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La Suisse durcit ses sanctions contre les Taliban

Officiellement, les sanctions ne visent pas le pays en tant que tel, mais "la faction afghane dénommée taliban". Keystone Archive

En octobre 2000, Berne avait déjà pris des mesures à l'encontre du régime taliban de Kaboul. Six mois plus tard, la Suisse décide de serrer la vis. Les embargos sont renforcés, les Taliban ne peuvent plus entrer dans le pays et la liste de leurs avoirs bloqués s'allonge.

Si les sanctions internationales relèvent normalement des affaires étrangères, leur application, en Suisse, est de la compétence du Secrétariat à l’économie (Seco). Ce genre de décision découle cependant d’un autre principe, à savoir qu’en la matière la Suisse s’aligne sur les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU et sur la pratique de l’Union européenne.

Si elle le fait, une fois encore, alors qu’elle n’est membre d’aucune de ces deux institutions, c’est parce qu’elle ne veut en aucune manière servir de «zone de contournement». Voilà, selon le Seco, ce qui motive principalement cette mise en œuvre «autonome» des sanctions et leur renforcement.

Ces mesures – théoriquement – ne visent pas directement l’Afghanistan, mais davantage, pour reprendre la terminologie onusienne qui sert de référence aux décisions suisses, «la faction afghane dénommée Taliban, qui se désigne également elle-même sous le nom d’Émirat islamique d’Afghanistan».

L’ordonnance du Conseil fédéral précise que le mot taliban recouvre aussi «les sociétés, entreprises, établissements et corporations qui sont leur propriété ou qu’ils contrôlent». Depuis octobre dernier, il était déjà interdit de leur fournir du matériel de guerre, de les laisser emprunter l’espace aérien suisse et disposer de leurs avoirs déposés en Suisse.

Désormais, les Taliban ne pourront plus bénéficier du moindre conseil ou appui liés à des activités militaires. On note aussi un nouvel alinéa consacré à l’interdiction de leur fournir de l’anhydride acétique, ce produit chimique utilisé pour la transformation du pavot en drogue et donc indirectement utile au financement de la guerre.

De plus, la compagnie aérienne Ariana Afghan Airlines se voit interdite en Suisse, de même que toute entrée ou transit des plus hautes autorités du régime taliban, a fortiori toute ouverture d’un quelconque bureau. Quant à la liste des personnes physiques et morales dont les avoirs sont gelés, elle comporte aujourd’hui quelque 170 noms.

Reste que le principe des sanctions est loin de faire l’unanimité. Chacun sait – à partir de l’exemple irakien – qu’elles frappent d’abord les populations civiles et qu’elles ne servent trop souvent qu’à renforcer l’ardeur des dictatures prises pour cibles.

L’administration fédérale dit être consciente de ces problèmes et s’efforcer au mieux de prévenir les retombées néfastes des sanctions. Les dispositions légales prévoient d’ailleurs des exceptions pour motifs humanitaires, voire pour des projets en faveur de la démocratisation. En cas de doute, la Suisse s’adressera au Comité des sanctions de l’ONU qui peut décider d’éventuelles dérogations.

Du côté de l’aide humanitaire suisse – active en Afghanistan par le biais multilatéral des agences onusiennes, du CICR ou de quelques ONG – on confirme que ce genre de décisions n’affecte pas le programme d’assistance aux populations civiles: «notre aide n’est liée à aucune conditionnalité politique».

Mais on reconnaît cependant un possible effet indirect à prendre au sérieux. Les sanctions internationales fragilisent le travail des humanitaires, ils ne sont pas à l’abri d’éventuelles représailles et doivent par conséquent veiller davantage à leur propre sécurité.

Bernard Weissbrodt

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