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Le gouvernement ne lâchera pas UBS

Eveline Widmer-Schlumpf et le Conseil fédéral portent le poids des déboires d'UBS aux Etats-Unis. Reuters

Désavoué par la justice suisse, le Conseil fédéral veut trouver une solution avec les Etats-Unis pour que l'accord signé l'été dernier entre les deux pays puisse être appliqué. Une chose est sûre: la Suisse ne lâchera pas UBS, a martelé mercredi la ministre de la justice Eveline Widmer-Schlumpf.

Mercredi, devant les nombreux journalistes présents au Palais fédéral, Eveline Widmer-Schlumpf a expliqué que le gouvernement entendait tenir compte et appliquer l’arrêt du Tribunal administratif fédéral (TAF).

En acceptant le recours d’une contribuable américaine, le TAF avait en effet donné vendredi dernier un coup d’arrêt à la procédure d’entraide judiciaire entre les deux pays.

Pour rappel, le 19 août 2009, la Suisse et les Etats-Unis avaient paraphé un accord dans lequel Berne s’engageait à livrer des données concernant 4450 comptes de clients américains d’UBS soupçonnés d’avoir fraudé le fisc. Avec cet accord, la Suisse espérait mettre un terme définitif aux attaques de la justice américaine contre le numéro un bancaire suisse, menacé de voir sa licence retiré sur sol américain.

Poursuivre les discussions

Pour éviter que la procédure civile contre UBS soit rouverte aux Etats-Unis, obligeant la banque à communiquer les données des 4450 clients concernés et à se mettre en porte-à-faux avec la décision du TAF, le Conseil fédéral va poursuivre les discussions avec les autorités américaines. Il s’agit d’ «expliquer la situation de son point de vue» et de débattre des options qui se présentent.

Selon Eveline Widmer-Schlumpf, on peut s’attendre à ce que l’arrêt de la Cour interdise toute entraide administrative dans environ 4200 cas. Un échange d’informations ne serait possible que dans 250 cas environ.

Au peuple de trancher?

La Suisse attend aussi des Etats-Unis des informations détaillées concernant les données recueillies dans le cadre du programme de dénonciation spontanée. L’opération a été un réel succès, selon les premières informations.

Dans un deuxième temps, le Conseil fédéral pourrait transmettre l’accord UBS aux Chambres fédérales. Dans son arrêt, le TAF suggère cette solution qui permettrait de ne plus considérer le texte comme un simple accord à l’amiable et de le mettre au même rang que la convention de double imposition.

Ensuite, le texte pourrait être soumis au référendum populaire. D’un point de vue purement juridique, ce n’est pas nécessaire, selon le Conseil fédéral. Mais «pour des raisons politiques», le Parlement pourrait en décider autrement, a affirmé la ministre de la Justice.

UBS ne sera pas abandonnée

Certains, à l’instar de l’ancien conseiller fédéral Christoph Blocher, prédécesseur d’Eveline Widmer-Schlumpf, préféreraient que l’on laisse UBS assumer ses propres erreurs et remettre elle-même les données aux Américains. Dans une telle situation, les dirigeants de la grande banque risqueraient des poursuites pénales en Suisse pour violation du secret bancaire.

Mais pour Eveline Widmer-Schlumpf, il n’est pas question d’abandonner UBS à elle-même. «Les anciens responsables de l’UBS ont commis de graves erreurs», a estimé la ministre. Mais ce n’est pas une raison pour laisser la banque se débrouiller.

«Il s’agit aussi d’assurer la stabilité de la place financière suisse», a-t-elle martelé, rappelant que le conflit ne concerne pas uniquement la banque, mais qu’il s’agit d’un conflit juridique entre deux Etats.

UBS ne livrera pas ses clients

Pour sa part, Kaspar Villiger, président du conseil d’administration d’UBS, a également affirmé dans une interview au quotidien alémanique Tages-Anzeiger qu’il n’était pas question que la banque livre d’elle-même au fisc américain les données de fraudeurs potentiels.

«Oswald Grübel (le président de la direction) et moi-même ne livrerons jamais des données de façon illégale. Nous ne pouvons pas exiger des
collaborateurs qu’ils appliquent le droit à la lettre si nous-mêmes nous ne le faisons pas», a indiqué l’ancien conseiller fédéral.

«Le jugement du TAF a fait voler en éclats le compromis négocié avec les Etats-Unis et mis la Suisse – et pas seulement UBS – dans une position très difficile», a déclaré Kaspar Villiger. Or «sans accord interétatique, il n’y a pas de solution», a-t-il ajouté.

swissinfo.ch et les agences

Avril 2008. Les autorités américaines accusent les conseillers d’UBS d’avoir ouvertement incité des clients américains à frauder le fisc. Une procédure est ouverte.

Juin 2008. Les autorités américaines exigent les données des comptes de 20’000 clients américains d’UBS.

Février 2009. UBS verse 780 millions de dollars à la justice américaine pour mettre fin au conflit fiscal. Avec l’accord de la FINMA, elle livre les données bancaires de 250 clients. Quelques jours plus tard, la justice américaine réclame des informations concernant les comptes de 52’000 clients dans le cadre d’une procédure civile. UBS s’y oppose.

Mars 2009. La Suisse assouplit son secret bancaire. Le Conseil fédéral décide d’adopter les standards de l’OCDE pour l’assistance administrative en matière fiscale.

Juin 2009. La Suisse et les Etats-Unis signent un accord révisé de double imposition.

Août 2009. La Suisse et les Etats-Unis signent un accord dans lequel Berne s’engage à livrer les données concernant 4450 comptes de clients américains, et non 52’000.

Janvier 2010. Le Tribunal administratif fédéral juge que la décision de transmettre les données bancaires de clients d’UBS aux autorités américaines viole le droit suisse. Quelques jours plus tard, il accepte le recours d’une contribuable américaine, mettant un coup d’arrêt à la livraison des données des 4450 clients que le Conseil fédéral s’est engagé à livrer.

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