfo: Que répondez-vous à ceux qui, y compris en Suisse, critiquent le Conseil de sécurité pour son manque d’efficacité et de transparence ?

Colin Keating: Il y a beaucoup de vrai dans ces critiques. Le Conseil a été constitué en 1945, à une époque où le monde était très différent de celui d’aujourd’hui.

Par certains aspects, il s’est adapté, par d’autres non. Il a étendu son mandat et, maintenant, ne s’occupe pas seulement des conflits entre Etats mais aussi des sources de conflits souvent internes et dont les parties sont fréquemment des acteurs non étatiques.

Mais il peut aussi se montrer encore très vieillot, avec une attitude qui date presque d’avant la Première Guerre mondiale.

Il faut sans aucun doute procéder à des changements, mais ce sont des changements qui sont plus faciles à opérer de l’intérieur que de l’extérieur. Grâce à son niveau d’ouverture et sa disponibilité pour écouter les autres parties, un tout petit pays tel que le Costa Rica a réussi à apporter une très importante contribution pratique au changement de la culture opérationnelle du Conseil.

Si le Costa Rica est capable de résoudre cette équation, je suis sûr que la Suisse l’est aussi.

swissinfo: Qu’est-ce qui vous fait croire qu’il y a une possibilité de changement après dix-sept ans de quasi blocage du processus de réforme ?

C.K.: Ces douze derniers mois, la plupart des pays qui avaient milité auparavant pour créer un nouveau siège permanent au sein du Conseil ont manifesté une propension croissante à accepter certains compromis.

Actuellement, de nombreux membres de l’ONU, en particulier les grands pays, qui seraient perdants en cas d’élargissement du Conseil, envisagent une solution qui serait favorable pour tout le monde.

Concrètement: ne plus avoir seulement six sièges mais ajouter peut-être quinze nouveaux pays membres qui pourraient tous être en mesure de participer au Conseil sur une base meilleure.

Ils seraient peut-être capables de servir pour plus que deux ans et plus souvent. Et comme le nombre des «papables» est assez restreint, ils auraient la garantie de bénéficier d’une rotation relativement régulière.

swissinfo: La Suisse et d’autres membres du groupe des Small Five (S5) ont également demandé un changement du droit de veto…

C.K.: Pour que la réforme du Conseil de sécurité réussisse, il faut également s’attaquer à d’autres dimensions qu’un simple élargissement. L’une d’entre elles porte sur la méthode de travail.

Cette question est en partie liée à la manière dont les cinq grandes puissances utilisent le veto. Il peut être mal utilisé quand il est appliqué à des situations autres que des crises majeures de sécurité nationale.

Il est important que les actuels détenteurs du droit de veto se restreignent. Cela concerne le principe de la responsabilité internationale – pour empêcher ou stopper un génocide ou des atrocités de masse contre des civils.

Je suis ravi que la Suisse et ses partenaires aient mis le sujet sur la table. Dans la mesure où cette proposition est formulée de manière appropriée, il est raisonnable de penser que les cinq membres permanents vont y répondre de manière positive.

swissinfo: Quel rôle voyez-vous pour la Suisse à l’avenir, un siège éventuel au sein du Conseil de sécurité ?

C.K.: A l’époque où je représentais la Nouvelle-Zélande au Conseil, en 1993 et 1994, nous avons constaté que la Suisse offrait d’énormes possibilités de contribuer de manière très efficace, en dépit du fait que c’est un petit pays.

Si la Confédération choisissait de devenir membre du Conseil, elle pourrait accomplir beaucoup sans compromettre ses valeurs ou sa neutralité, ou son image d’un pays qui aime travailler tranquillement en coulisses.

swissinfo: Dans quelle mesure la crise financière va-t-elle affecter les efforts de réforme de l’ONU ?

C.K.: Les pays auront des difficultés accrues à trouver les financements et les ressources humaines pour faire face aux crises alimentaire et énergétique ainsi que pour répondre aux objectifs de développement du Millénaire pour les plus pauvres.

Mais la crise financière a aussi créé une énorme mobilisation pour réformer les institutions financières internationales.

Si ce processus de réforme réussit, alors je pense que cela encouragera les décideurs politiques, les dirigeants, à se convaincre que le même esprit de réforme peut se transmettre à l’ONU. Et il devrait y avoir là des effets positifs.

Urs Geiser, swissinfo.ch
(Traduction de l’anglais: Isabelle Eichenberger)

A la suite d’un vote populaire, la Suisse a adhéré à l’ONU en 2002, devenant le 190e pays membre.

La Suisse fait partie du groupe des S5 (Cinq petits pays), avec le Costa Rica, la Jordanie, le Liechtenstein et Singapour.

Ils ont proposé une série de réformes en 2005 pour une plus grande transparence et la réorganisation des méthodes de travail du Conseil de sécurité de l’ONU.

Ce dernier se compose de cinq membres permanents (Etats-Unis, Russie, Chine, France et Grande-Bretagne) ainsi qu’une dizaine de pays élus successivement pour des périodes de deux ans.

Conseiller juridique et responsable aux ministères néo-zélandais des Affaires étrangères et de la Justice.

Ambassadeur de Nouvelle-Zélande à l’ONU de 1993 à 1996. Il a siégé au Conseil de sécurité de l’ONU, qu’il a présidé en 1994.

Joue un rôle actif dans un groupe de l’Assemblée générale de l’ONU qui travaille sur les réformes.

Il a travaillé dans une étude juridique avant d’être nommé en 2005 à la tête de l’organisation directeur exécutif de l’Organisation Security Council Report.

Cette organisation indépendante à but non lucratif a été créée en 2005, elle est basée à New York, et Colin Keating en est le directeur exécutif.

Affiliée à l’Université américaine de Columbia, elle est financée par le Canada, la Norvège et la Suisse et bénéficie du soutien de trois fondations.

L’organisation vise à fournir une information de qualité sur les activités du Conseil de sécurité de l’ONU pour un public élargi ainsi que pour des membres des Nations Unies.

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