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Le feu bactérien divise Romands et Alémaniques

Les cantons alémaniques prônent notamment l´utilisation des produits antibiotiques pour lutter contre le feu bactérien qui ravage les vergers suisses. Sceptiques, les Romands exigent une étude comparative sur tous les modes de traitement existants.

A l’invitation de l’Office fédéral de l’agriculture, l’OFAG, les experts suisses du feu bactérien étaient réunis mercredi à Berne. Au cœur de la consultation, l’éventuel usage de substances chimiques, comme les antibiotiques, dans la bataille contre le feu bactérien. Ce qui serait une première en Suisse en matière de lutte phytosanitaire.

Le canton de Thurgovie et certaines organisations arboricoles ont en effet demandé au gouvernement d’autoriser ces substances, à titre d’essai. Il revient maintenant au Conseil fédéral de se prononcer d’ici à la fin de l’année.

«Les cantons favorables à l’utilisation de ces produits antibiotiques sont aussi ceux qui sont le plus touchés par le fléau, constate Jacques Morel, directeur adjoint de l’Office fédéral de l’agriculture. Ils ont largement répondu à notre invitation alors que les Romands se sont montrés plus discrets.»

Il est vrai que, même s’ils se disent concernés, les cantons romands n’ont pas encore subi de plein fouet les assauts de la maladie ravageuse.

Le feu bactérien sévit depuis près de dix ans en Suisse, explique Christian Keimer, directeur adjoint de la station phytosanitaire du canton de Genève. Mais, jusqu’à l’an dernier, la maladie était restée confinée dans la partie centrale et orientale du pays.»

Fin 1999, les premiers foyers d’infection ont été identifiés en Suisse romande. «Mais pour l’heure, seules les plantes ornementales sont touchées en Romandie. Alors que des vergers entiers ont déjà été détruits de l’autre côté de la Sarine», précise Christian Keimer.

En Suisse alémanique, le feu bactérien a donc pris une dimension de catastrophe économique pour le secteur de l’arboriculture. En Thurgovie – le canton le plus touché de Suisse – les dégâts potentiels sont évalués à quelques quatre millions de francs en 2000.

Pour la Confédération, la facture devrait avoisiner les cinq millions. «Les mesures de lutte misent en oeuvre par les cantons sont financées à 50 pour cent par Berne, précise Olivier Félix, responsable de la section ‘moyens de production’ à l’OFAG. Elle dédommage aussi en partie les agriculteurs touchés.»

Jusqu’à présent, l’essentiel de la lutte contre le feu bactérien s’est résumé à la destruction des arbres malades. Mais face à l’extension de la maladie, certains jugent désormais ce procédé insuffisant. Ils demandent le droit de recourir aux antibiotiques.

L’Allemagne et quelques pays du nord de l’Europe contrôlent déjà le feu bactérien grâce ces substances. Mais jusqu’à présent, la Suisse a préféré s’abstenir au nom du principe de sécurité.

Au centre des préoccupations de ceux qui préconisent la prudence: le phénomène de résistance que les végétaux pourraient développer. «On sait déjà que, dans certains pays, le feu bactérien ne répond plus à l’utilisation de certains antibiotiques», affirme Christian Keimer.

Par ailleurs, il faut savoir que les antibiotiques agissent sur toutes les bactéries. Il n’est donc pas improbable qu’en cas d’utilisation massive d’antibiotiques, certaines bactéries pathogènes pour l’homme et l’animal ne développent également des résistances. De plus, il reste à élucider l’impact des antibiotiques sur la microfaune et la flore.

Ces éléments de réflexion alimentent les réticences des Romands. «Pour l’heure, nous ne sommes pas favorables à l’utilisation des antibiotiques. Il existe d’autres produits – notamment biologiques et bio-techniques – qui présentent des résultats très intéressants. Tous les moyens d’action doivent donc être sérieusement évalués et comparés», renchérit Christian Keimer.

L’important pour Christian Keimer «n’est pas seulement de lutter contre le feu bactérien, il faut aussi continuer à vendre des fruits.» Autrement dit, les producteurs ne devraient pas ignorer la sensibilité du consommateur. Surtout à l’heure où ce dernier subit de plein fouet la crise de la vache folle.

Vanda Janka

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