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La Suisse travaille à la réunification de Chypre

A Chypre, Grecs et Turcs sont divisés depuis 1974. Keystone

Le ministère suisse des Affaires étrangères a dépêché à Nicosie des experts de la médiation et du droit constitutionnel.

Ils doivent conseiller les Chypriotes, grecs et turcs, qui négocient la réunification de l’île sur la base d’un projet onusien inspiré du modèle fédéral helvétique.

Berne a décidé d’envoyer sur place deux membres de l’équipe d’experts suisses pour la promotion civile de la paix, a indique le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE).

Ces spécialistes sont dirigés par le diplomate Didier Pfirter. Ce dernier, auteur de la future constitution fédérale de l’île, travaille à nouveau activement depuis quelques semaines au règlement du conflit chypriote.

Comme il l’avait fait dès l’an 2000, en se tenant à disposition du chef des négociations de l’ONU Alvaro de Soto en tant que conseiller juridique.

Les experts suisses auront pour tâche principale de conseiller les équipes de juristes des deux parties de Chypre sur l’harmonisation de plus de 30 lois chypriotes grecques et turques, dans les domaines du droit constitutionnel, administratif et économique, ainsi que du droit public.

Ils devront aussi assumer des missions de médiation entre les parties. Les travaux devraient être achevés d’ici à la fin mars.

Un plan qui s’inspire de la Suisse

Les deux parties discutent sur un plan de réunification préparé par le secrétaire général de l’ONU Kofi Annan. Ce texte envisage une confédération de type helvétique.

«Le modèle de Kofi Annan prévoit par exemple un conseil présidentiel assez semblable à notre conception du Conseil fédéral», précise Thomas Fleiner, professeur de l’Institut du fédéralisme de l’Université de Fribourg, qui a été impliqué dans l’élaboration du plan onusien.

«Il n’est toutefois pas question de reprendre le modèle du fédéralisme suisse dans son intégralité. Je ne crois pas que l’on puisse prendre le modèle suisse en tant que tel pour l’adapter à un autre pays, précise Thomas Fleiner. Ce qui est important, c’est de prendre la philosophie qui en est à la base. Ceci permet d’avoir une démocratie qui intègre une grande partie de la population.»

Un pari difficile à gagner

De son côté, Victor-Yves Ghebali estime que les Suisses ont toujours été considérés comme de bons médiateurs.

«La Confédération helvétique peut aider à la résolution des problèmes, dans la mesure où les parties présentes à la négociation sont désireuses de parvenir à un compromis», note ce professeur à l’Institut des hautes études internationales (HEI) de Genève.

En l’occurrence, la question n’est pas de savoir si le modèle suisse est bon ou pas. Ce qui importe, c’est de savoir si les partenaires sont vraiment prêts à l’appliquer.

«Dans les années 60, rappelle Victor-Yves Ghebali, la première constitution chypriote ressemblait déjà plus ou moins au modèle helvétique. Pourtant, elle ne fonctionnait pas du tout.»

Le projet de l’ONU actuellement en discussion prévoit un Etat fédéral composé de deux entités. «Or, souligne le professeur, nous savons tous qu’un tel modèle ne fonctionne pas toujours.»

Les Turcs représentent 18 à 20% de la population de l’île. Pour autant, ils ne veulent pas être considérés comme une minorité. Ils exigent que les deux communautés qui formeront le futur Etat réunifié soient mises sur pied d’égalité.

Et, pour Victor-Yves Ghebali, c’est là que réside le principal obstacle à la conclusion d’un accord. Raison pour laquelle il ne cache pas son scepticisme sur l’issue des négociations qui se déroulent actuellement dans la capitale chypriote.

Négociations de la dernière chance

C’est jeudi dernier que les dirigeants chypriotes grecs et turcs ont entamé une nouvelle série de négociations sur la réunification de Chypre, considérées comme la dernière chance de faire entrer une île réunifiée dans l’UE, le 1er mai.

A Nicosie, le temps presse. Mardi, les discussions sont donc entrées dans le vif du sujet.

En cas d’échec, l’Union européenne n’ouvrirait ses portes qu’à la partie grecque de Chypre, la République turque de Chypre du Nord (RTCN) proclamée en 1983 dans la partie septentrionale de l’île n’étant pas reconnue par la communauté internationale, à l’exception de la Turquie.

La population chypriote se prononcera quant à elle en avril prochain sur le plan de réunification élaboré par Kofi Annan.

swissinfo et les agences

Chypre a une superficie de 9250 km², soit le quart de la Suisse.
Un tiers de l’île appartient à la République turque de Chypre du Nord qui compte environ 200’000 habitants.
La partie grecque compte environ 715’000 habitants.
La capitale, Nicosie, abrite 199’000 habitants et est divisée en deux par un mur.

– Ancienne colonie britannique, Chypre a obtenu son indépendance en 1959.

– Le 15 juillet 1974, une tentative de coup d’Etat militaire soutenu par la junte au pouvoir à Athènes dépose le président chypriote – Monseigneur Makarios – et le contraint à l’exil. Les putschistes veulent rattacher l’île à la Grèce.

– Le coup d’Etat échoue quelques jours plus tard, mais offre à la Turquie l’occasion d’envahir le nord de l’île pour protéger la population turque.

– En 1998, le gouvernement chypriote-grec de Nicosie – le seul reconnu par la communauté internationale – demande l’adhésion à l’Union européenne.

– Chypre rejoindra l’UE le 1er mai 2004. Si la réunification n’aboutit pas d’ici là, seule la partie grecque fera partie de l’Union.

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