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La Suisse maintient la pression sur les Etats-Unis

La Cour pénale internationale de La Haye. Keystone Archive

Cinq pays, dont la Suisse, demandent la tenue d'un débat public sur la Cour pénale internationale (CPI) devant le Conseil de sécurité de l'ONU.

Il doit se prononcer sur une résolution mettant à l’abri les citoyens américains de poursuite devant la CPI.

Entrée en vigueur le 1er juillet 2002 sur la base d’un traité international, le Statut de Rome, la CPI est la première cour permanente chargée de juger les individus accusés de violations du droit international humanitaire et des droits de l’Homme.

C’est-à-dire de génocides, crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes d’agression.

Or les Américains ont toujours été hostiles à la CPI. Considérant qu’ils assument une part importante du poids des opérations de maintien de la paix dans le monde, ils veulent éviter que leurs ressortissants risquent d’être poursuivis devant une Cour internationale.

Et pourquoi pas? Réponse de Nicolas Michel, patron de la Direction du droit international au Département fédéral des affaires étrangères. «Parce que les Américains estiment qu’une telle cour risque d’être motivée par des considérations d’ordre politique hostiles».

Imbroglio juridico-politique



Or, juste avant la création de la CPI, soit à la fin juin 2002, il s’était agi de renouveler comme chaque année le mandat des troupes de maintien de la paix en Bosnie.

C’est là que, se référant à un article du Statut de Rome, les Etats-Unis ont réclamé une clause prévoyant l’immunité de leurs troupes engagées dans des opérations de maintien de la paix.

«Et qu’ils en ont profité pour faire adopter une résolution beaucoup plus générale qui a trait non plus à la seule Bosnie mais à l’ensemble des opérations de l’ONU», poursuit Nicolas Michel.

Cette résolution 1422 avait été adoptée le 12 juillet dernier à l’issue d’une âpre bataille, au cours de laquelle les Etats-Unis avaient menacé d’apposer leur veto à toute prolongation des opérations de maintien de la paix de l’ONU.

Une résolution «illégale»

A cette occasion, la Suisse – comme l’Union européenne – n’avait pas caché sa désapprobation. Pour des raisons très simples, ajoute Nicolas Michel: «La Suisse s’engage à l’ONU en faveur du droit international et humanitaire et la CPI est un instrument pour progresser dans ce sens».

«Et aussi parce qu’il est préoccupant de voir qu’une résolution du Conseil de sécurité vienne modifier la portée d’un Traité en vigueur.»

Les organisations de défense des droits de l’homme comme Amnesty International la jugent même «illégale» et «troublante».

Le «forcing» américain



Aujourd’hui, la CPI est en mesure de siéger et, à l’approche de l’échéance du 1er juillet, les Etats-Unis veulent obtenir le renouvellement de la résolution 1422.

La Suisse ne pouvait donc que rappeler que cette résolution n’était, à son avis, pas nécessaire. D’où l’appel lancé avec le Liechtenstein, la Nouvelle-Zélande, le Canada et la Jordanie.

«Mais il y a de fortes chances que nous soyons rejoints par beaucoup d’autres Etats tout aussi opposés à la mise en place d’un mécanisme quasi-automatique», poursuit l’ambassadeur Michel.

De son côté, le Conseil de l’Europe a dénoncé la semaine dernière les pressions exercées par Washington sur plusieurs Etats des Balkans afin d’obtenir leur appui à l’ONU.

Selon le Washington Post de mardi, ces oppositions européennes irritent le gouvernement américain, qui aurait même déjà évoqué des «conséquences fâcheuses» pour les relations transatlantiques.

Permettre à la CPI de fonctionner



Le projet a cependant peu de chances d’être adopté, cinq pays seulement (Grande-Bretagne, Bulgarie, France, Allemagne, Espagne) sur les 15 que compte le Conseil de sécurité ayant ratifié le Statut de Rome.

Selon Nicolas Michel, si la proposition de débat est acceptée, celui-ci peut avoir lieu avant ou après le vote du Conseil de sécurité, «l’essentiel est que débat il y ait». Or il s’avère que Washington est vivement opposé à un tel débat.

De son côté, Pierre Hazan, journaliste spécialisé sur ces questions, estime que «la volonté américaine de torpiller la CPI ayant le mérite d’être claire, la grande question qui subsiste porte sur la capacité de l’UE et des Suisses à affronter ce défi.»

Pas seulement pour contrecarrer les Etats-Unis politiquement et juridiquement. Mais, conclut l’écrivain, «pour mettre les ressources nécessaires au fonctionnement efficace de la CPI pour qu’elle n’épingle pas que des Etats qui ne sont pas en mesure de se défendre».

La décision devrait tomber au milieu de la semaine.

swissinfo, Isabelle Eichenberger

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