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La Suisse est prête à se joindre à une commission d’enquête sur le Proche-Orient

Un Palestinien renvoie une grenade lacrymogène lancée par des soldats israéliens, mardi à la frontière entre Gaza et Israël. Keystone

Alors qu´à Charm el-Cheikh, Israéliens et Palestiniens se sont engagés à mettre un terme aux violences, au Palais des Nations unies à Genève, la Suisse en appelle au respect du droit, notamment celui des civils dans des territoires occupés par Israël.

Pour la cinquième fois de son histoire, au risque d’être occultée ou au contraire stimulée par les résultats du sommet de Charm el Cheikh, la Commission des droits de l’homme des Nations unies tient session extraordinaire. Après l’ex-Yougoslavie, le Rwanda et Timor-Oriental aux moments les plus chauds de ces conflits, c’est le nouvel embrasement de la violence au Proche-Orient qui cette fois-ci justifie la convocation de ses 53 États membres.

La Suisse n’en fait pas partie. Mais elle est présente au titre de pays observateur, juste à côté de la délégation palestinienne. En tant qu’Etat dépositaire des Conventions de Genève, elle se doit en ce genre d’occasions de rappeler clairement les principes fondamentaux du droit international humanitaire, ce que n’a pas manqué de faire l’ambassadeur François Nordmann, chef de la Mission diplomatique suisse à Genève.

On ne peut ignorer les faits, dit-il, qui montrent que lors des affrontements de ces derniers jours «les forces israéliennes, armée ou police, ont fait un usage disproportionné et sans discernement de leurs moyens répressifs». Les types d’armes utilisées comme le bilan des victimes en sont la preuve.

L’ambassadeur Nordmann se dit choqué par le nombre élevé d’enfants palestiniens figurant au nombre des victimes, choqué également par les attaques contre les personnels et les véhicules sanitaires, et extrêmement préoccupé par la montée de la haine entre des communautés «qui semblent parfois s’exprimer hors de tout contrôle et en toute impunité».

Face à tant de haines qui, de part et d’autre, se traduisent par «des scènes de barbaries, de lynchages et de saccages parfaitement révoltantes», poursuit-il, «il convient que chacun sans condition s’abstienne de toute provocation, il faut aussi en finir au plus vite avec les discriminations multiples qui engendrent arrogance ou frustration, et s’efforcer de promouvoir tolérance et respect mutuel…»

Le chef de la délégation est bien conscient de la difficulté d’analyser ces faits en toute impartialité. Il faut condamner provocations, violences et haines d’où qu’elles viennent, on ne peut «instrumentaliser les souffrances des uns ou ignorer celles des autres».

D’où l’appel solennel qu’il lance au respect du droit: «quelles que soient les circonstances, l’usage disproportionné de la force est proscrit par le droit international coutumier; le droit à la vie, l’intégrité corporelle et la prohibition de toute forme de discrimination figurent parmi les principaux fondements des droits de l’homme».

François Nordmann rappelle aussi que les Conventions de Genève de 1949 «sont le fruit de l’expérience tragique de l’humanité» et qu’elles indiquent «non pas un idéal mais le seuil en-deçà duquel commence la barbarie».

La quatrième de ces Conventions traite de la protection des personnes civiles en temps de guerre et elle est applicable aux territoires occupés par Israël. Dans son article 49, elle interdit les transferts forcés et précise que la puissance occupante ne peut procéder à la déportation ou au transfert d’une partie de sa propre population civile dans le territoire qu’elle occupe.

Sur ce point précis, l’intervention de l’ambassadeur Nordmann ne laisse place à aucune équivoque: «certaines situations qui sont à l’origine des violences de ces derniers jours, à savoir la question des colonies de peuplement et la mise en cause du droit de résidence des Palestiniens de Jérusalem, sont clairement visées par cet article». Et plus loin: «les restrictions récurrentes à la liberté de mouvement des Palestiniens, particulièrement graves en ces jours, sont à nos yeux une forme de punition collective prohibée par la quatrième Convention».

Cela dit, la Suisse est prête à soutenir les travaux d’une commission d’enquête internationale, indépendante et objective, sur les récents événements survenus en Israël et dans les territoires palestiniens. Le cas échéant, elle serait même disposée à y participer.

Une telle enquête, qui pourrait être décidée conformément à la résolution 1322 du Conseil de sécurité, est l’un des points clés du projet de résolution soumis à la Commission des droits de l’homme par les pays arabes qui ont demandé la convocation de cette session extraordinaire. Cette équipe d’investigation aurait pour tâche non seulement d’établir les causes et les responsabilités de ces événements, mais aussi de proposer les moyens d’en prévenir la répétition.

Reste à savoir comment elle pourra s’articuler sur celle dont le sommet de Charm el Cheikh a reconnu le principe, et dont Bill Clinton a laissé entendre qu’elle serait mise sur pied par les États-Unis avec les Israéliens et les Palestiniens, en consultation avec le secrétaire général des Nations unies.

Cette session spéciale de la Commission des droits de l’homme doit en principe s’achever mercredi ou au plus tard jeudi. Prise dans l’étau de deux événements – la rencontre de Charm el Cheikh et le sommet arabe prévu pour la fin de la semaine – elle a dès les premières heures suscité beaucoup d’animosités. Le fait que le projet de résolution des pays arabes qualifie certains actes de violence commis par les forces israéliennes de crimes contre l’humanité ne rendra en tout cas pas le consensus très facile.

Bernard Weissbrodt

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