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La Suisse persiste à vouloir généraliser les quotas d’étrangers

L'initiative «contre l'immigration de masse» approuvée le 9 févérier 2014 par le peuple et des cantons suisses est incompatible avec la libre circulation des personnes. Keystone

Un an après le vote du 9 février 2014, le gouvernement continue de miser sur une application stricte de l'initiative sur l'immigration. Malgré les résistances de Bruxelles, il a mis le projet en consultation et adopté son mandat pour renégocier l'accord de libre circulation des personnes.

Il n’y a donc pas de changement de cap après le voyage de la présidente de la Confédération Simonetta Sommaruga dans la capitale européenne il y a dix jours. Les plus hauts dirigeants de l’Union européenne (UE) ont pourtant opposé une fin de non-recevoir à la renégociation de l’accord de libre circulation des personnes avec lequel un retour au contingentement des citoyens de l’UE n’est pas compatible.

Les positions sont très éloignées et la marge de manœuvre étroite, a reconnu la conseillère fédérale. Seul point d’accord, des «consultations approfondies» et à haut niveau seront menées, afin de favoriser le climat des négociations.

Le gouvernement a toujours affirmé que le processus législatif interne serait mené parallèlement au processus avec l’Union européenne. Le temps presse, car l’initiative votée par le peuple le 9 février 2013 doit être mise en œuvre dans les trois ans. Pour le Conseil fédéral, il est aussi évident que la constitution doit s’appliquer. Le peuple ne comprendrait pas que l’on ne respecte pas sa volonté, avait-il justifié.

La Commission européenne a, comme attendu, réagi avec réticence au projet de mise en oeuvre de l’initiative «contre l’immigration de masse» ainsi qu’au mandat de négociation sur la libre-circulation des personnes. Le projet de loi ainsi que «les nouvelles mesures d’accompagnement» sur le marché du travail domestique seront examinés en détail afin de déterminer leur compatibilité avec l’accord sur la libre circulation des personnes, a indiqué Maja Kocijancic, porte-parole de la Commission européenne. Comme elle l’avait déjà fait auparavant, la Commission européenne a indiqué qu’elle attendait de la Suisse qu’elle «respecte ses obligations découlant de l’accord». 

Le gouvernement avait dévoilé les grandes lignes de son concept en juin. Comme du reste les auteurs de l’initiative, il avait annoncé vouloir renoncer à un objectif précis de diminution de l’immigration afin de pouvoir réagir aux besoins de l’économie et à la conjoncture.

Tous les étrangers sont concernés

Son idée est inchangée: les contingents seront réintroduits pour tous les étrangers dès quatre mois de séjour. Ces quotas s’appliqueront aussi aux frontaliers, aux membres de la famille d’étrangers vivant en Suisse, aux personnes qui n’exercent pas d’activité lucrative, ainsi qu’aux réfugiés et personnes admises à titre provisoire.

La préférence nationale sera examinée au cas par cas, sauf pour les professions dans lesquelles existe une pénurie avérée de main-d’œuvre et pour lesquelles on se contentera d’un examen sommaire.

Le gouvernement veut aussi mieux utiliser la main-d’œuvre indigène, dont le potentiel n’est de loin pas exploité, en particulier les femmes et les travailleurs âgés. Le Conseil fédéral a discuté d’une vingtaine de mesures prises par les différents ministères dans des domaines aussi variés que les assurances sociales, la fiscalité, la santé, les infrastructures ou encore la sécurité.

Difficile mais pas impossible

Concilier les exigences de l’initiative sur l’immigration de masse et les obligations européennes de la Suisse est un exercice difficile mais pas impossible, selon Simonetta Sommaruga.

Une des difficultés réside dans le fait que le dossier avance à des vitesses différentes au niveau national et au niveau européen. Il s’agit pour le gouvernement d’agir étapes par étapes. Trois scénarios pourront se dessiner dans les pourparlers avec Bruxelles: le Suisse obtient tout, rien, ou un résultat intermédiaire.

Il en ira de même de l’accueil du projet mis en consultation, a ajouté Simonetta Sommaruga. Le dossier continue d’évoluer et le gouvernement fera régulièrement le point.

Quelques dates

9 février 2014: l’initiative de l’UDC «contre l’immigration de masse» est acceptée par 50,3% des suffrages. La Commission européenne réagit immédiatement.

22 mai: la Suisse et l’UE entament à Berne la négociation d’un accord-cadre pour rénover la voie bilatérale.

20 juin: le Conseil fédéral opte pour une application stricte du texte. Dès février 2017, l’immigration serait soumise à des contingents dès quatre mois de séjour. Des contingents seront attribués aux cantons une fois par an.

7 juillet: Berne demande la révision de l’accord sur la libre circulation des personnes avec l’UE afin de l’adapter à la nouvelle donne constitutionnelle.

25 juillet: l’UE rejette la demande de renégociation mais ouvre la porte pour discuter de «problèmes pratiques liés à l’application de l’accord».

30 novembre: le peuple rejette l’initiative Ecopop «Halte à la surpopulation – Oui à la préservation durable des ressources naturelles» par 74,1% des voix.

2 décembre: le groupe «Sortons de l’impasse» RASA lance une initiative éponyme pour revenir sur la votation du 9 février.

3 décembre: le Conseil fédéral réduit au niveau de 2000 le contingent d’étrangers qualifiés non UE dès 2015, afin d’envoyer un «signal».

2 février 2015: la présidente de la Confédération Simonetta Sommaruga et le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker se rencontrent à Bruxelles mais leurs positions restent éloignées.

3 février: la ministre des Finances Eveline Widmer-Schlumpf estime qu’une nouvelle votation pourrait être nécessaire.

swissinfo.ch et les agences

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