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La Suisse va se pencher une nouvelle fois sur son passé

L'argent suisse a-t-il aidé à prolonger la vie du régime d'apartheid? Keystone Archive

Alors que la Commission Bergier poursuit son travail sur l´attitude de la Suisse entre 1933 et 1945, le FNS s´apprête à lancer une étude sur la politique menée par la Suisse à l´époque de l'apartheid. Un exercice que certains jugent insuffisant.

C’est une vingtaine de scientifiques – historiens, politologues, économistes – que le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS) a réuni ce vendredi aux archives fédérales, à Berne. But: leur présenter le programme national de recherche consacré aux relations entre la Suisse et l’Afrique du Sud, lancé sur mandat du Conseil fédéral.

Après avoir entamé l’examen de son comportement face au nazisme – c’est le travail de la commission d’experts dirigée par Jean-François Bergier – voilà donc la Suisse qui se penche sur une autre page problématique de son passé.

A travers les projets financés par le FNS – il devrait y en avoir huit environ – les chercheurs devront, d’ici à la fin 2003, mettre en lumière la politique extérieure et les relations commerciales entretenues avec Pretoria. En se penchant, entre autres, sur le refus de la Suisse d’appliquer les sanctions internationales.

Les investissements suisses ont-ils permis de prolonger la vie du régime ségrégationniste blanc? C’est l’une des questions sur laquelle les chercheurs vont plancher. Mais vont-ils trouver des réponses? Ce programme va t-il permettre de faire toute la lumière? On peut, d’ores et déjà, en douter.

«Nous sommes assez préoccupés par certains aspects de ce projet», explique Mascha Madörin, qui travaille sur le même sujet, au sein d’un groupe soutenu par la gauche et les syndicats. Pour elle, le premier problème se situe au niveau de l’accès aux archives.

Les chercheurs du FNS n’auront en effet pas de privilèges, contrairement à ceux de la Commission Bergier. Ils devront respecter les délais légaux de consultation (généralement trente ans), même si le Conseil fédéral a prévu un assouplissement de la règle, au coup par coup. Ils ne pourront pas non plus forcer la porte des entreprises ou des associations.

A cela s’ajoute la question du financement. Le gouvernement n’a consenti que 2 millions pour cette étude, alors que certains, au FNS, tablaient sur le double. Conséquence: le nombre de projets, et donc de questions élucidées, va rester limité.

Des restrictions dont les responsables du programme sont bien conscients. «Nous ne voulons pas nourrir l’illusion que ce que nous faisons maintenant c’est «la» grande démarche, explique Georg Kreis, professeur à l’Université de Bâle et président du groupe d’experts du FNS. Notre démarche est limitée.»

C’est la conséquence en fait d’un rapport de force politique. En mars 1999, le Parlement rejetait l’initiative de la Saint-Galloise Pia Hollenstein, qui visait à mettre sur pied une étude historique beaucoup plus ambitieuse.

Le Conseiller national Nils de Dardel se souvient et donne son explication: «Le Parlement s’est rendu compte, sans le dire, qu’il y a des ressemblances terribles entre le passé et aujourd’hui. Ce sont les mêmes forces politiques et économiques qui commettent le même type d’erreurs. Donc, la lumière faite sur le passé a des répercussions politiques immédiates.»

Le Socialiste genevois est ainsi convaincu qu’il aurait fallu établir une sorte de «Commission Bergier bis» pour l’Afrique du Sud. Mais ce n’est pas l’avis de l’historien qu’est Georg Kreis: «On ne peut pas répéter une exception. Et puis il ne faut pas trop mêler les recherches historiques avec le vécu «chaud» du présent. Cela se fait finalement au détriment de l’histoire.»

Pierre Gobet

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