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La Suisse au centre de la paix colombienne pendant une semaine

Les juges colombiens qui ont auditionné des victimes exilées du conflit vont entendre l'année prochaine des militaires liés aux exécutions des membres d'un parti en Colombie. KEYSTONE/MARTIAL TREZZINI sda-ats

(Keystone-ATS) La Suisse est cette semaine au centre des efforts de justice transitionnelle liées à l’accord de paix en Colombie. Inédit, seize victimes de ce conflit, venant de six pays européens, ont été auditionnées à Genève par des juges et commissaires colombiens.

Parmi elles, Andres Perez Berrio, qui habite à Genève. « Jamais je n’aurais pensé avoir le droit de m’exprimer » dans le cadre des effets de l’accord de paix conclu en 2016, a expliqué jeudi cet homme de 59 ans, contraint à l’exil en 1995.

Après avoir rejoint l’Union patriotique (UP) dans les années 1980, cet agriculteur devient maire de son village de l’ouest du pays. Comme des milliers de ses camarades, il va subir les stigmatisations d’un parti favorable aux réformes qui sera considéré par l’Etat comme proche de la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC).

Arrêté, détenu puis torturé par l’armée, il n’aura d’autre choix que l’exil avec sa femme, ses enfants et un autre membre de sa famille. L’UP a subi un « génocide politique » attribué surtout à des groupes paramilitaires, a fait remarquer le secrétaire général de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) Gerald Staberock.

Selon les estimations, entre 2000 et 5000 membres de ce parti ont été exécutés ou ont été portés disparus. M. Perez Berrio a perdu quatre de ses collègues du conseil municipal.

Effort suisse salué

Jamais les exilés de l’UP n’avaient pu faire entendre leur voix. Pour la première fois dans un processus de justice transitionnelle, une mission conjointe de la Commission de vérité et réconciliation et de la Juridiction spéciale pour la paix a décidé de venir à leur rencontre.

Après une semaine au Canada, elle est venue à Genève grâce au soutien financier de la Suisse, très engagée dans les efforts de paix en Colombie, avant de se rendre en Argentine. « Il y a une Colombie hors de la Colombie », a expliqué devant la presse l’un des commissaires, Carlos Martin Beristain.

Selon lui, ces victimes ont été confrontées à un traumatisme supplémentaire en raison de leur départ forcé. « La Suisse a eu une politique d’accueil très forte », souligne cet universitaire.

La situation de l’UP constitue l’un sept grands dossiers ouverts par les magistrats spéciaux. « Nous n’en avons pas assez fait pour les exilés », admet l’une de ces juges, Catalina Diaz. L’accord de paix prévoit que des militaires ou d’autres fonctionnaires peuvent demander à être entendus par la Juridiction spéciale en échange d’une possible peine allégée.

Dans le cas de l’UP, plus de 70 personnes se sont annoncées. Leur audition débutera durant la seconde partie de 2020, a précisé Mme Diaz. Environ 250 suspects ont été identifiés. Mais s’ajoutent aussi les membres des groupes paramilitaires, censés être les principaux responsables des exécutions, ajoute un autre juge, Gustavo Salazar.

Mandats difficiles avec l’ELN

M. Perez Berrio dit avoir parlé pendant trois heures et avoir « pleuré » parfois devant les juges et commissaires en mentionnant les actes qu’il a subis. Il a pu retourner en Colombie pour la première fois environ 20 ans après son départ mais dit ne pas avoir de « garanties » de normalité dans son pays.

Le retour des exilés fait partie des questions qui doivent être au centre de la réponse de l’Etat, estime M. Beristain. Plusieurs d’entre eux habitent en Suisse et ils sont 500’000 au total.

M. Beristain, qui a oeuvré dans plusieurs autres commissions de vérité et réconciliation, estime que les conditions sont plus difficiles dans ce cas. Comme l’accord de paix a été conclu avec les FARC et non l’Armée de libération nationale (ELN), il faut parfois sortir les victimes de leur zone pour éviter qu’elles ne soient menacées.

La commission est prévue pour trois ans. La Juridiction spéciale aura de son côté 15 ans pour achever son mandat. Et une troisième institution, l’Unité de recherches des disparus, a été lancée pour 20 ans.

En plusieurs décennies, le conflit a fait plus de 250’000 victimes au moins. Appuyé par l’ONU, l’accord de 2016 a permis le désarmement de quelque 13’000 membres des FARC. Mais 2300 sont actuellement dissidents.

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