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Le Conseil des droits de l’homme tance la Suisse

La Suisse a été au centre des débats dans la Salle du Conseil des droits de l'homme. Keystone

Le Conseil des droits de l'homme a condamné jeudi l'interdiction de la construction de minarets comme une manifestation d'islamophobie. La résolution présentée par le Pakistan sur la diffamation des religions a été acceptée par 20 voix contre 17 et huit abstentions.

Le Conseil des droits de l’homme avait commencé jeudi à débattre d’un projet de résolution sur la diffamation des religions. Ce texte condamne, dans l’un de ses paragraphes, l’interdiction de la construction de minarets, acceptée par le peuple suisse le 29 novembre.

Le document présenté par l’Organisation de la conférence islamique (OCI) «condamne fermement l’interdiction de la construction de minarets et de mosquées et d’autres mesures discriminatoires récentes, qui sont des manifestations d’islamophobie en claire contradiction avec les obligations internationales dans le domaine des droits de l’homme concernant la liberté de religion, de croyance, de conscience et d’expression».

Atteinte à la liberté d’expression

Le paragraphe souligne également que «de telles mesures discriminatoires pourraient alimenter la discrimination, l’extrémisme et les fausses perceptions conduisant à la polarisation et à la fragmentation avec des conséquences dangereuses et imprévisibles». La Suisse n’est pas nommément mentionnée dans le
texte.

La résolution sur la diffamation des religions revient régulièrement devant l’Assemblée générale de l’ONU et le Conseil des droits de l’homme. Elle est vivement critiquée par les Occidentaux et les ONG qui y voient une atteinte à la liberté d’expression, mais le groupe des pays musulmans et non-alignés dispose d’une majorité au Conseil. Pays seulement observateur au Conseil cette année, la Suisse ne peut pas voter.

Interrogé par swissinfo.ch, Peter Splinter – expert en matière de droit humanitaire auprès d’Amnesty International – estime que la condamnation de jeudi ne va pas nuire au rôle de la Suisse dans le domaine des droits de l’homme. Elle pourrait cependant être utilisée par quelques Etats pour tenter de la discréditer.

Poursuite du dialogue

Le représentant de l’Organisation de la conférence islamique (OCI) a affirmé que son groupe va continuer de dialoguer avec la Suisse sur l’interdiction des minarets. La Suisse doit «redresser une situation qui la met en porte-à-faux avec le droit», a-t-il dit.

Lors d’une conférence de presse organisée après l’adoption de la résolution sur la diffamation des religions, l’ambassadeur Babacar Ba a affirmé que l’OCI va agir à la fois au niveau diplomatique et au niveau légal.

«Nous continuons de discuter avec les autorités suisses», a déclaré l’ambassadeur en rappelant que le secrétaire général de l’OCI avait rencontré le 2 mars à Genève la responsable de la diplomatie helvétique Micheline Calmy-Rey, au début de la session du Conseil. Les discussions avec la Suisse portent aussi sur la situation au Proche-Orient, a-t-il fait remarquer.

«La Suisse doit redresser une situation qui la met en porte-à-faux avec ses engagements internationaux», a affirmé l’ambassadeur. Il a évoqué «la nécessité d’une contre-initiative en Suisse pour revenir sur cette décision».

L’ambassadeur a par ailleurs encouragé les personnes atteintes dans leurs droits par l’interdiction des minarets à faire recours sur le plan légal, sur le plan interne et international, devant la Cour européenne des droits de l’homme, «pour avoir gain de cause».

Rappel de la position suisse

L’ambassadeur de Suisse auprès des Nations Unies à Genève n’a pu que répéter la position suisse. «Nous devons rappeler que les minarets déjà présents ainsi que les 150 lieux de culte continuent d’exister. Les communautés musulmanes sont libres et protégées par la loi suisse», a déclaré à swissinfo.ch Dante Martinelli.

L’ambassadeur estime par ailleurs que le vote du novembre dernier n’est pas de l’islamophobie. «Il s’agit d’un vote qui a été influencé par la crise économique, qui a déstabilisé les gens, et par la situation internationale. Ce n’est pas une décision contre les communautés islamiques en Suisse ou à l’étranger», a-t-il indiqué.

Enfin, Dante Martinelli a rappelé que la Suisse était opposée au concept de diffamation des religions. «Nous sommes fermement opposés à la protection des religions en tant que telles, mais totalement partisans de la liberté des gens à pratiquer la religion de leur choix», a-t-il conclu.

swissinfo.ch et les agences

Le peuple suisse s’est exprimé le 27 novembre sur une initiative populaire émanant de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice).

Celle-ci demandait qu’il soit désormais interdit de construire de nouveaux minarets en Suisse.

Cette initiative a été acceptée par 57,5% des citoyens. Seuls quatre cantons l’ont refusée.

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