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Le coup de griffe médiatique de Bernard Bertossa

Le procureur général de Genève, Bernard Bertossa. Keystone Archive

Dans une tribune libre de presque une demi-page, le procureur genevois dénonce dans le quotidien français Le Monde les chambres de compensation internationales. Selon Bernard Bertossa, ces organismes fort peu connus du grand public permettraient de blanchir des centaines de milliards de francs.

Le secret bancaire suisse? Les paradis fiscaux installés dans la Caraïbe, l’Océan Indien ou le Pacifique? Tout cela est dépassé. Les «boîtes noires» de la mondialisation financière, mais aussi de la mondialisation criminelle, passeraient par deux sociétés, Clearstream et Euroclear, respectivement installées au Luxembourg et en Belgique.

Le procureur général de Genève, qui avait déjà signé en 1996 avec six autres magistrats européens, le fameux «Appel de Genève», destiné à favoriser l’émergence d’un espace judiciaire européen, récidive cette fois avec quatre autres juges français et belge, dont Eva Joly et Renaud Van Ruymbeke.

Que disent-ils? Un système, inventé en 1971 pour accélérer et faciliter les transactions financières entre banques, a été détourné de son but par l’existence de comptes secrets, appelés «comptes non publiés», qui permettraient de dissimuler l’argent sale. Bernard Bertossa évoque un «Triangle des Bermudes dans lequel viendraient disparaître des flux d’argent de moins en moins contrôlables».

L’existence de ces mécanismes opaques des chambres de compensation internationales a été révélée, il y a deux mois par «Révélation$», un livre signé par le journaliste français Denis Robert, et un ancien cadre bancaire luxembourgeois Ernest Backes. Depuis, aucun parti politique, aucun gouvernement en Europe ne s’est offusqué de la découverte de comptes non publiés de clients occultes.

En clair: il n’existe pas de réelle volonté de lutter efficacement contre le blanchiment d’argent sale à grande échelle. Pourtant, comme le déclare Bernard Bertossa, «aucune trace de la circulation des capitaux, qu’ils soient licites au non, ne s’égare, car il est essentiel de le conserver pour servir de preuve des transferts et des changements de propriété».

Cette tribune libre, publiée le jeudi 10 mai 2001, date fort symbolique du vingtième anniversaire de l’arrivée de la gauche au pouvoir en France, ne précise pas que l’une des deux chambres de compensation, la luxembourgeoise Clearstream, dont la valeur des titres qui lui sont confiés par les banques atteindrait 10,7 trillions d’euros, est dirigée par le Suisse André Lussi, ancien banquier à l’UBS.

Ian Hamel

«Révélation$», par Denis Robert et Ernest Backes. Editions Les Arènes.

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