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La tradition humanitaire de la Suisse en question

Un centre d'accueil pour les réfugiés à Bâle. Dominic Buettner/pixsil.com

Après déjà plusieurs votes, le thème de l'asile revient sur le devant de la scène, mais cette fois sous la forme d'un référendum contre la révision de la Loi fédérale sur l'asile.

Les partisans estiment qu’il ne s’agit que d’une adaptation aux réalités du terrain. Pour les adversaires, cette réforme vide pratiquement la politique d’asile de toute substance.

Avec la révision de la Loi sur l’asile, le gouvernement souhaitait simplement une modernisation de la procédure d’asile. Mais le projet a fait l’objet d’un vif débat entre partisans d’un durcissement et défenseurs de la tradition humanitaire de la Suisse.

Au terme d’un débat parlementaire de trois ans, le Parlement a finalement accepté cette réforme sur un score très disputé: 33 voix contre 12 à la Chambre haute et 108 contre 69 à la Chambre basse.

Le gauche a donc décidé d’en appeler au peuple. Et avec un grand succès puisque le référendum a recueilli 90’652 signatures valables, soit 40’000 de plus que nécessaire!

Des papiers valables

Le premier grand point d’achoppement concerne les papiers que les réfugiés doivent présenter lorsqu’ils déposent leur demande d’asile.

Le changement ne saute pas immédiatement aux yeux. En fait, l’ancienne loi comme la nouvelle précisent que les autorités n’entrent pas en matière sur une demande d’asile si les documents ne sont pas présentés dans les 48 heures. Mais ce qui change, c’est la définition qui est faite de ces documents.

L’ancienne loi parle «de documents de voyage ou d’autres documents permettant d’identifier le requérant». La nouvelle mouture parle en revanche de «documents de voyage ou de pièces d’identité». Avec la nouvelle loi, un permis de conduire ou une vieille carte militaire ne seraient plus suffisants pour établir une identité.

Cette modification révolte les opposants à la loi qui estiment qu’il est généralement très difficile à une personne persécutée d’obtenir des papiers d’identité. A leurs yeux, cette modification ne servirait qu’à diminuer le nombre de réfugiés en Suisse.

Pour les partisans en revanche, cette modification est nécessaire pour lutter contre les faux réfugiés. Souvent, des requérants détruisent volontairement leurs papiers pour éviter que l’on détermine qu’ils ne viennent pas d’une région où des persécutions ont lieu.

L’assistance en question

L’assistance accordée aux réfugiés constitue l’autre grand point d’achoppement. Jusqu’à présent, seuls les requérants frappés d’une non-entrée en matière ne reçoivent qu’une aide d’urgence dont le montant est inférieur à l’aide sociale. Mais avec la réforme, cette mesure s’appliquera à l’ensemble des requérants d’asile déboutés.

La nouvelle loi précise que «les personnes frappées d’une décision de renvoi exécutoire auxquelles un délai de départ a été imparti peuvent être exclues du régime d’aide sociale». La loi stipule encore que l’aide accordée aux requérants qui ne bénéficient pas d’une autorisation de séjour doit être fournie, dans la mesure du possible, sous la forme de prestation en nature.

Là aussi, la vision entre partisan et adversaires de la loi est radicalement différente. Pour les adversaires, un tel traitement est indigne. Pour les partisans, cette mesure est susceptible de diminuer l’attrait de la Suisse et de diminuer ainsi le nombre de faux réfugiés.

Protéger la tradition humanitaire

Les opposants estiment que cette loi mettrait tout simplement fin à la tradition humanitaire de la Suisse. Pour le député Ueli Leuenberger, vice-président des Verts, ce texte est «choquant».

«Cette nouvelle loi va rejeter la Suisse dans le dernier carré des pays européens au niveau de l’accueil des persécutés, souligne-t-il. Ce qui me choque, c’est qu’elle a finalement passé sur des mensonges qui depuis des années prétendent que 95% des réfugiés sont de faux réfugiés. La Suisse est en train de franchir une ligne rouge. Etre xénophobe et raciste, ce ne sont pas des valeurs suisses.»

Ces critiques ne démontent pas le député Yvan Perrin, vice-président de l’Union démocratique du centre (UDC / droite dure), pour qui la révision est indispensable. «Elle a pris en compte un certain nombre de problèmes constatés ces dix dernières années, déclare-t-il. Nous devons nous doter des instruments qui permettent de lutter contre ceux qui aimeraient abuser de notre hospitalité, et force est de constater qu’ils sont nombreux.»

A noter que comment les adversaires, les partisans de la loi entendent bien protéger la tradition humanitaire de la Suisse. Mais pour eux, cette protection passe par la chasse à des abus qui finissent pas nuire à la politique d’asile.

Une droite désunie

Cette question de l’asile dépasse un traditionnel clivage entre la gauche et la droite. L’ensemble de la gauche politique fait bloc pour faire couler cette révision. Elle est accompagnée des milieux qui en sont proches, comme les syndicats ou encore les mouvements tiers-mondistes.

La droite quant à elle n’est unie que sur le papier. Les trois partis gouvernementaux se sont prononcés pour la révision de la loi. Mais plusieurs sections cantonales ou de jeunesse défendent un avis contraire.

Par ailleurs, plusieurs personnalité de droite militent ouvertement contre la révision, c’est notamment le cas du député et président du Parti libéral Claude Ruey, de l’ancien chancelier de la Confédération François Couchepin ou encore de l’ancien président de la Chambre basse Jacques Neyrinck.

A noter encore que les Eglises – tant chez les protestants que chez les catholiques – se sont prononcée contre la révision.

swissinfo, Olivier Pauchard

En 2004, 14’248 personnes ont déposé une demande d’asile en Suisse.
Il s’agit du plus bas niveau depuis 17 ans.
10’080 décisions négatives ont été prononcées.
L’asile a été octroyé à 1’555 personnes contre 1’636 en 2003.

Certains points concernant le domaine de l’asile sont en fait contenu dans la Loi sur les étrangers également soumise au vote le 24 septembre.

C’est le cas des mesures de contraintes qui permettent de renvoyer de force des étrangers considérés comme non désirables en Suisse. Dans les cas d’insoumission les plus graves, le requérant en attente de renvoi peut être placé en détention pour une période maximale de 24 mois.

C’est également dans la Loi sur les étrangers que l’on trouve l’article qui facilite l’accès du marché de l’emploi et celui qui autorise le regroupement familial après trois ans aux personnes admises provisoirement en Suisse.

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