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Le «Raclette» doit être une exclusivité valaisanne

Le canton du Valais marque une victoire sur ses concurrents. Keystone

Seul le fromage fondu produit en Valais mérite l’appellation de «raclette». La Confédération a rejeté 50 oppositions à l’octroi de l’appellation d’origine contrôlée (AOC).

Les autres producteurs, qui ne pourront plus utiliser le terme, ont trente jours pour faire recours.

«C’est une victoire importante pour notre canton qui se bat depuis des années pour obtenir l’appellation d’origine contrôlée», a déclaré à la Radio romande Gérald Dayer, chef du service valaisan de l’agriculture.

«Pour le Valais, il est absolument vital de différencier clairement à l’avenir son fromage artisanal produit dans de petites structures de celui produit de manière industrielle sous le nom de Raclette suisse», a-t-il relevé.

Une grave discrimination

«Comme 87% du fromage à raclette suisse sont produits hors du Valais, cette décision représente une grave discrimination à l’encontre des autres fabricants suisses, puisque leurs concurrents européens pourraient quant à eux continuer à utiliser impunément l’appellation Raclette», proteste le groupe Emmi, numéro un de l’industrie fromagère suisse.

De leur côté, l’association Raclette Suisse et ses membres vont donc recourir contre la décision de l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG). On ne connaît pas encore la réaction des opposants étrangers qui faisaient valoir leurs droits pour la première fois lors d’un enregistrement d’AOC en Suisse.

Menace étrangère

Pour le groupe lucernois, qui produit chaque année 5000 tonnes de Raclette suisse pour un chiffre d’affaires de 50 millions de francs, cette décision est «incompréhensible» et compromet l’avenir de ses sites de production d’Emmen (LU) et de Landquart (GR).

Du fait des accords bilatéraux conclus avec l’Union européenne (UE), les frontières suisses seront en effet entièrement ouvertes dans quatre ans.

Emmi craint que le marché suisse ne soit alors inondé de Raclette venant de l’étranger. Sur les 16’000 tonnes vendues chaque année sous cette étiquette, environ 2000 sont importées.

«Il conviendra aussi de faire protéger notre AOC au-delà des frontières suisses», a expliqué Alphonse Jacquier, directeur de la Fédération laitière valaisanne.

Une tradition de quatre siècles

Les producteurs du Vieux Pays sont ainsi conscients que la partie n’est pas encore gagnée, aussi bien en Suisse qu’à l’étranger.

Cependant, les opposants à l’AOC auront la tâche difficile car l’usage de faire fondre du fromage devant un feu est solidement documenté en Valais dès 1574.

Le terme «râclette» apparaît dans la deuxième moitié du 19e siècle pour désigner le plat. Au début du 20e siècle le terme «raclette» désigne aussi bien le plat que le fromage fabriqué en Valais.

Concessions limitées

Lors de l’attribution de l’AOC, l’aspect financier n’est pas déterminant, a rappelé Alphonse Jacquier. «Notre produit n’a rien à voir avec le Raclette suisse et on ne va pas commercialiser du Raclette suisse», a-t-il souligné.

Le «Raclette du Valais» est en effet fabriqué à partir de lait cru, ce qui n’est pas le cas de ses concurrents.

«Notre but n’est pas d’interdire aux autres cantons de produire un tel fromage», a ajouté Gérald Dayer. Les Valaisans sont prêts à certaines concessions, mais leurs concurrents devront choisir un nom différent, du genre «raclonette».

Sondage significatif

Dans sa décision, l’OFAG relève que le terme «raclette» n’est pas un nom générique, mais une dénomination traditionnelle dont l’origine est valaisanne.

«Une enquête représentative réalisée auprès de consommateurs a démontré qu’il existait une part significative de la population (43%) pour qui le Raclette est une indication de provenance», ont constaté les experts fédéraux.

La «dégénérescence» observée dans l’usage de ce terme a commencé, mais elle n’est pas achevée et «cette présomption plaide en faveur de la protection du terme», selon eux.

Trente jours pour faire recours

Les opposants à l’AOC, qui considèrent que le raclette n’est pas un fromage valaisan, mais un type de fromage pouvant être produit dans le monde entier, ont été déboutés.

L’enregistrement de l’AOC peut être contesté dans les 30 jours auprès de la Commission de recours du Département fédéral de l’économie (DFE), puis auprès du Tribunal fédéral.

swissinfo et les agences

– L’usage de faire fondre du fromage devant un feu est documenté en Valais dès 1574.

– Au début du 20e siècle, «raclette» désigne le plat aussi bien que le fromage fabriqué en Valais.

– L’OFAG interdit désormais l’usage du terme raclette à tout fromage qui n’est pas produit en Valais.

– Raclette suisse et Emmi réagissent vivement à la décision. Ils ont 30 jours pour faire recours.

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