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Le cervelas fait son entrée au Parlement

Sans boyau brésilien, l'avenir du cervelas sous sa forme actuelle est compromis. Les parlementaires vont en discuter. Ex-press

Entre autres sujets importants, les sénateurs s'intéressent jeudi à l'avenir du cervelas. Les zébus brésiliens ne sont en effet plus à même d'assurer l'avenir de la mythique saucisse.

Bien qu’il puisse prêter à sourire, le thème est des plus sérieux, mélangeant intérêts économiques, relations avec Bruxelles voire même… identité nationale.

C’est depuis plusieurs semaines l’émoi dans la Suisse culinaire, car l’avenir du cervelas est incertain. Il n’est en effet plus possible d’importer du Brésil les boyaux de bœuf – plus précisément de zébu – indispensables à sa fabrication.

L’Organisation mondiale de la santé animale a classé le Brésil dans la liste des pays où il existe un risque «non négligeable» d’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), ce qui a décidé l’Union européenne (UE) à interdire l’importation de bœuf brésilien.

Un boyau idéal

En raison de l’accord bilatéral liant la Suisse et l’UE en matière de produits agricoles, Berne a aussi appliqué cette décision. L’impact de cette mesure n’est guère perceptible pour la viande, car seulement 5% du bœuf consommé en Suisse est d’origine brésilienne.

En revanche, l’interdiction d’importation de boyaux de zébu pose un gros problème. En effet, selon les fabricants, seul ce type de boyau présente toutes les qualités nécessaires à la confection d’un bon cervelas.

Outre son diamètre constant, le boyau brésilien permet d’obtenir une peau de cervelas qui est facile à éplucher, qui n’éclate pas quant elle est chauffée et qui donne à cette saucisse sa légère courbure si caractéristique.

L’Union professionnelle suisse de la viande (UPSV) a même convié la presse à une dégustation pour prouver que le boyau brésilien est pratiquement irremplaçable. En effet, les trois solutions alternatives retenues par l’UPSV ne sont pas adaptées.

Le boyau uruguayen pourrait certes faire l’affaire, mais l’Uruguay n’est pas en mesure de fournir les quantités voulues. Le boyau de porc chinois ne présente pas un diamètre constant. Quant au boyau synthétique, il est très difficile à éplucher.

Un «drame» national

Bref, sans boyau brésilien, l’avenir du cervelas sous sa forme actuelle, est bel est bien compromis. Pour l’heure, les bouchers suisses disposent encore de stocks de ce boyau. Mais les réserves seront épuisées d’ici quelques mois.

Pour le secteur de la viande, le sort du cervelas constitue un véritable enjeu économique. Les Suisses en consomment quelque 160 millions– soit 25’000 tonnes –par an, pour un chiffre d’affaires estimé à 100 millions de francs.

Les cervelas représentent 30% du total de la production de saucisse. Par ailleurs, sa consommation représente l’écoulement sur le marché de 120’000 vaches et de 360’000 porcs sur le marché, dont près de 90% sont d’origine suisse.

Mais l’enjeu n’est pas seulement économique. Au cours des dernières semaines, la presse populaire, les professionnels de la viandes et des personnalités de tout bord ont rappelé que le cervelas faisait partie du patrimoine culinaire suisse, au même titre que la fondue ou la raclette.

Pour beaucoup, la disparition du précieux cervelas constituerait donc la perte d’une partie de l’identité nationale. L’affaire est si grave, d’ailleurs, qu’un Comité de défense du cervelas a même vu le jour sur Internet.

Signalons tout de même qu’il existe aussi – sur Internet également – quelques esprits chagrins proclamant qu’ils ne pleureront pas le cervelas. Pour eux, la qualité première de cette saucisse serait surtout de permettre à l’industrie de la viande d’écouler les morceaux les moins nobles, à commencer par la couenne.

Gouvernement interpellé

Quoi qu’il en soit, le sénateur Rolf Büttiker, qui est aussi président de l’UPSV, juge la situation assez sérieuse pour faire appel au gouvernement. Dans une interpellation – «Avenir du cervelas. Le salut vient du Brésil» – il l’invite à agir pour assurer l’avenir de la saucisse.

Le sénateur propose même quelques pistes. Il demande si le gouvernement est en mesure de faire revenir Bruxelles sur sa décision ou encore si la Suisse peut obtenir une obtenir une exception, au moins temporaire, pour réimporter rapidement des boyaux du Brésil.

Dans sa réponse, le gouvernement indique qu’il n’y a pas grand-chose à faire tant que l’Organisation mondiale de la santé animale maintient le Brésil dans la liste des pays à risque. Quant à une exception pour la Suisse, elle est impossible, «dès lors que l’UE ne laisse aucune marge de manœuvre pour adopter de telles dérogations».

Par ailleurs, le gouvernement relativise quelque peu le problème de l’avenir du cervelas. «Des solutions pour la production de cervelas ont déjà été trouvées, mais elles s’écartent légèrement des habitudes des consommateurs. A long terme, la solidité économique de la filière Viande dans son ensemble dépend de mesures qui permettent de renforcer la confiance des consommateurs dans les denrées alimentaires suisses», écrit-il.

swissinfo, Olivier Pauchard

Le cervelas standard est composé de 27% de viande de bœuf, de 10% de viande de porc, de 20% de lard de fabrication, de 15% de blocs de couenne, de 23% d’eau ainsi que de sel nitrité et de nombreuses épices, d’oignons frais, de phosphate et d’acide ascorbique, selon les professionnels de la viande.

Le mélange est introduit dans des intestins de bœuf d’un diamètre de 34-36 mm ou 36-38 mm, puis il subit un fumage à 80 degrés et une cuisson pendant 20-25 minutes à 75 degrés.

L’enveloppe doit être un produit naturel d’un diamètre constant qui permet d’élaborer des portions précises et supporte les diverses étapes de la préparation. Il est vite apparu que le produit idéal était fourni par les intestins des bœufs (zébus) brésiliens.

Le cervelas sous sa forme actuelle a été mis au point en Suisse
alémanique (à Bâle) à la fin du 19ème siècle, en fait lorsque l’on a disposé des machines nécessaires à sa fabrication.

Il a fait figure de produit national lors de la fête nationale du 1er août 1891. En 1901, il représentait la Suisse à l’Exposition universelle de Paris avec le chocolat et l’emmental.
Le cervelas est consommé dans toute la Suisse, soit nature, soit grillé ou sous forme de salade.

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