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Le drapeau suisse de Francisco

Francisco et Yvonne derrière le bar du Bistro Bellini. swissinfo.ch

L’équipe de Köbi Kuhn n’est pas le principal ambassadeur helvétique au Portugal. En Lusitanie, l’empreinte suisse la plus forte est celle des émigrés de retour au pays.

Et sur le petit écran, Stéphane Chapuisat et ses coéquipiers ne sont rien par rapport à Michelle Hunziker.

En faisant principalement carrière en Allemagne et en Italie, la mannequin et présentatrice TV bernoise Michelle Hunziker n’est pas, à proprement parler, le prototype de la Suissesse moyenne.

Elle est pourtant la représentante helvétique la plus connue au Portugal. Sa publicité pour une marque de bonbons passe en effet chaque soir en «prime time» sur les principales chaînes nationales.

Que représentent dès lors, en comparaison, les trois ou quatre matches que l’équipe de Suisse va disputer durant ce douzième Eurofoot de l’histoire? Bien peu. Et la Suisse risque de rester pour longtemps encore un concept nébuleux pour beaucoup de Portugais.

Comme pour cette jeune vendeuse de drapeaux postée aux abords du stade de Coimbra (où la Suisse va jouer contre l’Angleterre et la France), tendant un étendard anglais à la demande d’un «bandera suiça».

Et finissant par s’exclamer: «incroyable, j’en ai vendu un!», en se rendant compte de sa première erreur.

Si elle connaissait mieux la Suisse, elle saurait que ses habitants sont prévoyants et qu’ils ne partent presque jamais à l’aventure sans avoir les billets de voyage, les tickets pour les matches et tout le nécessaire du parfait petit supporter.

Inutile, dès lors, d’essayer de leur vendre leur propre drapeau ou de les comparer aux 30’000 Anglais ayant débarqué sans être certains de pouvoir assister aux exploits de Beckham et consorts.

Bellini de Rio Maior



A Rio Maior, Francisco a mis du temps avant de trouver «son» drapeau suisse. Il le voulait absolument pour décorer le grand écran où il propose la diffusion des matches de l’Euro. Celui qu’il a finalement déniché n’est pas carré… mais qu’importe.

Propriétaire du Bistro Bellini, Francisco est portugais mais s’exprime parfaitement en «Schwyzertütsch». Etonnement, cela tranche plutôt sympathiquement avec l’ambiance locale.

En réalité, il a passé dix-sept ans de sa vie en Suisse et n’est rentré que depuis peu au pays. «C’est pour les enfants, explique-t-il. L’aîné a neuf ans et nous ne pouvions pas attendre plus longtemps avant de le faire changer de système scolaire».

A Rio Maior, Francisco et sa femme irlandaise Yvonne – qu’il a connue en Suisse – ont construit une belle maison. «Nous n’aurions pas pu nous le permettre en Suisse», avouent-ils.

Un petit bout de Suisse dans le cœur

Et Francisco a appelé son petit Bistro ouvert depuis deux semaines «Bellini», du nom du restaurant d’un de ses anciens employeurs.

Arrivé en Suisse à l’âge de vingt ans, il a débuté «à la plonge» dans une auberge bernoise pour terminer chef de service au Schweizerhof de Lucerne.

«La Suisse me manque terriblement, reconnaît-il. Même si je me sens ici chez moi et que tout va bien. Mais quand je pense à Lucerne, si propre et si tranquille, j’ai un peu le mal du pays».

Destins croisés

A quelques mètres du Bellini, dans un autre café de la ville, une jolie fille aux yeux en amande et d’un bleu limpide fait le service en terrasse.

«Elle est Ukrainienne, raconte son patron. Car désormais au Portugal, il est devenu presque impossible de trouver des serveurs. Les gens pensent qu’il s’agit d’un boulot dégradant».

L’immigration des pays de l’Est, de l’Ukraine en particulier, est la plus forte enregistrée aujourd’hui au Portugal. Ils sont à peu près 120’000 à travailler dans les secteurs hôteliers et de la construction.

Soit les mêmes types d’embauche qu’ont accepté des centaines de milliers de Portugais ayant un jour travaillé en Suisse.

A Rio Maior, à peu de distance l’un de l’autre, Francisco et Olena sont le symbole d’un pays en mutation rapide. Leurs destins se croisent et se cristallisent dans le geste, pourtant commun, de servir une bière à un client désireux d’étancher sa soif et avide de football.

swissinfo, Mathias Froidevaux et Doris Lucini à Rio Maior

120’000 Ukrainiens vivent au Portugal
2700 Suisses (dont la moitié sont binationaux) sont dans le même cas
Et 162’000 Portugais résident en Suisse

– La commune de Rio Maior est à 75 km au nord de Lisbonne et 240 au sud de Porto.

– Cette ville de 21’000 habitants est, au niveau des infrastructures, une sorte de Macolin portugais.

– Rio Maior offre également une dimension historique avec ses dolmens et sa villa romaine. Ses salines sont mystérieusement situées à 30 kilomètres de la mer.

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