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Le don d’organes reste un tabou

L'an dernier, 32 personnes sont mortes en Suisse faute d'avoir pu recevoir un organe à temps. Keystone

La demande d'organes est plus importante que l'offre. Des patients meurent. La France et l'Allemagne organisent une journée de sensibilisation. La Suisse aussi.

Samedi, SwissTansplant descend dans la rue. Son objectif: susciter le débat sur les dons d’organes. Un sujet encore trop souvent tabou. Que les gens en bonne santé évitent généralement d’aborder.

De longues attentes

En Suisse, l’année dernière, 1024 patients étaient en attente. Mais seuls 424 organes ont été transplantés.

Pire, depuis 1998, le temps d’attente ne cesse d’augmenter. Donc le risque de décès également.

En 2001, 32 personnes sont mortes, faute d’avoir pu recevoir un organe à temps. Et, au cours des six premiers mois de 2002, plus d’une vingtaine de personnes sont décédées. Pour les mêmes raisons.

43% des Suisses favorables

Pourtant, les Suisses sont loin d’être opposés aux dons d’organes. Pour preuve, un sondage récemment publié dans le journal Coopération.

43% des Suisses affirment qu’ils seraient prêts à faire don de l’un de leurs organes de leur vivant – comme un rein – ou après leur mort.

Mais, toujours selon le même sondage, 31% accepteraient de donner un organe après leur décès.

Enfin, seuls 19% des 606 personnes interrogées pour ce même sondage refuseraient catégoriquement de devenir donneur.

L’Espagne, leader européen

Malgré cette bonne volonté, avec 13,2 donneurs par million d’habitants, la Suisse reste dans le peloton de queue au plan européen.

Dans ce domaine, la Suisse fait un tout petit peu mieux que l’Allemagne, où l’on compte 12,8 donneurs par million d’habitants. Alors que, dans le même temps, 70% des Allemands se disent prêts à donner un organe.

En revanche, la Suisse fait moins bien que la France et l’Italie. Deux pays qui affichent respectivement 17,8 et 17,1 donneurs par million d’habitants.

Enfin, elle est très loin derrière l’Espagne. Qui, avec 32,5 donneurs par million d’habitants, reste en 2002 le leader européen incontesté des dons d’organes.

Sensibiliser familles et médecins

Dans des pays comme l’Italie, la France et la Suisse, le tabou qui entoure le don d’organes n’est pas totalement levé. Raison pour laquelle, dans ces pays, des structures et des campagnes de sensibilisation sont nécessaires.

En Suisse, explique Philippe Morel, président du Comité médical de SwissTransplant, seul un petit 15% de la population est informée et préoccupée par ce sujet.

«Ce n’est que sur la base d’une information complète que chaque individu est en mesure de décider s’il veut devenir donneur ou pas, estime Philippe Morel. D’autant plus qu’un telle décision est extrêmement difficile à prendre dans des situations d’urgence ou en plein deuil.»

«Il n’y a pas assez d’informations sur les dons d’organes», confirme Daniel Candinas.

Et ce chirurgien, chef de l’unité de greffe à l’hôpital universitaire de Berne d’ajouter: «Seule une information sérieuse – y compris dans les milieux hospitaliers – permettra d’augmenter le nombre de donneurs».

Les Suisses ont voté sur la question

Bref, si les Suisses sont peu enclins à faire don de leurs organes, ce serait la faute à une sensibilisation insuffisante.

Pourtant les Suisses devraient être bien – sinon très bien – informés sur la question. D’autant que, chez eux, le débat politique autour de ce sujet a été dense ces dernières années.

En effet, le Parlement s’est saisi du dossier. Et le peuple suisse a même été appelé à voter pour que son gouvernement puisse élaborer une loi sur les transplantations et les dons d’organes.

Car, à l’heure actuelle, les lois diffèrent d’un canton à l’autre. Dans certains, les organes ne peuvent être prélevés que si les intéressés ont donné le feu vert avant leur mort.

Dans d’autres, les organes peuvent être théoriquement prélevés d’office, sauf si la personne concernée ou la famille ont refusé explicitement. Mais, dans la pratique, cela ne se fait pas.

Carte de donneur et base de données

En attendant une législation définitive, SwissTansplant propose, depuis de nombreuses années, une carte de donneur d’organes. Sans trop de succès.

Et puis, au moment où il décède, le donneur déclaré ne porte pas forcément sa carte sur lui.

La création d’une base de donnée centralisée pourrait régler la question. Mais, pour l’heure, certains milieux politiques et médicaux s’y opposent. Notamment au nom du respect de la vie privée.

swissinfo

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