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La Suisse enquête sur les vols de la CIA

L'aller retour d'un avion américain entre la base de Ramstein en Allemagne et l'Italie - avec survol de la Suisse - est à l'origine de la procédure. Keystone

Le Ministère public de la Confédération (MPC) a ouvert une enquête sur le transit en Suisse d'avions présumés de la CIA transportant des détenus.

Il estime qu’il existe un soupçon d’actes illégaux d’un Etat étranger sur le territoire suisse.

La décision a été annoncée vendredi, alors que l’Office fédéral de l’aviation civile (OFAC) portait son décompte à 73 survols et quatre atterrissages à l’aéroport de Genève-Cointrin.

Le MPC a procédé à des investigations depuis trois semaines sur de possibles activités illégales, a déclaré vendredi son porte-parole, Hansjürg Mark Wiedmer.

Celles-ci ne se limitaient pas aux vols prêtés aux services secrets américains de la CIA, mais visaient toutes les activités présumées illégales dans le domaine des services de renseignement.

Pour mémoire, un avion affrété par la CIA a survolé 19 fois la Suisse depuis le début 2003. Notamment aussi le 17 février de cette année-là, jour de l’enlèvement à Milan par la CIA de l’ancien imam Abou Omar.

L’appareil immatriculé SPAR 92 – qui bénéficie d’une autorisation à l’année de survol de la Suisse pour le compte du ministère américain de la défense – a survolé deux fois la Suisse le 17 février.

D’abord en provenance de la base américaine de Ramstein (Allemagne) vers Aviano (Italie), puis une seconde fois sur le trajet inverse. C’est l’un des principaux éléments à l’origine de cette procédure, a souligné Hansjürg Mark Wiedmer.

L’article 271 du code pénal

La procédure pénale vise donc des personnes qui, sans y être autorisées, auront «procédé sur le territoire suisse pour un Etat étranger à des actes qui relèvent des pouvoirs publics», en application de l’article 271 alinéa 1 du code pénal.

Elle concerne également l’alinéa 2 qui réprime l’enlèvement de personnes à l’étranger pour les livrer à une autorité ou une organisation. Dans les deux cas, leurs auteurs encourent l’emprisonnement ou la réclusion.

Les autorités ne se font toutefois pas d’illusion quant aux résultats de l’enquête. «On est conscient des difficultés», reconnaît Hansjürg Mark Wiedmer, faisant notamment allusion aux problèmes d’entraide judiciaire internationale dans un tel cas.

Quand il existe des indices que la souveraineté nationale a été violée, une procédure pénale doit être ouverte même s’il ne faut pas surestimer les perspectives d’amener son auteur devant un tribunal.

Mais le MPC veut, avec cette procédure, clarifier les faits pour que les différentes autorités puissent avoir la confirmation des informations dans cette affaire.

Plusieurs cercles sont déjà intervenus en Suisse dans l’affaire des pratiques de la CIA. La délégation des commissions de gestion (DélCdG) du Parlement exige notamment du gouvernement (Conseil fédéral) un rapport sur l’utilisation possible de la Suisse et de son espace aérien pour le transport illégal de détenus par les Etats-Unis.

Des soupçons renforcés

Le Conseil fédéral a déjà demandé des explications aux Etats-Unis sur le transit et l’atterrissage d’avions civils en Suisse en 2003 et 2004 mais Washington n’a toujours pas répondu.

Le sénateur Dick Marty, chargé de rendre un rapport sur cette affaire pour le Conseil de l’Europe, a appelé de son côté le Conseil fédéral à demander avec insistance des renseignements précis sur tous les vols concernant la Suisse. Il estime que des transports de détenus par la CIA via la Suisse violeraient la neutralité.

Dick Marty avait informé mardi sur l’état de ses investigations sur des vols transportant des détenus et des centres de détention secrets présumés de la CIA en Europe. Il a déclaré que les informations dont il dispose ont renforcé son soupçon sur l’existence de violations des droits de l’homme.

swissinfo et les agences

– Le Ministère public de la Confédération (MPC) a décidé d’ouvrir une enquête sur le transit d’avions de la CIA (transportant des détenus) dans l’espace aérien et sur sol helvétique.

– La Suisse a déjà demandé des explications à Washington concernant quatre atterrissages à l’aéroport de Genève et 30 vols dans l’espace aérien suisse.

– Le «Washington Post» avait publié le 2 novembre un article accusant les Etats-Unis d’exploiter des camps de prisonniers pour interroger de présumés terroristes en Europe de l’Est.

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