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Le CICR reconsidère son rôle en Irak

Sur les lieux de l'attentat contre le quartier général du CICR à Bagdad. Keystone

Le Comité international de la Croix-Rouge se demande si les conditions de sécurité sont remplies pour rester en Irak après l’attentat suicide contre son quartier général à Bagdad lundi.

L’organisation commencera à évacuer les collaborateurs internationaux dès mardi, selon le chef de la délégation du CICR en Irak.

«Nous commencerons demain à faire évacuer nos collaborateurs internationaux et verrons comment nous pourrons poursuivre le travail avec nos collègues irakiens», a déclaré Pierre Gassmann, chef de délégation du CICR, sur le site internet de ARD, première chaîne de télévision publique allemande.

Quelque 800 Irakiens et 35 personnes de nationalités différentes sont actifs en Irak dans le cadre du CICR et travaillent en toute indépendance par rapport aux soldats de la coalition présents en Irak, a assuré M.Gassmann.

«L’approvisionnement en eau, la distribution de médicaments» devront dorénavant être pris en charge par des organisations irakiennes. «Le problème est qu’il n’y a pas encore d’administration civile irakienne qui puisse remplir de telles missions», a-t-il ajouté.

Un retrait complet en question

Mais le quartier général de l’organisation neutre à Genève a déclaré à swissinfo qu’un retrait complet d’Irak était en discussion. Les conditions de sécurité sont en cours de ré-évaluation après que deux délégués irakiens et dix autres personnes ont été tués dans l’attentat.

«C’est encore trop tôt pour dire ce qu’on va faire», a indiqué Florian Westphal, porte-parole du CICR. Nous sommes sous le choc… et ne pouvons que condamner cette attaque extrêmement fermement».

Le Département fédéral des Affaires étrangères suisse s’est d’ailleurs joint à cette condamnationen qualifiant l’attentat d’«acte intolérable». «Une attaque contre cette organisation équivaut à une attaque contre le peuple irakien», ajoute-t-il sur son site.

L’explosion qui a touché une ambulance portant l’emblème du CICR a été suivie par quatre autres déflagrations visant des postes de police ailleurs dans la ville.

Au moins 34 Irakiens ont été tués et 224 autres blessées, selon les autorités irakiennes.

Une attaque sans précédent



C’est la première fois en 140 ans d’histoire que l’organisation humanitaire est la cible d’un attentat suicide. De quoi rappeler que la neutralité n’assure pas forcément une protection.

«Nous pensions que notre travail humanitaire nous protégeait, a regretté Nada Doumani, porte-parole du CICR en Irak. «Que les gens nous connaissaient, que nous étions différents».

Présente en Irak depuis 1980, l’organisation y assure une assistance humanitaire et contrôle l’application des Conventions de Genève.

Ce fut aussi la seule organisation qui soit restée active tout au long du conflit généré par les Etats-Unis contre Saddam Hussein. Le CICR a en outre refusé toute protection de la part des forces occupantes dans le but précisément de maintenir sa neutralité.

Quant à savoir si le CICR n’aurait pas trop compté sur sa réputation pour assurer sa protection, Florian Westphal répond que l’organisation n’avait pas le choix.

«Nous avons effectué notre travail humanitaire pendant les 20 dernières années, peu importe qui était au pouvoir, qui perdait ou gagnait. Nous avons réellement agi en toute neutralité», poursuit-il.

«Et comme partout dans le monde, cela devrait être notre meilleure garantie de sécurité, dit-il encore. Des forces armées ne doivent pas interférer dans l’aide humanitaire».

Une réduction des effectifs

Le CICR avait déjà réduit ses activités en Irak au mois de juillet, quand un de ses techniciens, un Sri lankais, avait été abattu dans une attaque que l’organisation avait qualifiée de délibérée.

Peu après, en août, le quartier général de l’ONU à Bagdad a été bombardé, faisant 23 morts, dont l’envoyé spécial en Irak, Sergio Viera de Mello.

Le CICR avait alors déclaré qu’il avait reçu des menaces diffuses indiquant qu’il pourrait être à son tour victime d’une attaque terroriste. L’organisation avait subséquemment réduit son personnel international en Irak.

Ces coupes ont laissé entre 30 et 40 expatriés au service du CICR dans tout le pays, avec plusieurs centaines d’Irakiens pour les assister dans leur travail.

Bien que la décision de quitter définitivement l’Irak ne soit pas encore prise, Florian Westphal a rappelé que c’est le peuple qui pâtirait le plus d’un retrait. «Si nous devions modifier nos activités, les gens qui ont besoin de nous, des Irakiens, vont souffrir».

swissinfo, Anna Nelson, Genève
(Traduction et adaptation: Anne Rubin)

– Le CICR réexamine les conditions de sécurités qui détermineront si oui ou non il reste en Irak.

– L’attentat de lundi a tué environ 10 personnes dans son bureau de Bagdad.

– Le siège du CICR n’était pas protégé par les murs de béton érigés par la coalition autour des bâtiments importants de Bagdad, après les attentats contre l’Onu, dont l’un en août avait fait 22 tués.

– L’explosion a été suivie d’une série d’attaques de postes de police à Bagdad.

– Au moins 34 personnes sont mortes dans ces attaques et 200 ont été blessées.

– La ministre des Affaires étrangères suisse, Micheline Calmy-Rey, a fermement condamné ces attentats, parlant d’un «acte intolérable».

– Le président Bush a pour sa part déclaré qu’il ne retirerait pas ses forces, malgré les attentats contre le personnel humanitaire et de l’ONU.

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