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La Suisse vue à travers l’objectif des cinéastes étrangers

Clint Eastwood, au premier plan, et George Kennedy, dans une scène de "The Eiger Sanction" (USA, 1975). The Malpaso Company sda-ats

(Keystone-ATS) Backdrop Switzerland, un livre consacré aux films tournés en Suisse depuis le début du 20e siècle, vient de sortir de presse. Il offre un arrêt sur image d’une Suisse fantasmée par les cinéastes américains, indiens ou français.

Sur la page de couverture, Sean Connery alias James Bond se tient à côté de son Aston Martin. Il attend que le cameraman, perché sur une tour, tourne une scène de “Goldfinger”. La photo a été prise sur la route qui descend le col de la Furka, en direction d’Andermatt (UR).

L’équipe des James Bond est venue à de nombreuses reprises réaliser des scènes d’action dans les Alpes, même si elle s’est rabattue sur l’Autriche l’an dernier. Les producteurs de films de Bollywood ont emprunté les mêmes routes.

Plus récemment on a eu droit à une mauvaise reconstitution de Genève dans un film sur Snowden. Les Suédois de Millenium ont pris quelques images dans un cinq étoiles zurichois, le Dolder Grand. Et des scènes du remake de Point Break ont été saisies à Walenstadt, dans le canton de St-Gall.

La Suisse n’a pas seulement servi de toile de fond pour des films d’espionnage ou des intrigues liées à la place bancaire sur fond alpin. Visconti est venu tourner quelques scènes en Suisse dans Vaghe stelle dell’Orsa. Bergman dans Törst et Renoir dans La Grande Illusion ont opté pour le travail en studio dans une Suisse reconstituée.

Arrêt sur image

“Ce livre est un arrêt sur image”, avance l’auteur Cornelius Schregle. Lui a vu les 650 films, dont il parle, mais pas en 35mm à la Cinémathèque suisse: sur le Net, en les empruntant à la bibliothèque universitaire de Lausanne ou en les achetant. Le lecteur qui aimerait visionner les films évoqués dans le livre devra emprunter le même chemin.

Chargé de repérage pour HBO à Los Angeles, la chaîne de télévision payante américaine, à qui l’on doit quelques séries mythiques, comme True detective, Cornelius Schregle sait “ce que cela représente de chercher l’endroit parfait pour qu’une scène soit réussie.”

“Quand je suis rentré en Suisse, avec ce know-how, j’ai toujours voulu en faire quelque chose”. Le déclic se fait quand la veuve de l’acteur Yul Brynner, qui tient une guest-house dans laquelle il vit, lui tend le livre “Paris au cinéma”: l’idée de Backdrop Switzerland était née.

Décor de théâtre

Backdrop est un terme anglophone qui signifie “une large toile de fond peinte utilisée au théâtre”. La peinture laisse la place à des projections de photos et de films. Puis les images numériques ou de synthèse apparaissent sur les green screen, un écran vert qui permet l’incrustation des personnages dans la toile de fond.

Mais rien ne vaut les décors naturels. L’actrice Marthe Keller raconte une anecdote au début du livre. Elle est venue avec Al Paccino tourner une séquence dans les Alpes pour le film Bobby Deerfield.

“Nous sommes en voiture sur la route sinueuse qui mène au col du Grand-St- Bernard. Pour quelqu’un qui connaît cette route, la séquence ne tient pas compte de l’ordre d’apparition des paysages pendant ce trajet. Et cela n’a pas vraiment d’importance.”

Pour un touriste de Kansas City

Frédéric Maire, le directeur de la Cinémathèque suisse, a rédigé la préface. “Je lui ai demandé d’écrire pour un touriste de Bombay ou de Kansas City.”

Le livre donne des indications sur les lieux de tournage, où les amateurs de cinéma peuvent se rendre. “Ce serait magnifique si l’on posait sur place des plaques avec un QR Code. Cela permettrait au visiteur d’accéder à des informations sur le film, et pourquoi pas, d’en voir un extrait”, suggère Cornelius Schregle.

Le livre, économe en mots, mais abondant en illustrations, pèse plus de 3 kg pour 430 pages. Il aura coûté deux ans et demi de travail à son auteur. Publié à L’Age d’Homme, il se lit en quatre langues: en anglais et dans les trois langues nationales officielles de Suisse. On doit la ligne graphique à Jérôme Curchod, un Suisse qui a déposé ses valises à Los Angeles, dont l’auteur salue “le magnifique travail”.

Deux rendez-vous sont d’ores et déjà agendés. En février, un événement est organisé à la Cinémathèque suisse avec projection de film et débat avec Cornelius Schregle. Une exposition est également prévue à Locarno l’été prochain lors du 70e anniversaire du Festival de Cinéma. “Les photos du livre seront exposées, et de nombreuses autres qui n’ont pas pu être publiées”.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

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