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La traque aux tricheurs de la vignette autoroutière

La vignette automobile, accessoire décoratif pour certains, superflu pour d'autres. Keystone

Chaque année, près de 20 millions de francs échappent à l’Administration fédérale des douanes. La faute aux automobilistes qui refusent de payer, réutilisent ou manipulent la vignette autoroutière. Mais plus pour longtemps. Dès 2011, la Confédération promet de traquer les tricheurs.

«Lors de l’apposition de la vignette, il faut veiller à ce qu’elle soit collée directement sur le pare-brise; l’apposition de vignettes à l’aide de bandes adhésives, de feuilles ou d’autres moyens auxiliaires n’est pas tolérée et est punie», énonce le site Internet de l’administration fédérale des douanes (AFD) sur sa page consacrée à la vignette autoroutière.

Autrement dit, pas question de se servir de la même vignette pour plusieurs véhicules. La réutilisation ou la manipulation du timbre autocollant constitue un délit punissable.

Pourtant, la menace d’une sanction ne semble pas effrayer une partie des usagers des autoroutes helvétiques. En cette période de transhumances estivales, leur nombre augmente de manière exponentielle et parmi ces contrevenants figurent de nombreux touristes qui transitent par la Suisse.

Marché en ligne

Pas question pour ces derniers de s’acquitter de la redevance d’une validité d’une année pour traverser la Confédération. Ils veulent bien se munir d’une vignette, mais à prix réduit, voire même revendable. Les sites de ventes aux enchères en ligne regorgent d’ailleurs d’offres en la matière.

Selon les périodes, le nombre d’unités proposées au plus offrant varient entre une dizaine et une cinquantaine pour un seul site. La plupart des exemplaires sont mis en vente à partir d’un franc. Réputées neuves, ou sans précision supplémentaire, nombreuses sont les vignettes qui ont pourtant déjà servi.

Ainsi, certains conducteurs ont trouvé la combine: coller la face visible de la vignette sur une mince feuille de plastic transparent, en prenant soin de découper les contours avant d’apposer le tout par pression derrière son pare-brise. Le tour est joué.

D’autres préfèrent la méthode de l’onguent pour les lèvres ou de n’importe quel corps gras et translucide pour recouvrir délicatement la surface collante du timbre, avant de fixer celle-ci derrière le pare-brise de leur véhicule. Cette technique permet aussi de décoller et recoller plusieurs fois la même vignette.

Pas de «publicité»

D’autres stratagèmes? «Nous préférons éviter de faire de la publicité dans ce domaine. Les contrevenants ont bien assez de fantaisie comme ça», fait remarquer Beat Rohner, de la direction générale des douanes et responsable des redevances pour l’utilisation des routes nationales.

Pourtant, l’administration fédérale des douanes avait tout mis en œuvre pour prévenir la fraude. Notamment en aménageant de petites entailles sur toute la surface du petit carré adhésif.

Le verso du timbre étant enduit d’un puissant film adhésif, tenter de décoller le petit carré d’un pare-brise revient à l’endommager irrémédiablement et à le rendre inutilisable.

Lourdes pertes

Selon l’administration fédérale des douanes, la part des resquilleurs avoisine les 6%. Le non-paiement et la resquille pour éviter de s’acquitter des 40 francs que coûte la redevance autoroutière représentent une perte fiscale de près de 20 millions de francs par an pour la Confédération (contre 310 millions générés par sa vente).

Jusqu’à présent, seuls des contrôles effectués à la sortie du pays, aux postes frontières situés sur une autoroute, soit à Chiasso, Genève ou Bâle, permettaient aux autorités de pincer les tricheurs. Une tâche confiée aux corps de gardes-frontière, qualifiée de «passive».

Les moyens pour mettre en œuvre une chasse active font défaut, notamment en raison de la diminution des effectifs au sein de l’AFD. Résultat: entre 1998 et 2008, le nombre de fraudeurs interceptés est tombé de 3000 à 1130.

Exemple autrichien

Plus question de continuer ainsi, estime le Parlement suisse, qui veut consacrer d’avantage de moyens aux contrôles de la vignette. Un pas que l’Autriche a d’ores et déjà franchi.

Près de 120 agents patrouilleurs essaimés sur l’ensemble du territoire ont permis de faire baisser le nombre de contrevenants de moitié, pour passer de 4 à 2% en une année.

«Nous ne pourrons cependant pas entièrement imiter le concept autrichien , précise Beat Rohner, «puisque les agents ne pourront pas circuler d’un canton à l’autre». Les moyens qui pourraient être mis à disposition dès l’été 2011 devraient également être plus modestes que le déploiement de forces mis en place par l’Autriche.

Un tiers en moins

Lors de la session de printemps 2009, les Chambres avaient approuvé l’augmentation du montant de l’amende de 100 à 200 francs et souscrit au droit de confier la mission de contrôler la vignette à des entreprises externes à l’AFD, telles que Securitas.

Une ordonnance, qui pourrait être approuvée par le Parlement d’ici l’été prochain, devrait servir de base légale au déploiement de ces nouveaux patrouilleurs chargés de pourchasser les resquilleurs le long des autoroutes.

«Une réduction de 2% nous permettrait déjà de faire diminuer d’un tiers le nombre de cas de fraude», espère Beat Rohner.

Nicole della Pietra, swissinfo.ch

L’obligation de la vignette, en vigueur depuis 25 ans (1985), est ancré dans la loi fédérale sur la redevance routière, entrée quant à elle en vigueur début juillet 2010.

La resquille de la redevance autoroutière entraine chaque année des pertes de près de 20 millions de francs pour la Confédération. Certains contrôles de routine effectués par des polices cantonales ont permis de constater que le taux de tricheurs pouvait même aller jusqu’à 15%.

En Suisse, l’Administration fédérale des douanes estime que 6% des usagers (voitures et motos) circulent sur des autoroutes sans se munir du timbre ou avec une vignette ayant déjà servi.

Selon les estimations, la majorité des conducteurs recourant à des vignettes de «seconde main» sont des touristes qui ne font que transiter par la Suisse et refusent de s’acquitter de la redevance d’une validité d’une année.

La vignette autoroutière suisse, introduite en 1985, a augmenté de 10 francs (+25%) en un quart de siècle et coûte actuellement 40 francs ou 27 euros.

A titre de comparaison, la vignette autoroutière pour voiture coûte près de 110 francs en Autriche (76,20 euros). Cette redevance, presque trois plus élevée que celle prévue en Suisse, ne comprend pas le péage de certains tunnels.

De nombreux pays européens proposent une vignette à validité limitée, à dix jours notamment. Mais le montant des redevances annuelles est presque partout supérieur . Il va de 55 euros (Slovénie) à 136 euros (Hongrie).

D’autres pays comme le France et l’Italie privilégient le système des péages autoroutiers.

L’Autriche a déclaré la chasse aux resquilleurs. Quelque 120 agents spécialisés patrouillent l’ensemble du territoire national pour traquer les tricheurs.

Dès l’année prochaine, des agents de contrôle pourraient aussi patrouiller les autoroutes pour exercer pareil contrôle en Suisse. L’exercice devra cependant respecter les limites imposées par la souveraineté cantonale.

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