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Le fossé numérique, une affaire de contenu

Du téléphone cellulaire à la force des mollets... Keystone

Permettre aux exclus d'intégrer la planète globalisée. Tel est l'objectif du Sommet mondial de la société de l'information pour sa 2e phase à Tunis.

Reste à savoir comment les technologies de l’information peuvent favoriser la lutte contre la pauvreté. L’avis de Bruno Lanvin, expert de la Banque mondiale.

Depuis 2003, Bruno Lanvin est en poste à Genève. Conseiller en e-stratégie pour la Banque mondiale, l’expert français est également l’homme de liaison entre la banque de développement et le Sommet mondial la société de l’information (SMSI), dont la 2e phase se tient à Tunis du 16 au 18 novembre.

swissinfo: Le SMSI peut-il déjà se prévaloir de certains acquis?

Bruno Lanvin: A Genève en 2003, les délégations gouvernementales ont approuvé un plan d’action qui liste une série de domaines où l’action des organisations internationales, des Etats, de la société civile et du secteur privé est souhaitable.

Quant à la déclaration politique adoptée lors de cette première conférence, elle pose les principes de base à même de construire une société de l’information ouverte et équitable.

Mais l’acquis majeur du SMSI tient à la forte participation de la société civile. C’est en effet la première fois qu’un Sommet organisé par l’ONU ouvre aussi largement ses portes aux ONG.

En jouant le jeu et en proposant toute une série de mesures concrètes, la société civile a démontré aux gouvernements que son inclusion leur était bénéfique, tout comme celle du secteur privé.

swissinfo: Voit-on mieux aujourd’hui comment les technologies de l’information peuvent favoriser la lutte contre la pauvreté?

B.L.: Le Sommet de Genève a présenté des centaines de projets qui montraient comment ces technologies pouvaient sortir des communautés de l’exclusion et de la pauvreté. Mais nous n’avions pas de vision d’ensemble.

Aujourd’hui, nous sommes en mesure de démontrer à un ministre qu’un dollar investi dans les technologies de l’information et de la communication (TIC) est aussi utile qu’un dollar investi dans la santé ou l’éducation.

Mais pour percevoir ces bénéfices, il ne faut pas penser en termes d’addition et de soustraction, mais en termes de multiplication. Autrement dit, un ministre ne doit plus se demander dans quel budget il doit prélever les fonds qu’il veut allouer aux TIC.

Le décideur d’aujourd’hui peut en effet expliquer qu’en consacrant une petite partie de son budget pour l’éducation aux TIC, cela aura un effet multiplicateur pour l’ensemble de ce budget.

Cela dit, et contrairement au credo en vogue durant les années 90 – les TIC sont la solution à tous vos problèmes –, ces technologies restent des outils et non une fin en soi.

swissinfo: D’aucuns estiment que le marché à lui seul est à même d’atteindre les objectifs du SMSI ?

B.L.: Il est vrai que la fracture numérique est en voie de résorption grâce au dynamisme du secteur privé. Mais la question du fossé numérique ne se pose plus seulement en termes d’équipement et d’infrastructure. Ce qui compte aujourd’hui est de savoir comment les populations les plus pauvres peuvent s’approprier ces outils de communication.

Or, on constate aujourd’hui un grand manque en matière de contenus utiles aux producteurs et aux citoyens sur le plan local. C’est le grand chantier de la fracture numérique dans lequel les gouvernements, les organisations internationales et la société civile ont un rôle central à jouer.

On constate également que des débats essentiels à l’émergence de la société de l’information (propriété intellectuelle, innovation et recherche) se font en l’absence de la plupart des pays du Sud.

swissinfo: L’Etat régulateur et redistributeur revient donc sur le devant de la scène?

B. L.: On assiste effectivement à un retour de balancier par rapport aux années 90 marquées par une confiance aveugle aux mécanismes du marché.

Aujourd’hui, les entreprises elles-mêmes prennent conscience de leurs limites et réclament des régulations cadrant les forces du marché.

Nombre d’entreprises actives dans les TIC acceptent également le principe de la co-responsabilité sur le plan sociétal.

On assiste en fait à une redéfinition des rôles. Pour ma part, je propose aux gouvernements de développer leur fonction de leader et de facilitateur.

En concertation avec la société civile et les entreprises, l’Etat peut en effet jouer les pionniers dans l’utilisation des TIC. Et ce pour permettre aux citoyens d’en mesurer les avantages.

L’Etat peut également baliser le terrain, poser des garde-fous et lever les obstacles à l’action des entreprises. C’est là son rôle de facilitateur.

Interview swissinfo: Frédéric Burnand à Genève

Selon l’agence helvétique de coopération (DDC), les TIC sont favorables au developpement:
quand elles permettent un accès à des informations pertinentes pour les plus démunis.
quand elles transmettent la parole des exclus.
quand elles offrent la connaissance et la compréhension des différentes cultures qui habitent la planète.

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