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La Suisse ne veut pas d’escalade avec l’Allemagne

Hans-Rudolf Merz joue la carte de la conciliation. Reuters

Le gouvernement a décidé mercredi de la conduite à tenir face à l’Allemagne dans l’affaire de données de clients volées à une banque. Bien qu’elles condamnent les méthodes allemandes, les autorités helvétiques adoptent une attitude prudente face au grand voisin et entendent privilégier la négociation.

La prise de position du gouvernement suisse dans cette affaire était très attendue. Un petit tour du côté du centre des médias du Palais fédéral suffisait pour s’en convaincre.

Camion avec antenne satellite garé sur le trottoir, journaliste anglophone assurant une transmission avec le Palais en toile de fond, journalistes allemands présents en nombre… tout laissait entrevoir un début d’agitation, ou pour le moins une ambiance inhabituelle, qui tranchait avec l’habituel ronron du lieu.

Et si les médias étaient là en nombre, ce n’était certes pas pour entendre le ministre des Transports présenter son énième programme de sécurité routière, mais bien pour prendre la température des relations germano-suisses, relations quelque peu refroidies depuis que Berlin a annoncé sa volonté d’acheter des données volées relatives à des clients d’une banque suisse.

«Pas de pression»

Face à cette volonté affichée de l’Allemagne, le gouvernement suisse s’est contenté de faire part de sa «surprise». Devant, les médias, le ministre des Finances Hans-Rudolf Merz a rappelé que la Suisse s’opposait à l’utilisation de données volées pour récupérer des recettes fiscales, une méthode qui suscite «des tensions entre les Etats».

Le ministre a par ailleurs rappelé que le vol de telles données est un délit, dont l’auteur doit être poursuivi en justice.

Par rapport à l’Allemagne, Hans-Rudolf Merz a utilisé un ton cependant beaucoup plus conciliant, soulignant à plusieurs reprises que le grand voisin du nord restait le principal partenaire économique de la Suisse. Ce qui, traduit en langage moins diplomatique, signifie un voisin qu’il y a intérêt à ne pas trop froisser…

Conciliant, Hans-Rudolf Merz a encore indiqué que, bien que le procédé soit condamnable, l’Allemagne restait libre d’agir à sa guise sur son territoire et que la Suisse n’entendait pas prendre de mesures de rétorsion. Dans cette affaire, le gouvernement souhaite donc parvenir à une solution «sans escalade».

Et ce d’autant que la situation ne le nécessite pas. «La pression n’est pas encore là, a indiqué Hans-Rudolf Merz. L’Allemagne dispose de ces données, mais nous ne savons pas encore ce qu’elle entend en faire.»

Accord de double imposition

Le ministre a rappelé que la Suisse entendait bien ne pas faire figure de paradis fiscal destiné à abriter l’argent issus de l’évasion fiscale. «Ce n’est pas dans l’intérêt de la Suisse d’attirer l’argent détourné dans les autres pays».

Pour y parvenir, le gouvernement va poursuivre sa stratégie, à savoir conclure des accords de double imposition qui règlent l’entraide administrative en cas d’évasion fiscale. «Ce qui évitera que des Etats aient recours à des données volées», a précisé Hans-Rudolf Merz.

Une telle convention est justement actuellement en cours de négociation avec Berlin. «Nous sommes toujours en discussion avec l’Allemagne», a précisé Hans-Rudolf Merz. Quelques détails sont encore pendants, mais, si tout se passe bien, l’accord pourrait aboutir au mois de mars.

L’heure de manger

La conférence de presse s’est finalement achevée rapidement, après un peu plus d’une demi-heure. La presse a été autorisée à poser quelques questions durant ce laps de temps, mais pas question d’interviews bilatérales avec le ministre.

A une journaliste de la chaîne de télévision autrichienne ORF demandant, quelque peu énervée, pourquoi la presse étrangère ne pouvait pas poser de question, un porte-parole a répondu qu’il «était tard et que, compte tenu d’une séance chargée, les membres du gouvernement n’avaient pas encore eu le temps de manger». Les téléspectateurs autrichiens apprécieront…

Olivier Pauchard, Palais fédéral, swissinfo.ch

Samedi dernier (30 janvier), un inconnu a proposé pour 2,5 millions d’euros au fisc allemand un CD contenant 1500 noms de détenteurs de comptes bancaires suisses, ce qui représenterait une soustraction fiscale de 100 millions d’euros.

Lundi, la chancelière Angela Merkel a estimé que «tout doit être fait» pour récupérer les informations, de la même façon que l’Allemagne avait exploité une liste de 500 clients d’une banque au Liechtenstein pour récupérer 500 millions d’euros d’impôts en 2008.

Mardi, le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble à déclaré au journal Augsburger Allgemeine que «la décision de principe» d’acheter le CD était prise.

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