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La Suisse est pionnière du désendettement international

De gauche à droite, Peter Niggli des oeuvres d'entraide, David Syz (seco) et Walter Fust (DDC). Keystone

En 1991, sous pression de l'opinion publique, la Suisse s'engageait dans un programme de désendettement de 700 millions de francs, s'inscrivant dans la symbolique du 700e anniversaire de la Confédération. Aujourd'hui, l'heure est au bilan. Et il est positif.

La pétition des œuvres suisses d’entraide, lancée deux ans plus tôt, avait pesé lourd dans la décision. Pas moins de 250 000 citoyens et citoyennes demandaient en effet au gouvernement fédéral d’attaquer de front les problèmes de surendettement des pays en développement.

En vingt ans, leur dette extérieure globale avait passé de 80 à 1340 milliards de dollars. Nombre d’entre eux se retrouvaient dans l’incapacité totale d’y faire face. Et le problème ne faisait que s’aggraver encore lorsqu’il s’agissait d’accorder de nouveaux crédits garantissant un minimum de remboursements.

La solution «créative» que réclamaient les pétitionnaires consistait à transformer d’anciennes dettes en projets de développement. Cela signifiait, comme le rappelle Walter Fust, directeur de la coopération suisse (DDC), «que les moyens dégagés, qui auparavant servaient à couvrir le service de la dette, devaient être investis de façon à profiter directement aux couches pauvres de la population».

L’idée, plutôt novatrice, a par la suite reçu bon écho. Douze des 19 pays ayant des dettes publiques et commerciales envers la Suisse se sont lancés dans l’aventure, versant l’argent épargné dans des fonds de contrepartie utiles à des financements de développement.

Au total, 267 millions de francs sont sortis des livres de compte pour se concrétiser en actions de terrain, alors que quelque deux milliards de dettes ont été annulés.

L’importance de ces fonds variait beaucoup d’un pays à l’autre. Leur dénominateur commun, dit-on à la DDC, c’est qu’ils ont tous été à la base de programmes destinés à lutter contre la pauvreté. De nombreux exemples l’attestent.

Au Pérou, les 50 millions du fonds de contrepartie ont financé une bonne centaine de projets dans les infrastructures sociales et dans l’aménagement des ressources naturelles. Au Sénégal, une douzaine de banques de petit crédit ont reçu 4 millions permettant de soutenir des entrepreneurs des secteurs de la pêche et de l’artisanat.

En Suisse, trois institutions participent conjointement à ce programme de désendettement créatif: le Secrétariat d’État à l’économie (seco), la DDC et la Communauté de travail des quatre grandes œuvres d’entraide. Leur coopération prouve, selon elles, qu’il est possible d’associer efficacement administrations publiques et ONG dans la bataille contre la pauvreté.

Cette action, menée bilatéralement par la Suisse, arrive dans sa phase finale. Entre temps, l’expérience a pu servir de référence à un programme international en faveur des pays pauvres très endettés. La question, aujourd’hui, est de savoir quelles initiatives multilatérales il faut prendre pour continuer d’alimenter ces fonds de développement.

«Pas de dépenses militaires exagérées et une politique fiscale appropriée», c’est le souhait de Walter Fust. Il s’agit aussi d’aider ces pays à mieux défendre leurs positions sur la scène internationale et de renforcer leurs propres capacités de gestion de leurs dettes. Car le mal qui ravage les économies du Sud est loin d’être enrayé.

«C’est vrai que le désendettement est toujours là, nous dit David Syz, secrétaire d’État à l’économie. Les solutions, il faut les chercher aujourd’hui dans le développement des économies par l’investissement et par l’intensification du commerce international, en donnant certains avantages aux plus pauvres».

Un point de vue que ne partagent pas totalement les œuvres d’entraide. Pour Bastienne Joerchel, porte-parole de la Communauté de travail, ce que l’on veut faire sur le plan multilatéral n’est en tout cas pas suffisant.

«Les pays à risques sont mis de côté, constate-t-elle. Les conditions de désendettement qu’on veut leur imposer sont tellement strictes que seuls des pays pratiquement en transition y auront vraiment accès». Ce qui revient à dire, une fois encore, qu’on ne prêterait donc toujours qu’aux riches.

Bernard Weissbrodt

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