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La voie du milieu n’est pas morte

Aucun des trois objets n'a trouvé grâce auprès du peuple. Keystone

La clarté du refus des trois objets soumis au verdict populaire constitue un désaveu cinglant de la politique du gouvernement et de la majorité bourgeoise du Parlement.

Il apparaît que les citoyens n’entendent pas rompre avec la traditionnelle politique du compromis helvétique.

Au moins deux des trois objets sur lesquels le peuple a voté dimanche n’apparaissaient pas comme étant équilibrés. Tant pour le paquet fiscal que pour la 11e révision de l’AVS, la droite n’a pas réussi à démonter qu’elle n’avait pas «trop chargé la barque».

Pas de coupes sans contreparties

Les précédentes révisions de l’assurance vieillesse et survivant (AVS) avaient un point en commun: les éventuelles diminutions des prestations – comme l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes – étaient généralement compensées par des avancées dans d’autres domaines.

Mais avec cette 11e révision, cette logique n’a pour la première fois pas été respectée. Les pertes sociales – nouvelle augmentation de l’âge de la retraite de femmes, indexation des rentes moins favorable – auraient certes dû être compensées par une amélioration des conditions d’accès à la retraite anticipée.

Mais il n’en fut rien. Sous la pression d’une droite obnubilée par les questions financières, les fonds prévus pour la retraite anticipée ont fondu comme neige au soleil, et ce malgré les promesses faites lors de la 10e révision.

Conséquence: aux yeux des citoyens, cette 11e révision est beaucoup plus apparue comme un démantèlement de l’assurance sociale que comme une adaptation.

Par ailleurs, les différentes déclarations faites sur une éventuelle hausse de la retraite à 67 ans pour tous d’ici quelques années – à commencer par celles du ministre Pascal Couchepin – n’ont pu que renforcer ce sentiment.

«Un cadeau pour les riches»

Le paquet fiscal tentait de corriger des problèmes bien réels, comme l’injustice faite aux couples mariés ou un système fiscal qui encourage l’endettement des propriétaires immobiliers. Mais là aussi, la solution est apparue comme déséquilibrée.

Les baisses d’impôts auraient surtout concerné les hauts revenus. Quant au volet immobilier, il favorisait par trop les propriétaires par rapport aux locataires en supprimant la valeur locative tout en maintenant la déduction des dettes hypothécaires pendant dix ans.

Une majorité de citoyens, tous ceux qui ne sont ni propriétaires ni au bénéfice de revenus confortables, n’ont donc pas trouvé d’avantages à ce paquet. Au contraire, ils ne pouvaient que redouter une hausse des impôts dans des cantons et des communes étranglés par les conséquences financières du paquet.

Le paquet d’allègements fiscaux arrivait par ailleurs au moment même où les coupes budgétaires frappent à tous les niveaux, de la Confédération aux communes. Dans ces conditions, difficile donc pour la droite d’effacer l’impression que le paquet ne constituait qu’un «cadeau pour les riches».

Une hausse prématurée

Contrairement aux deux autres objets, le relèvement de la TVA pour financer les assurances sociales ne semblait pas a priori déséquilibré. Cette mesure présentait cependant plusieurs inconvénients.

Difficile en premier lieu de faire comprendre aux citoyens pourquoi, lors d’une même votation, ils devraient à la fois accepter un paquet d’allègements fiscaux et une hausse de la fiscalité indirecte.

Ensuite, la mesure a pu sembler prématurée. La hausse de TVA concernant l’AVS ne serait intervenue qu’en 2009 au plus tôt. Or, la santé financière de cette assurance est pour l’heure saine et rien n’indique qu’une reprise de l’économie ne parviendra pas à compenser d’ici là les effets du vieillissement de la population.

La hausse concernant l’Assurance invalidité (AI) aurait en revanche pu soulager une assurance sociale qui écrit aujourd’hui déjà ses comptes en rouge vif. Mais cette augmentation serait intervenue avant la prochaine révision de l’AI, qui doit permettre d’en réduire les dépenses.

Une majorité de citoyens aura certainement préféré que de l’ordre soit mis dans cette assurance avant de mettre la main au porte-monnaie. D’autant que la suspicion d’abus dans l’attribution des rentes colle encore souvent à l’AI.

Enfin, le principe même de relever la TVA s’est heurté à une forte opposition. Une bonne partie de la droite ne veut tout simplement pas d’une nouvelle hausse de la fiscalité. Quant à la gauche, elle ne voit pas toujours d’un très bon œil cet impôt qui frappe avec la même force hauts et bas revenus.

Les solutions restent au centre

Assurément, le résultat du vote de dimanche est une véritable gifle pour le gouvernement et la majorité bourgeoise du Parlement. Mais cela ne signifie pas pour autant que la Suisse se précipite dans les bras de la gauche.

En effet, la gauche avait également connu son «dimanche noir» il y a douze mois. Le peuple avait alors balayé toutes ses propositions, notamment dans les domaines des loyers et du financement de la santé publique.

On savait déjà que les citoyens refusent presque systématiquement les propositions trop marquées à gauche. Avec les résultats de ce 16 mai, on sait désormais également qu’ils ne veulent pas des propositions trop marquées à droite.

Pour remporter des votations, il conviendra donc de présenter au peuple des objets issus de compromis politiques.

Lors des élections fédérales d’octobre dernier, les résultats avaient montré une forte érosion du centre au profit des extrêmes de l’échiquier politique (bipolarisation). Mais au niveau des votations, force est de constater que les Suisses préfèrent continuer sur la traditionnelle voie du consensus helvétique.

swissinfo, Olivier Pauchard

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