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Le monde du travail à la croisée des chemins

Face à l'allongement du temps de travail, les syndicats se montrent réalistes. Keystone

Dans la course à la compétitivité, la Suisse aurait besoin d’allonger la durée du temps de travail. D'autres pays tels que l'Allemagne ont déjà fait le pas.

Pour sauver des emplois, le groupe Siemens et le syndicat IG Metall ont en effet décidé de revenir aux 40 heures. Au même salaire.

Travailler plus et plus longtemps. Alors que nombre de pays européens envisagent d’augmenter l’âge de la retraite pour financer les assurances sociales, la tendance à réduire le nombre d’heures hebdomadaires ralentit ou s’inverse carrément.

Il y a quelques jours, le groupe technologique allemand Siemens annonçait avoir trouvé un accord pour sauver 2000 emplois menacés dans deux fabriques de téléphones portables du pays.

Une brèche s’ouvre

Face au spectre d’une délocalisation de la production en Hongrie, où les salaires sont cinq fois plus bas, le puissant syndicat IG Metall a accepté le retour de 35 à 40 heures hebdomadaires. Ceci sans augmentation du salaire des ouvriers.

En échange, Siemens, qui économise ainsi jusqu’au tiers des coûts de personnel, s’est engagé à maintenir les deux usines pendant au moins deux ans et à investir 30 millions d’euros en projets innovateurs.

«Actuellement le taux de chômage est élevé et beaucoup de diplômés cherchent un emploi. Dans cette situation, augmenter le temps de travail n’aurait aucun sens», souligne Paul Rechsteiner, président de l’Union syndicale suisse (USS).

«On ne peut pas tirer de conclusions générales du cas de Siemens», fait remarquer Peter Hasler, directeur de l’Union patronale suisse. «Il s’agit là d’une solution spécifique à un problème d’entreprise», ajoute-t-il.

Il n’empêche, ce cas est des plus symboliques. Il constitue un précédent qui fait vaciller le modèle allemand et français des 35 heures. Une brèche s’est ouverte: une centaine d’entreprises allemandes ont déjà annoncé qu’elles allaient suivre la même voie.

Swissmen, les CFF, la Poste et les banques

Presque en même temps, en Suisse, où la durée de travail hebdomadaire est parmi les plus élevées d’Europe, un certain intérêt s’est également manifesté pour une hausse du temps de travail.

Ainsi, Johann Schneider-Amman, président de Swissmem, producteur de machines, a récemment émis le vœu de «négocier des augmentations contrôlées des horaires de travail».

En fait Johann Schneider-Amman désire réintroduire les 42 heures hebdomadaires dans son secteur, afin de le rendre plus compétitif sur le plan international.

Actuellement, la question est moins épineuse en Suisse qu’en Allemagne où, durant ces dix dernières années, les horaires de travail ont diminué plus qu’ailleurs.

Ceci dit, le souhait de Swissmem est partagé par les Chemins de fer fédéraux (CFF), la Poste et les banques.

Plus de flexibilité

«La Suisse, insiste Peter Hasler, n’a pas commis l’erreur d’introduire la semaine de 35 heures comme l’ont fait la France et l’Allemagne.»

«Chez nous, dit-il, le problème ne se pose donc pas de la même façon. Augmenter les heures pour rester compétitifs ne peut avoir de sens que pour ceux qui sont allés trop loin, comme les CFF, qui avaient opté pour la semaine de 39 heures!»

Le directeur de l’Union patronale suisse est cependant d’avis que, dans des cas précis et face à des situations économiques difficiles, des solutions transitoires doivent être trouvées. «Il faudrait une plus grande flexibilité du marché du travail», estime-t-il.

Un avis que Paul Rechsteiner est loin de partager: «économiquement parlant, c’est une absurdité. La productivité reste élevée en Suisse grâce à la qualité et aux motivations des travailleurs. Une précarisation de l’emploi n’arrangeraient rien.»

Le reflet de la globalisation?

L’ouverture des marchés et la course à la compétitivité rendent plus difficile la sauvegarde des emplois.

Des standards sociaux élevés pourraient s’avérer totalement inutiles en comparaison avec des marchés émergents comme l’Est européen ou la Chine. Là, les exigences de l’entreprise passent avant tout.

Se pourrait-il, dès lors, que la pression de la globalisation réduise les normes sociales des économies nationales à un dénominateur commun minimal? Pour des motifs différentes, Peter Hasler et Paul Rechsteiner répondent tous deux que non.

Pour le représentant du patronat, «personne ne veut replonger dans le Moyen-Age avec au moins 60 heures par semaine. Il y aura toujours un pays où l’on travaille plus. Nous, nous ne faisons que demander davantage de flexibilité du temps de travail.»

De son côté, le président de l’USS est d’avis que «le maintien de normes sociales satisfaisantes dépend des rapports de force entre employés et employeurs. Au niveau mondial, la productivité est élevée dans les pays où les conditions de travail sont bonnes. Pas le contraire.»

swissinfo, Marzio Pescia
(Traduction: Gemma d’Urso)

Les employés suisses travaillent en moyenne 41,7 heures par semaine, soit 1891 par an. Des chiffres très élevés en comparaison internationale.
Selon l’OCDE, les Allemands travaillent en moyenne environ 200 heures de moins par année que les Suisses.
Le taux de chômage atteint environ 3,8% en Suisse et 10% en Allemagne.

Le 3 mars 2002, 74,6% des Suisses ont refusé une diminution du temps de travail à 36 h. par semaine.

En Allemagne, les 35 h. ont été introduite il y a une dizaine d’années, surtout dans l’automobile, la métallurgie et l’électronique.

En Allemagne, la réduction du temps de travail touche 60% des emplois dans l’Ouest et 40% dans l’Est.

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