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Le football latin décapité

Endettement, manque de spectateurs, les stades ne sont pas près de se remplir. Keystone Archive

Sion, Lausanne et Lugano n'appartiennent plus au gotha du football suisse. Trop endettés, ils n'ont pu éviter la culbute. Un tournant dans le monde du ballon rond.

Peut-être trop longtemps laxistes, les organes dirigeants de la Ligue nationale suisse de football (LN) ont opéré un revirement drastique ces dernières années. Avec en point de mire la volonté affichée de réduire à dix le nombre de clubs militant dans l’élite du pays.

Mardi, ce changement de politique a fait ses premières victimes. Impitoyable, le couperet est tombé sur les têtes de Lausanne, Sion et Lugano, trois clubs au passé prestigieux. Une décapitation en règle du football latin.

Sur le tapis vert

Eugène Mätzler, président de l’autorité de recours pour les licences de la Ligue Nationale, a campé le rôle de bourreau. Faute d’avoir su présenter des comptes sains, un budget futur raisonnable et payé les salaires des joueurs et les charges sociales, les trois clubs ont été durement sanctionnés.

Ils ont perdu sur le tapis vert ce qu’ils avaient conquis sur le terrain; leur participation au prochain championnat de LNA.

Servette et Neuchâtel/Xamax, eux, s’en sortent de justesse. Mais le souffle de la lame vengeresse n’est pas passé loin. Gare au prochain exercice!

Enfin Lucerne, malgré quelques irrégularités comptables commises l’an dernier, devrait profiter d’un obscur sursis concordataire pour prendre la place des «parias» en compagnie de Delémont et Aarau.

«Nous nous sommes basés sur la situation actuelle des clubs et sur l’évolution possible et réaliste de chacun d’eux pour prendre nos décisions, précise Eugène Mätzler. Les comptables et les juristes de la commission sont totalement neutres. Il n’y a eu de cadeau pour personne.»

Des rêves de grandeur

Un constat s’impose. Ces décisions défigurent totalement le paysage footbalistique suisse. Un pas de plus en direction de la future ligue professionnelle à dix équipes tant désirée par les responsables de la LN.

Prévue pour la saison 2002/2003, celle-ci pourrait déjà voir le jour à partir du mois de juillet si l’assemblée extraordinaire des présidents de club devait en décider ainsi le 14 juin.

«Le football n’échappe pas aux règles économiques qui font foi dans les autres domaines de la société», explique Edmond Isoz, président de la LN. Les rêves de grandeur des dirigeants de club, prêts à tout pour briller dans les Coupes européennes, se paient cash.

Les possibilités d’engranger des recettes pour un club suisse sur son territoire sont en effet limitées. S’ensuivent des prises de risques toujours plus importantes et l’obligation d’enchaîner les exploits pour rentabiliser les investissements.

La fin des mécènes

De plus, mis à part les équipes de la région zurichoise, peu de clubs peuvent encore compter en ce moment sur de riches mécènes pour renflouer les caisses en cas de coup dur.

«En Suisse romande, la mode du président mécène a définitivement vécu, constate encore Edmond Isoz. La décision d’aujourd’hui met en quelque sorte un point final à cette forme de gestion.»

Messieurs Lavizzari à Servette, Facchinetti à Neuchâtel et Luisier à Sion ont laissé beaucoup d’argent dans le football. Ils n’ont pas été remplacés. Ils ne le seront plus.

Ajouter à cela une concurrence toujours plus accrue entre les deux sports majeurs que sont le hockey et le football, les problèmes de droits T.V. et la réticence toujours plus grande des représentants de l’économie à s’engager dans le sport.

La débâcle financière de Lausanne, Sion et Lugano oblige à repenser la manière de vivre et de gérer le sport. Car elle pourrait bien ne pas être la dernière à frapper un club sportif. Quelle que soit sa discipline.

swissinfo/Mathias Froidevaux

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