Des perspectives suisses en 10 langues

La Suisse offre un avenir numérique à son patrimoine

Les affiches suisses, dont la qualité graphique est reconnue au niveau international, seront disponibles sur Europeana.

La numérisation de l'héritage culturel est lancée, en Suisse aussi. La Bibliothèque nationale participera à Europeana, la plus grande bibliothèque virtuelle européenne.

Mais digitaliser coûte cher. Les partenariats avec le privé sont donc intéressants pour les institutions, comme la bibliothèque cantonale vaudoise, la première de la francophonie à signer avec Google.

Dès la fin de la décennie, Europeana devrait être la plus grande bibliothèque européenne en ligne. Et la Suisse y aura son rayon puisque la Bibliothèque nationale helvétique sera un des partenaires d’Europeana, comme l’a annoncé récemment l’Office fédéral de la culture (OFC).

D’ici à novembre 2008, plus de deux millions d’objets et documents devraient déjà être disponibles en ligne. Au final, ce projet multilingue devrait réunir sur un seul portail des millions de documents numérisés provenant de bibliothèques, mais aussi de fonds d’archives, de musées, et de collections audiovisuelles de toute l’Europe.

Hébergée par la Bibliothèque nationale néerlandaise, Europeana a pour but de permettre aux internautes de trouver aisément des livres, journaux, tableaux, photographies, enregistrements et autres films numérisés par des dizaines d’institutions européennes de conservation.

Indispensable volonté politique

«Je pense que c’est une voie d’avenir car, de plus en plus, les usagers veulent avoir accès à des informations qui se trouvent dans différents types d’institutions à travers un seul portail», indique Marie-Christine Doffey, directrice de la Bibliothèque nationale suisse.

Et de saluer le soutien de la Commission européenne, sans lequel ce projet n’aurait pas pu avancer. «Le soutien politique est important. En Suisse, il y a des initiatives qui voient le jour, mais une volonté politique claire fait peut-être encore un peu défaut», estime-t-elle.

Dans un secteur où tout va très vite, la Suisse prend le train en marche. Grâce notamment au projet, e-lib.ch. Englobant l’ensemble des bibliothèques universitaires helvétiques, il couvre la période 2008-2011. «Dans le cadre des 10 millions attribués à ce projet, il y a une partie dévolue à la numérisation», relève Marie-Christine Doffey.

Un coût élevé

Car digitaliser coûte cher. Une étude réalisée en vue de la participation des éditeurs à Europeana estime par exemple que le coût moyen de numérisation d’un livre papier de 250 pages se situe entre 20 et 25 francs. Multiplié par des millions, cette modeste somme a de quoi donner des vertiges.

Pour la seule création du site de la bibliothèque européenne en ligne, la Commission européenne a investi près de 2,05 millions de francs. En général, les institutions de conservation disposent d’un budget spécifiquement dévolu à la numérisation. Reste que la poursuite d’une ligne cohérente en la matière nécessite des dépenses importantes, qui ne peuvent pas être couvertes intégralement par l’argent public.

«Il faut trouver d’autres sources, par exemple dans des partenariats public-privé. On peut aussi recourir à des fondations, à du mécénat, à des privés intéressés à collaborer. Plusieurs pistes doivent être explorées», souligne Marie-Christine Doffey.

Google aide Lausanne

La directrice de la Bibliothèque nationale suisse n’a ainsi pas manqué d’être présente à Lausanne à la mi-février, lorsque la Bibliothèque cantonale et universitaire (BCU) a fait le point sur le partenariat qu’elle a conclu avec Google pour son site «books.google».

Comme la Bayerische Staatsbibliothek de Munich, la Bodleian Library d’Oxford et plusieurs grandes bibliothèques américaines, la bibliothèque vaudoise a en effet décroché le gros lot en signant en mars 2007 avec le géant américain du web. Pour l’heure, elle est d’ailleurs la seule bibliothèque francophone disposant d’un contrat avec Google.

Estimé à 10 millions de francs, celui-ci a de quoi faire des envieux en Suisse. Car Google s’occupe de tout. Ainsi, des milliers de livres soigneusement empaquetés quittent régulièrement Lausanne pour être acheminés dans un centre de numérisation en Angleterre.

Pas de bibliothèque universelle

Afin d’éviter que les institutions suisses ne digitalisent à double, la Bibliothèque nationale a de son côté mis sur pied une plateforme d’information. Très demandés, les journaux font par exemple l’objet de projets spécifiques, auxquels les éditeurs de presse participent. Feu le «Journal de Genève» retrouvera ainsi bientôt une seconde vie numérique.

Quant à la Bibliothèque nationale, elle se concentre sur les objets qui font la spécificité de ses collections, par exemple les affiches suisses, reconnues pour leur qualité graphique. 40’000 d’entre elles se retrouveront à terme à disposition sur Europeana.

En plus de son héritage culturel, la Bibliothèque nationale suisse apportera aussi son savoir-faire au projet européen. Car elle a l’habitude d’intégrer différentes cultures dans son travail de préservation.

Quant au vieux rêve de bibliothèque universelle, il ne devrait pas se réaliser par la grâce de la numérisation. Selon Marie-Christine Doffey, plusieurs projets coexisteront au niveau mondial. Au mieux, il y aura donc «plusieurs bibliothèques digitales universelles».

swissinfo, Carole Wälti

Les programmes de numérisation de livres foisonnent au niveau mondial, mais la bibliothèque digitale universelle n’est pas pour demain.

Le «Million Book Project» est par exemple une initiative internationale de numérisation menée par l’université privée américaine Carnegie Mellon. Elle a pour partenaires la Chine, l’Inde et l’Egypte. Plus de 1,5 millions d’ouvrages en 20 langues ont déjà été numérisés.

De leur côté, la Bibliothèque du Congrès des Etats-Unis et l’UNESCO coopèrent pour créer une Bibliothèque numérique mondiale.

La digitalisation d’ouvrages aiguise aussi l’appétit des moteurs de recherche. Outre Google, Yahoo, rejoint par la suite par Microsoft, a par exemple lancé l’Open Content Alliance (OCA), alimenté à l’aide des données volontairement transmises par les maisons d’édition et les auteurs.

A l’heure actuelle, plus d’un million d’ouvrages dans plus de cent langues figurent dans les bases de données de Google.

De nombreux projets privés tels que Gutenberg coexistent en outre avec ceux des grandes bibliothèques publiques. «Gallica» en France ou «Biblioteca Cervantes» en Espagne rendent disponibles en ligne la littérature nationale.

C’est en 2005 que la Commission européenne a quant à elle lancé son vaste projet Europeana visant à numériser des collections de bibliothèques, mais aussi d’archives, de musées et d’institutions possédant des collections audiovisuelles.

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